Corneilles
Qui n’a pas un jour bâillé aux corneilles sur les bancs de l’école alors que l’instit’ s’évertuait à expliquer à la classe ronronnante toute la puissance contenue dans la prose de Lewis Carroll ? Bon... Afin de se faire pardonner ce manque d’intérêt flagrant, les fautifs vont se procurer d’urgence le merveilleux “Alice Au Pays Des Comics” (chez Urban Books) afin de constater l’influence pour le moins extraordinaire du romancier anglais sur les plus grands auteurs de comics d’outre-Atlantique. Là, c’est quasiment le carton plein chez tous les dessinateurs de cette époque bénie comme Alex Toth (“Blazing Combat”, “Superman”), Charles Schultz (“Peanuts”), Walt Kelly (Pogo Comics, Walt Disney Studio), Harvey Kurtzman (“Two-Fisted Tales”, “Mad”) ainsi qu’une douzaine d’autres. Tous y sont allés de leur version plus ou moins iconoclaste de “Alice Au Pays Des Merveilles” réunies ici pour la première fois, initiative plutôt réussie au final. Ado à une époque où les disques s’achetaient quasiment les yeux fermés, JC Menu commença à brûler sa jeunesse en ornementant les pages des Héros Du Peuple Sont Immortels, fanzine en bleu et blanc du label alternatif Gougnaf Mouvement. A partir de là, ce témoin de la musique de son temps n’a eu de cesse de croquer l’univers du rock dès qu’un concert lui en donnait l’opportunité. “Chroquettes” (Fluide Glacial) rassemble de manière ordonnée un certain nombre de chroniques dessinées que n’auraient reniées ni Lester Bangs ni Hunter S Thompson. Plutôt éclectique au niveau de ses goûts qui vont de toutes les sortes du punk au garage sans oublier Neil Young et l’expérimental de tout poil, Menu raconte ses choix musicaux, grimpe aux rideaux, s’extasie, déteste, relativise (un peu). Au final, ça le fait plutôt bien. Dans le titre de ce magazine, il y a folk, terme qui fait référence à une musique généralement acoustique supportant des textes aussi engagés politiquement que poétiques. Maintenant, le mot est aussi galvaudé que peut l’être son homologue rock, mais d’une manière plus discrète. Heureusement, grâce à l’association Will Argunas (dessin) et Jean-William Thoury (bio éclairante), les jeunes pousses avides de découverte choc vont se précipiter sur “Joan Baez” (BDFolk), BD initiatique consacrée à l’une des figures les plus marquantes de la chanson dite contestataire des années soixante et, tant qu’on y est, icône indéboulonnable de la bonne conscience politique de cette époque révolutionnaire dont seul le côté faux-cul et politiquement correct a perduré jusqu’à nous. Fidèle à son format habituel, BDFolk livre l’engin avec deux CD remplis ras la gueule de titres pas forcément réservés aux veillées autour du feu de camp. Pour le reste, c’est dessiné d’après photos et le résultat est très correct. L’horreur, il vaut mieux la suivre au fil des planches d’une BD bien dessinée que de la subir gratuitement dans la rue en sortant un vendredi 13. Afin de contrer le chat noir, les lecteurs vont une nouvelle fois vivre une attaque directe au portefeuille dont la douleur sera heureusement compensée par le contenu incroyable du pavé “Histoire Illustrée De L’Horreur”, bouquin grand luxe comme savent très bien le faire les éditions Le Pré Aux Clercs. A l’intérieur, et sous la houlette du très éclairé Stephen Jones, toutes les facettes de l’horreur divertissante ont été tronçonnées en dix chapitres richement illustrés qui devraient éclairer les lanternes des goules sommeillant en tout un chacun. L’ouvrage ne traite pas uniquement de BD et aborde aussi la littérature, l’illustration, le cinéma ou les fêtes d’Halloween. L’occasion rêvée de ne pas mourir idiot en restant bloqué sur un seul et unique concept.
“L’Homme Au Landau Et Autres Histoires”