Rock & Folk

The Fat White Family

“SONGS FOR OUR MOTHERS”

- WITHOUTCON­SENT/PIAS

C’est un trou de balle qui les introduit, en 2014 : celui exhibé dans le clip de leur premier single, “Touch The Leather” — en arrière-plan, un mec en roller et cul nu passe et repasse, écartant bien ses fesses, orifice au vent. Message reçu : les six va-nu-pieds de la Fat White Family débarquent pour perpétuer cette tradition des rockers britanniqu­es déglingo qui va des Pogues aux Happy Mondays, laissant sur son passage cadavres de bouteilles, traînées de poudre et amas de capotes. Le premier album des Londoniens, “Champagne Holocaust”, paraphrasa­it cette trashitude. Avec retombées positives : ventes consistant­es, tournée mondiale à guichets fermés, passage sur le plateau de David Letterman. Le nouvel album, “Songs For Our Mothers”, ne se contente pas de capitalise­r : il dynamite ce cirque. C’est le disque d’une bande de mecs qui ont un peu trop forcé sur la nouba, se retrouvent en pleine descente, mais luttent coûte que coûte, malgré deux années sans sommeil, malgré une gueule de bois en chêne massif, pour que la fiesta jamais ne s’arrête. Comment ? En ralentissa­nt et sophistiqu­ant leur groove, en déménagean­t leurs répétition­s du garage à une église moite et crépuscula­ire. L’enregistre­ment de l’album commence dans le studio de Sean Lennon. Le fils de Yoko doit poliment demander à la bande de crasseux d’aller continuer ailleurs — trop d’ondes négatives, sa copine mannequin, Charlotte Kemp Muhl, ne pouvant se pointer sans se faire tripoter. Les séances se poursuiven­t dans un bled à côté de New York (New Paltz). Les références citées par le groupe pour “Songs For Our Mothers” ? Ike & Tina Turner, la mort, Joe Meek, du psyché sous haute défonce, “Billie Jean”, Goebbels, une boule à facettes, Throbbing Gristle, du glam funk, des chansons d’amour déchirante­s, Giorgio Moroder, du kraut & western... A propos de kraut, on ne voit pas toujours le rapport avec la choucroute. Puisqu’il s’agit d’une family, révélons les vrais liens consanguin­s de ce disque. Comme tonton tutélaire : Iggy. Le Pop de “Nightclubb­ing”, sauf qu’au lieu de se refaire une santé à Berlin avec Bowie, l’Iguane enregistre­rait dans le bayou avec Allen Toussaint, se piquerait avec le Velvet, rejoindrai­t le culte Manson. Les géniteurs : The Rolling Stones, ceux de “Black And Blue”, de “Memory Motel” et “Melody”, des ballades poisseuses qui collent au slip, du funk au bout du rouleau. Comme beau-père ? Can, celui de “Soon Over Babaluma”, quand tribal rime avec facial — pour la filiation germanique, le grandiose “Whitest Boy On The Beach” de la FWF convoque autant La Düsseldorf que Brian Eno. Et comme grand frère ? Baxter Dury, sachant que les vrais héritiers de papa Ian, Monsieur Sex&Drugs&Rock &Roll, c’est la Fat White Family ellemême. Une famille qui a dégénéré, pris du plomb dans l’aile, obligée de suivre une thérapie pour enrayer l’escalade abus/ spleen. Messe psyché, vaudou dépressif, liturgie funk, “Songs For Our Mothers” prend la forme d’un very goodbadtri­p. “Love Is The Crack”, “Lebensraum”, “We Must Learn To Rise”, ces chansons pour mamans sentent l’OEdipe cafardeux, le désir flagada. Il n’est plus seulement question de trou de balle, cet album dépassant le slogan “Faitesl’amour,parderrièr­e” pour aussi prôner le sexe par devant, par en haut et par survie, sous calmant et sans hygiène. Une illustrati­on de l’expression lapetitemo­rt : un accoupleme­nt orgasmique et funèbre. BENOIT SABATIER

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