The Long Ryders
Cherry Red (import Gibert Joseph) Les années passent, on devient blasé : difficile d’imaginer aujourd’hui la singularité des Long Ryders en leur temps... Alors que leurs confrères du Paisley Underground californien se démarquaient de la new wave anglaise et de la scène hardcore californienne en se ressourçant dans les sixties psychédéliques, les Long Ryders déviaient sensiblement pour emprunter une route ahurissante à l’époque : fascinés par les Byrds (d’où le y dans leur nom tiré d’un western de Walter Hill), puis par les Flying Burrito Brothers et Buffalo Springfield, le groupe de Sid Griffin — récemment échappé d’un groupe de garage radical, les Unclaimed — et de Stephen McCarthy allait réinventer le country rock, carrément. Les Long Ryders n’étaient pas les seuls à cette époque à aller fouiller dans les racines américaines : le Gun Club avait repris Tommy Johnson et Son House, les Blasters flirtaient avec le rock fifties, les Knitters formés par des membres de X adoraient Hank Williams, bientôt apparaîtrait Lone Justice, etc. Mais les Ryders poussaient le revivalisme assez loin : la pochette de leur premier album était un décalque d’un inédit de Buffalo Springfield, Gene Clark en personne y faisait une apparition, et toute cette clique était habillée et coiffée comme les Byrds en 1967. Le tout avec Rickenbacker douze cordes, pedal steel, voix et choeurs comme des photocopies ultimes de ce que faisaient McGuinn, Crosby et Clark en leur temps... Un beau coffret de quatre CD réunit aujourd’hui leurs oeuvres et, curieusement, elles ont bien résisté, la production rétro de l’époque leur évitant de sombrer dans les mauvais souvenirs eighties. Il y eut d’abord un mini-album en 1983 où le garage et le psychédélisme (en particulier sur le merveilleux “And She Rides”) justifiaient l’appartenance à la scène Paisley mais, avec “Native Sons”, “State Of Our Union” et “Two Fisted Tales”, soit de 1984 à 1987, c’en était fini avec les motifs cachemire tandis que les 12-cordes se mettaient à carillonner avec plus d’insistance. Le groupe avait de bonnes compositions et jouait à la perfection ce genre antique, mais sans doute ses obsessions l’empêchait-il d’innover à la manière de Green On Red ou du Dream Syndicate, trop occupé qu’il était à sonner exactement comme ses pairs. Sid Griffin allait plus tard devenir journaliste pour la presse musicale anglaise, s’installant à Londres pour y fonder les sympathiques Coal Porters, écrire un livre sur Gram Parsons et se spécialiser dans la période qui l’avait tant marqué. Son groupe aura précédé le genre alt country de plusieurs années et lancé le revival Byrds bien avant que les Anglais (voir le premier et tragique album de Primal Scream) ne s’y mettent. Des nostalgiques en avance sur leur temps ? Quel paradoxe... pour Interview — et tenait une librairie new-yorkaise pour cinéphiles, Cinemabilia. Amateur de musique, Ork avait rencontré Richard Hell et Tom Verlaine, et avait décidé que Television serait son propre Velvet Underground. Montant un label de manière très artisanale pour diffuser ses trouvailles, Ork allait croiser et publier quelques légendes de son temps, toutes finissant par le lâcher pour, évidemment, s’orienter vers des structures plus professionnelles. En deux CD, ce coffret très beau retrace la carrière du label, et ce n’est rien de dire que Ork avait du flair : d’abord, Television avec le mythique “Little Johnny Jewel” en 1975, puis “Blank Generation” de Richard Hell l’année suivante, et ensuite, une enfilade de jeunes gens très doués, dont les Feelies (avec, ici, une sidérante version inédite de “Fa Cé-La”) et les dB’s, ainsi que le retour d’Alex Chilton sur lequel personne n’aurait misé à l’époque, un inédit de Lenny Kaye enregistré en 1965 sous le nom de Link Cromwell, Mick Farren en personne, Richard Lloyd en solo (reprenant les Stones) et enfin, quelques losers, dont les Idols (Arthur Kane, Jerry Nolan et Steve Dior s’en prenant à David Johansen sur “You”) et Cheetah Chrome, le monstre des Dead Boys, sans oublier les plaisanteries de Lester Bangs taquinant le micro et la mauvaise imitation de Patti Smith des Erasers. Tout n’est pas grandiose, même si plusieurs pépites se bousculent (voir les inégalables “All Of This Time” et “Bangkok” de Chilton ou la pop parfaite de Chris Stamey), mais, pris dans leur ensemble, ces titres de Ork Records donnent une idée très précise de la scène new-yorkaise underground de l’époque. Gloire à Terry Ork, donc, qui, après avoir tout perdu, a tout lâché dans les années 80 et s’est exilé à Los Angeles (avant d’y passer quelque temps derrière les barreaux) dans l’indifférence générale. et John Holmstrom, les Dictators, apparus vers 1974, étaient appelés à réaliser de grandes choses. Avec Handsome Dick Manitoba, un catcheur, au micro, et les guitares de Scott Kempner et Ross TheBoss Funichello, un solide sens de l’humour sérieusement décalé et des goûts impeccables en matière de rock and roll, le groupe avait tout pour plaire, inventant au passage deux ou trois choses qu’allaient reprendre les Ramones (qui joueraient plus vite parce que moins bien), comme ces réminiscences sixties entendues sur ce premier album charmant (excellentes versions de “I Got You Babe” de Sonny & Cher” et du grandiose “California Sun” des Rivieras que les Ramones allaient bientôt reprendre aussi, avec moins de brio). Sandy Pearlman du Blue Öyster Cult signait une excellente production — il serait moins inspiré quelques années plus tard sur “Give ’Em Enough Rope” des Clash — et faisait chauffer les guitares, tandis que le groupe lâchait un répertoire jouissif signé Andy Shernoff avec des morceaux comme “Back To Africa”, “(I Live For) Cars And Girls”, “Weekend”, “Master Race Rock” ou “Teengenerate”, et, sur scène, offrait selon les témoins, un spectacle invariablement réjouissant. Ce classique ultra rock and roll sort enfin remasterisé (les versions précédentes en CD faisaient pitié) agrémenté de quelques bonus sans grand intérêt. Indispensable tout de même, ne serait-ce que pour passer “Two Tub Man” à fond la caisse.