Supergrass
Parlophone/ Warner C’était donc il y a vingt ans, déjà... Le Royaume-Uni retrouvait ses couleurs pop, Londres swinguait à nouveau. Un merveilleux single, “Alright”, enchantait le mois de juillet 2015, mais le groupe était déjà connu pour avoir sorti trois simples monstrueux, “Caught By The Fuzz”, “Mansize Rooster” et “Lenny” avant la parution d’un premier album renversant. Comme le précisait le chanteur dans les paroles de “Alright”, les trois zigs de Supergrass étaient jeunes : Gaz Coombes avait 18 ans. Mais une inspiration affolante : “I Should Coco” sonne comme un best of démarrant sur une enfilade hallucinante de sept morceaux inouïs (“I’d Like To Know”, “Caught By The Fuzz”, “Mansize Rooster”, “Alright”, “Lose It”, “Lenny”, “Strange Ones”, “Sitting Up Straight”) avant de laisser l’auditeur enfin souffler... Et encore, même si les derniers morceaux de l’album sont plus calmes, c’est encore une magistrale démonstration de songwriting avec “She’s So Loose”, “We’re Not Supposed To”, “Time” et “Sofa (Of My Lethargy)”. A l’époque de sa sortie, l’album avait considérablement impressionné les amateurs de pop anglaise. Supergrass ne sonnait comme rien de connu dans le monde de la britpop (Blur, Oasis, Pulp) et se montrait difficile à résumer : la frénésie de la première moitié de l’album faisait irrémédiablement penser aux Buzzcocks, mais la seconde partait ailleurs : le côté farce de Madness, un peu de Bowie, le seul morceau vaguement sixties, “Sofa...”, sonnant comme les Beatles revus à la sauce californienne seventies. Mais il est probable que ces supposées influences soient parfaitement hasardeuses : lorsqu’on interviewait Supergrass — Gaz Coombes était alors d’un ennui mortel, le cauchemar du journaliste — le groupe affirmait n’écouter que Bob Marley, Curtis Mayfield et du funk, refusant toujours de se prendre au sérieux (d’où, sans doute, la laideur exceptionnelle de la pochette de “I Should Coco”... Tous les albums de Supergrass ont une pochette hideuse ou stupide, c’est une sorte d’exploit). Nous ne saurons donc jamais d’où venait vraiment cette musique parfaite. Et puis, il faut souligner les qualités strictement musicales du groupe : un batteur jouant comme Keith Moon, un bassiste hyper mélodique, des choeurs osés dans les aigus limite Beach Boys, et la voix magistrale de Gaz, leader aux rouflaquettes imposantes étrangement charismatique. Sur scène, c’était autre chose qu’Oasis : une explosion de nervosité incapable de débander jusqu’au dernier rappel, ces trois-là jouant en une union parfaite. Ce petit chef-d’oeuvre sort dans une version augmentée pour une fois recommandable puisqu’elle réunit les intéressantes faces B que nous chérissions à l’époque, telles “Just Dropped In (To See What Condition My Condition Was In)”, “Je Suis Votre Papa Sucre”, “Wait For The Sun”, etc, ainsi que deux live montrant aux jeunes à quel point le groupe déglinguait sec sur scène, et qui évoquera de sacrés bons souvenirs à ceux qui y étaient. Champagne ! qu’il est vivement conseiller de jouer au frisbee avec les anciennes et de passer (encore) à la caisse. “The Very Special World Of Lee Hazlewood” est un vrai début dans la carrière du moustachu : c’est là, chez MGM, que se mettent en place toutes les caractéristiques de son art. Compositions fabuleuses (il n’y a plus de reprises, contrairement à ses premiers albums), production extraordinaire, et un personnel impressionnant : Glen Campbell, Jim Gordon, Al Casey, Hal Blaine, etc. Des arrangements de cordes à se suicider, et des chansons du même calibre : “Your Sweet Love”, “Not The Lovin’ Kind”, “Sand” (avec Suzi Jane Hokom), “My Baby Cried All Night Long”, “So Long, Babe”, “Summer Wine”, ou son chef-d’oeuvre sombre, “My Autumn’s Done Come”, pardon ! L’album est un monument, régulièrement oublié des palmarès de l’année 1966 et pourtant, il surpasse les doigts dans le nez nombre de classiques de son époque. Un an plus tard, le grand homme récidivait avec “Lee Hazlewoodism” proposant une fois de plus cet étrange cocktail de country, de trucs western/ mariachi quasi morriconiens, de pop ou de bossa reposant sur un lit de guitares médiocre au regard des capacités extraordinaires de l’auteur, “Something Special” reste plaisant bien que dépouillé de toutes les qualités orchestrales de ses prédécesseurs. A recommander aux fans seulement. Pour le reste, Light In The Attic a fait un travail extraordinaire (mastering, livret, etc). Tout cela sonne merveilleusement.