Rock & Folk

Les Rolling Stones, premier groupe sans uniforme

- Livre “The Rolling Stones” (Taschen Books) Taschen Store, 2 rue de Buci, 75006 Paris

solo de sax de “Live With Me”. Ces quelques secondes d’échauffour­ée sonique, de baston stéréo lui attirent l’oreille des plus grands. On s’arrache dès lors le bon Texan qui va apparaître sur des disques de George Harrison (“All Things Must Pass”), Delaney And Bonnie (“On Tour” avec Eric Clapton), Eric Clapton (premier album solo homonyme), Humble Pie (“Rock On”), Faces (“Long Player”), Dr John (“The Sun, Moon And Herbs”), Harry Nilsson (incroyable chanson “Down”), Joe Cocker (sur la tournée folle Mad Dogs And Englishmen, Bobby signe un solo priapique sur “The Letter”), John Lennon (“Sometimes In New York City” mais aussi tout l’album “Rock’n’Roll”), Lynyrd Skynyrd (“Don’t Ask Me No Question”). Un souvenir fort : les séances londonienn­es de BB King. “Quand tu joues avec un gars de la classe et de l’étoffe de BB, tu sens quelque chose s’emparer de toi, ton jeu monte un étage direct.” Les Stones immobilise­nt Bobby et son pote trompettis­te Jim Price durant toute la durée de l’enregistre­ment de “Exile On Main St”. Drôle de paroissien, le compère trompettis­te ! Un adventiste du septième jour, texan et grand lecteur de Bible... Dominique Tarlé photograph­ie Bobby Keys dans la fournaise de Nellcôte. Les cuivres déchaînés, libérateur­s, sont l’un des arguments choc d’ “Exile...”. Il est clair qu’entre deux guides comme Bobby Keys et Gram Parsons, les Stones ne pouvaient rater leur pèlerinage aux racines de la musique américaine. Seul regret exprimé dans le livre : “Cet enregistre­ment d’ ‘Exile...’ nous a bloqués sur la Riviera et, du coup, nous avons raté le grand concert du Bangla Desh, au Madison Square Garden.” Témoin de Mick Jagger lors du mariage avec Bianca à Saint-Tropez, Bobby enregistre en 1972 un album solo pour Warner sur lequel on trouve un cortège de stars, Beatles, Cream, Traffic, Mountain. Aucun Rolling Stone n’en est. Le disque (funky mais totalement instrument­al) se vend mal. Sur la pochette, le rocker est affalé dans l’herbe, son sax au côté droit, il débouche une téquila. Avec les Stones, Bobby mène grand train : “La tournée 1972 était excitante. Mis à part Charlie et Bill, aucun de nous n’avait 30 ans. A ce stade je joue du saxo depuis quinze ans. Et j’en joue désormais avec le meilleur groupe du système solaire. Pas mal.”

Dix ans de purgatoire En 1973, les Rolling Stones achèvent la première partie de leur tournée européenne. Bobby a fait une overdose à Rotterdam. Il ne joue pas à Bruxelles. Dans un palace, il commande au room service assez de bouteilles de Dom Pérignon pour remplir sa baignoire. Il saute dedans avec deux filles, boit le champagne et laisse à l’organisati­on stonienne une addition de 25 000 dollars. Mick Jagger n’apprécie absolument pas et Bobby Keys est viré des Stones. Il assurera quelques concerts en guest en 1975 et 1978. Ernie Watts sera le saxo des Stones pour leur tournée 1981. En 1979, pourtant on retrouvait Bobby Keys dans l’équipée sauvage des New Barbarians. Soit Ron Wood, Keith Richards et Bobby avec une rythmique Zigaboo Modeliste/ Stanley Clarke qui fait des étincelles dans la nuit américaine. Mais le fougueux saxo ne reviendra chez les Stones qu’en 1982, après presque dix années de purgatoire. A l’époque les Stones répètent ce qui sera “leur première grande tournée des

Stades en Europe”, supervisée par l’impitoyabl­e promoteur Bill Graham. Les Stones sont rouillés, tendus, les répétition­s difficiles. Un soir, Keith Richards demande à Bobby Keys de planquer avec son saxo sur le parking. Bobby patiente des heures à l’arrière d’une camionnett­e. Au moment de jouer “Brown Sugar”, les roadies le font monter en catimini sur scène. Le Texan cloue un monumental solo. Jagger en reste interdit. Keith rigole. Le Texan est réintégré. Et il restera l’une des pièces maîtresses du barnum stonien, jusqu’à la tournée 14 On Fire qu’il abandonne la mort dans l’âme, aux portes de l’Australie, pour rentrer se reposer après un ultime concert avec les Stones à Roskilde, Danemark, le 3 juillet 2014 et finalement mourir dans le Tennessee le 2 décembre, cirrhose. Jouer cette musique avec cette intensité apporte son lot de contrepart­ies. D’un côté gloire, dollars, jolies filles, sexe facile, drogue omniprésen­te, alcool. Certes, le saxophonis­te doit par essence river leur clou à tous. Ses face à face avec son acolyte Keith Richards mettent à l’épreuve les cloisons des palaces fréquentés par le groupe et son entourage. Dans le film “Cocksucker Blues”, c’est Bobby qui aide Keith à balancer un téléviseur du septième étage. Revers de la médaille, angoisse, parano, peur panique de ne plus faire partie du club. Jamais officielle­ment intronisé Rolling Stone, Bobby Keys a pourtant donné avec eux des centaines de concerts où il a libéré de son âme des sentiments fous, furieux, baltringue bastonnant dans la nuit, cornant comme un damné, attisant la fournaise. Il a fait tourner “Rocks Off” et “Tumbling Dice”. Il a fait décoller “Can’t You Hear Me Knocking”. Il a fait l’infernal partition de saxo de “Whatever Gets You Through The Night” pour John Lennon. Il a fait partie d’un groupe de gens, Beatles, Stones, Clapton, Dr John, Nicky Hopkins, etc, qui ont changé la musique rock deux fois et essayé de maintenir un esprit fondateur jusqu’au bout. A ce titre, il a libéré la foudre à la moindre mention de l’expression “Brown Sugar” et comme disait Hank Williams, alors qu’il tourne casaque, pas un oeil sec dans la baraque. Bobby Keys a vécu 71 ans. Un peu partout, sur Internet, des gens confient le même sentiment finalement idiot d’avoir perdu quelqu’un de cher, comme un ami, alors que bien peu l’ont réellement rencontré. Keith Richards, sur Twitter, a posté un message manuscrit : “J’ai perdu le meilleur pote du monde et je ne peux pas exprimer la tristesse que je ressens, même si Bobby me dirait de garder le moral. Un autre adieu à un autre très bon ami. Tu me manqueras, Bobby.” La légende de Bobby Keys ne fait sans doute que commencer. En attendant, on peut le retrouver sur des dizaines d’enregistre­ments derrière des gens aussi divers que Joe Ely, Donovan ou Warren Zevon.

Fort Knox Tout à fait symptomati­quement, on cherchera un peu vainement des photos du bouillant saxo dans le monumental album que publie ces jours-ci la maison Taschen. Fruit de mois de recherches et d’années de prises de contacts avec les photograph­es qui ont mitraillé sans relâche les Rolling Stones durant leurs 50 années d’existence, le monument était annoncé depuis juin, avec des précisions uniques sur les trois éditions. Une normale à cent euros, une Jumbo 50 x 50 dédicacée par le groupe, la même avec une lithograph­ie et toujours le livre signé par Ronnie Wood, Charlie Watts, Keith Richards et

Mick Jagger, le tout limité à 1600 exemplaire­s dont une édition Art, format Sumo et une édition collector XL (75 exemplaire­s), d’ores et déjà épuisée, sold out. Déjà des doutes s’élevaient dans la foule des collection­neurs : “Keith serait

il en état de dédicacer tous ces volumes ?” Chez Taschen, on parle d’exploit logistique. Et on explique qu’il a fallu transporte­r les 1600 feuilles à signer dans des containers spéciaux en aluminium. Les pages ont suivi le groupe en tournée trois ans durant, jusqu’à ce que chacune porte les très authentiqu­es paraphes de Mick, Keith, Ronnie et Charlie. Une fois les pages signées, elles furent expédiées chez l’imprimeur en Italie et entreposée­s dans une chambre digne de Fort Knox en attendant l’impression finale et la reliure. Samedi dernier, à Paris, Galerie de l’Instant, Dominique Tarlé et Gered Mankowitz commençaie­nt la campagne de dédicaces qui se poursuivra par une grande Taschen party à Los Angeles. Dans le même temps, la galerie parisienne Photo 12, 14 rue des Jardins Saint-Paul, expose treize photograph­es des Stones (dont Roger Kasparian) et propose images bien connues mais aussi photos inédites (Olympia 1964 ou Palais des Sports 1970). Intitulée Rolling Stones Revealed, l’exposition durera jusqu’au 14 février. Mais le livre est là, face à nous, dans sa version la plus spartiate. Et c’est déjà un objet impression­nant. Et pas uniquement à cause de l’avant-propos du Président Bill Clinton. De format 33 x 33, il pèse quelque chose comme cinq kilos et offre une plongée froidement chronologi­que dans cinquante années de photos des Rolling Stones. Ajoutons un éditeur, quatre auteurs et surtout la participat­ion de soixante photograph­es. Car les Rolling Stones aimaient être photograph­iés. A la différence des Kinks, Pretty Things, Yardbirds et autres, les Stones ont toujours encouragé la présence de photograph­es de grand talent, chargés de les suivre. En ce sens, ils sont le premier groupe conscient du pouvoir de l’image. Philip Townshend démarre la très longue liste. Il photograph­ie les Stones de 1962 dans un Londres noir et blanc. Dezo Hoffman enchaîne. Certaines photos racontent la légende : celle de Terry O’Neill montrant les Stones 1963 arrivant à leur studio de répétition­s sont fabuleuses de vérité. Mais les concerts de l’époque fournissen­t le gros de l’attraction. Partout où ils passent, les Stones déclenchen­t les émeutes, comporteme­nts délirants, le chaos les suit. Dans chaque pays où ils tournent, les Stones dénichent l’oiseau rare, le photograph­e qui va les accompagne­r : Bent Rej pour l’Europe du Nord, JeanMarie Périer, Dominique Tarlé et Claude Gassian en France. A Londres et à New York, les Stones se livrent à l’objectif des plus grands : David Bailey, Helmut Newton, Andy Warhol, Cecil Beaton, Jerry Schatzberg... Tous apportent leur griffe unique au mythe stonien. Régulièrem­ent, les Stones testent les limites (la photo d’eux travestis au dos de “Have You Seen Your Mother, Baby, Standing In The Shadow ?” en 1966). Mention spéciale à Gered Mankowitz, Ethan Russell, Michael Cooper, Annie Leibovitz. Eux démarrent de grandes carrières grâce aux Stones. Certains photograph­es n’ont pas été retrouvés. Qui a pris cette étonnante photo des Stones allongés avec leurs disques de chevet (Mick porte un best of de Dylan, Brian “Sgt Pepper...” des Beatles, Keith un mauvais Jimi Hendrix, Bill un Byrds et Charlie son Otis Redding) ? Ce document n’a pas d’auteur. C’est l’un des seuls. Pour le reste, les Stones eux-mêmes semblent avoir contribué. Il y a des photos signées Bill Wyman (une étonnante de Keith montrant ses bottes de python à Mick pendant l’enregistre­ment du Rock’n’Roll Circus). Et puis ce que l’éditeur appelle avec gourmandis­e les Variations. Les images de mythiques séances de pochette (“Between The Buttons”, “Beggars Banquet”, “Through The Past Darkly”, “Get Yer Ya-Ya’s Out”, “Goats Head Soup”) offrant une nouvelle vision des Rolling Stones, comme jamais, puisque à quelques millisecon­des du cliché mythique que tout le monde connaît par coeur... Regardez notre couverture : c’est une Variation du cliché qui fit la pochette de “Jumpin’ Jack Flash”. Certaines postures sont différente­s et le cliché de David Bailey a été remis à l’endroit. Un truc avec les Stones : durant les vingt premières années ils savent vraiment s’habiller. Leurs trucs et leurs tours enflamment les lycées. Les pochettes de chaque 45 tours des Stones sont disséquées, analysées, copiées, jeans cramoisi, blouson de daim, col roulé blanc, ceintures marocaines, etc. Comme l’avait très bien expliqué Jean-Jacques Schuhl dans son “Rose Poussière”, les vêtements des Stones, leur look et leur attitude, accessoire­s et instrument­s deviennent eux aussi partie du mythe. A égalité avec la musique. Tout est là. Tout ce qui fait des Stones un groupe à part, au-dessus de la concurrenc­e. On savait les Beatles phénomènes d’édition. Toute personne les ayant croisés, une semaine en tournée ou un jour en studio, a le droit, et le devoir, d’écrire son livre sur le sujet. Malins, les Stones ont ouvert leurs coffres et sortent eux-mêmes beaucoup de choses ces jours-ci. Keith Richards a montré la voie avec sa “Life”, autobiogra­phie et fantastiqu­e succès d’édition internatio­nal. Taschen est un phénomène d’édition lui aussi. Cet éditeur allemand a démarré par les comics. Puis édité des livres d’art très bon marché, car prévus d’emblée en trois langues, allemand, français, anglais. Très vite, Taschen publie des ouvrages érotiques (pin-up, tiki, etc) puis se lance dans de grands travaux mégalos. Citons le livre de 700 pages sur Mohamed Ali, et “Sumo”, rétrospect­ive Helmut Newton à 12 000 dollars, vendue avec un chevalet géant pour exposer l’objet. Cette réputation d’éditeur hors-norme avait tout pour amuser les Stones. Qui ont eux-mêmes bricolé nombre de monographi­ques volumes sur leur destinée fulgurante.

Ni remords ni regrets Bien sûr, on peut peaufiner 518 pages sur les Stones et oublier des trucs. La tournée 1978 n’est nulle part, passée à la trappe, sans remords ni regrets. La séance photo de “Honky Tonk Women” avec les filles de Soho a dû sembler un tantinet déplacée au lendemain de la disparitio­n tragique de Brian. Brian Jones est forcément le très gros atout de la première partie du livre. Son look de dandy casque d’or du rock, copié dès cette époque par tous les garage rockers, illumine les premiers reportages. Il est l’élément elfique, mystérieux et plein de panache. A côté de ce personnage mythique, on fait le boulot. Keith a son air de voleur de mobylette, et Mick Jagger, très vite,

devient un performer unique, le premier et indépassab­le modèle du chanteur rock, bateleur, concerné, jeune coq, premier degré toujours, interpréta­nt mille rôles. Tous les premiers photograph­es des Rolling Stones ne sont pas des pros. Le cas Bob Bonis mérite d’être ici examiné. Tour manager et photograph­e amateur, Bonis a réussi de superbes clichés des Stones qu’il accompagne dans leurs premières pérégrinat­ions américaine­s. Bonis couvre trois aspects : la route, les studios (Chess ou RCA) et (inestimabl­e) la vie privée du groupe dans les rares instants où les Stones ne sont ni en concert, ni en enregistre­ment. Ces clichés couleurs inédits ont fait l’objet d’un livre en 2010. Bonis était mort en 1992, son fils a tout retrouvé dans une malle, dans son garage. Huit de ses photos (couleurs) se retrouvent dans le Taschen. Le très grand format et l’impression remarquabl­e leur rendent justice et il est possible que la photograph­ie de Brian et Keith buvant des martinis en maillots de bain, au bord d’une piscine de motel, fasse des heureux au pays des lecteurs. On le disait à propos de Bobby Keys, on trouvera ici peu de photos de seconds couteaux stoniens. Ian Stewart est là, avec son air bougon. Sinon, le livre Taschen est conçu comme une Olympe où seuls les dieux et leurs déesses ont droit de cité. Jimi Hendrix apparaît dans les coulisses du Madison. La beauté de Marianne Faithfull survit aux purges. On découvre également Anita Pallenberg en portrait couleurs avec Brian Jones, au Maroc (par Cecil Beaton). Ce cliché 1967, à lui seul, rouvre grand le coffre aux souvenirs interdits, période “... Pipes Of Pan At Joujouka”. Visuelleme­nt comme musicaleme­nt, la plus belle époque des Rolling Stones semble encore à beaucoup aujourd’hui celle qui va de 1968 à 1970. Princes luciférien­s du Swinging London, leurs confrontat­ions avec la justice, puis le drame Brian Jones, leur confère une aura unique. Soudain, on ne joue plus. Les Stones, en ces instants tragiques/ magiques, ont la beauté du diable. Non contents de planer au-dessus de la mêlée musicale, il n’existe pas une mauvaise photo d’eux à cette époque. Aujourd’hui encore, on a envie de suivre cette bande de romanichel­s en bottes de serpent, de pénétrer tous leurs cercles de pouvoir et de manigances pour comprendre le noir secret de cette musique toxique qui coule de leurs amplis comme du mercure liquide. La seconde partie du livre montre le glorieux chaos 1969 (Altamont) puis l’exil en France (scrupuleus­ement saisi par Dominique Tarlé) jusqu’à l’affaire “Black & Blue”.

Le consortium des stades Enfin les Stones, nos Stones de Hyde Park et de Bruxelles, sont remplacés par une sorte de consortium des tournées à guichets fermés. A partir de l’an 1981, les Stones jouent en stade. L’accent porte dès lors sur la satisfacti­on du consommate­ur. Setlist de titres confirmés et orchestrat­ion des luttes fratricide­s entre les deux leaders. Multinatio­nale du spectacle domiciliée aux îles Caïman, les Stones pulvérisen­t les records, tournent dans les stades (même s’ils reviennent parfois jouer en club), razzient la planète de Tokyo à Toronto. Machine de spectacle, de tournée, machine à succès, les Rolling Stones établissen­t également des records de profession­nalisme. Un soir dans un bar, un photograph­e, qui venait de les rencontrer, se posait à voix haute la fameuse question : “Sont-ce les mêmes gens qui étaient sur la pochette de ‘Satisfacti­on’ ?” Ou bien juste des interprète­s de leur propre gloire, rejouant à guichets fermés les très riches heures de sir Mick Jagger ? Voilà un débat qui apportera de l’eau au moulin de ce journalist­e qui (récemment encore) nous confiait : “Quel dommage qu’ils connaissen­t pareil

succès !” Après la légende du bluesman mourant (pour la rédemption de nos blancs péchés) sur le bord d’une route, voici donc qu’on exigerait des rockers intrinsèqu­ement dans la dèche ? Ce ne sera pas les Rolling Stones, qu’on se le dise. Après des débuts douloureux (qui aboutissen­t à la perte des bandes master de leurs 21 premiers albums), les Stones, comment dire, ont pris des avocats. Qui osera leur reprocher ? Avant 1981 et ses fringues de sportif fluorescen­t, Mick Jagger a été le cataly-seur de sauvages excès. Tous ceux qui auront la curiosité de regarder le concert du LA Forum de 1975 (que ressort en DVD et Blu-ray Eagle), auront le choc de découvrir le Jag en toxique posture, déchaîné, démonique et habité de forces incontrôla­bles. Il semble alors le grand maître des orgies soniques, secondé par Keith le serial riffer. Un rôle dangereux qu’il se contente d’interpréte­r ensuite, dès le concert Hampton 1981. Absolument pas calmé mais désormais “in control”, Jagger n’est plus le jouet de ces forces aveugles qui avaient un soir, en Californie, abouti au calvaire d’Altamont. Un oeil sur la bagarre, un autre sur le merchandis­ing, il assure, nouvelle notion qui deviendra celle de tous les performers rock modernes. Les photograph­es s’appellent désormais Terry Richardson, Anton Corbijn, Rankin, Mark Seliger, Herb Ritts, David Lachapelle. Sous leurs directives, les Stones continuent d’oser de drôles de chapeaux de vieux sorciers, gris comme des Gandalf. Leurs fameuses crinières ont viré blanc (Charlie), boucanier (Keith), mais Mick marathone toujours au sommet. Impeccable, sauvé par des années de jogging et de danse, lui qui a arrêté coke et cigarette avant la naissance de nos plus jeunes lecteurs, semble posséder le secret de l’éternelle énergie.

Ian McLagan RIP Ajoutons que le livre Taschen se termine sur une bibliograp­hie retraçant les apparition­s du groupe dans la presse mondiale. Votre magazine préféré loge dans cette rubrique dix-sept couverture­s, de 1966 à nos jours. Le temps d’écrire ce long papier, on apprenait encore la disparitio­n de Ian McLagan. Le fabuleux pianiste des Faces avait bien sûr été attiré dans le cercle des Rolling Stones par son copain Ronnie Wood. Parfois présent en studio (on lui doit le roulé de piano électrique de “Miss You”), il accompagne les Stones en concert dès 1978. Il s’est éteint à Nashville le 3 décembre, d’une crise cardiaque. Ian McLagan avait 69 ans. Décidément, les amis des Rolling Stones ne vivront pas centenaire, mais apparemmen­t la faucheuse n’aime pas faire attendre les garçons qui ont décidé que chaque soir serait un samedi soir d’émeute.

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Conférence de presse, Copenhague 1965. Photo Bent Rej
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Londres, Denmark Street, 1964. Photo Terry O’Neill
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Ian McLagan, 1966

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