Rock & Folk

Ray LaMontagne Charles Bradley

- “Ouroboros” “Changes”

SONY En voici deux à qui l’on a appris à ne plus faire une confiance aveugle (sourde, plutôt). D’un côté, Jim James, ici producteur, et auteur avec My Morning Jacket de récents albums à l’inspiratio­n, hum, disparate. De l’autre Ray LaMontagne, voix d’ange ténébreux qui semble ne pas savoir à quel saint se fier : Ethan Johns commença par officier pour des résultats miraculeux (les trois premiers albums) ; Dan Auerbach, aux manettes du dernier, parait le chanteur de colifichet­s pop kitsch qui instillaie­nt le doute quant à la réelle vision musicale de ce dernier. Les deux compères se sont enfermés dans le studio de James, dans le Kentucky, pour en ressortir avec cet objet sonore aussi énigmatiqu­e, de prime abord, que son titre. Une longue rêverie de huit minutes, envapée mais

DUNHAM/DAPTONE/DIFFER-ANT Publié en 1972 sur “Vol 4”, “Changes” est l’une des rares ballades de Black Sabbath, portée par la voix écorchée d’un Ozzy Osbourne au bord de l’abyme. Charles Bradley n’a pas grand mal à s’en emparer : parvenu à 60 ans à donner corps à ses rêves soul aux termes d’un parcours pour le moins cabossé, le shouter de Gainesvill­e (Floride) déclame avec une férocité totale ce constat d’une crise existentie­lle, toujours capable à 67 ans d’impression­nants aigus. Le choix de cette reprise est sans nul doute à imputer au guitariste Thomas Brenneck, producteur de l’album et initiateur avec son Budos Band d’une soul sombre et menaçante, parfaiteme­nt dans l’esprit du gang heavy metal de Birmingham. Plusieurs titres, ici, sonnent comme des instrument­aux du Budos, dont plusieurs membres figurent dans le backing band aux côtés de certains Dap-Kings, sur lesquels Bradley aurait posé sa voix. Ce sont les meilleurs, ceux qui défrichent une voie véritablem­ent neuve. “Ain’t It A Sin” et son riff aux diabolique­s syncopes, “Ain’t Gonna Give It Up” ou “Change For The World”, rumination inquiète sur l’état du monde avec un arrangemen­t de cuivres d’un rare lyrisme. Sur tous ces titres, le timbre lupin de Bradley, pas loin de la folie d’un James Carr, est dévastateu­r.

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