Rock & Folk

The Lemon Twigs

“DO HOLLYWOOD”

- 4AD/BEGGARS

rapporte à la grande tradition sixties, assimilé classiques comme obscurités. Et puis ils ont été repérés, il y a deux ans de cela, par d’autres doux dingues, Foxygen, qui partagent peu ou prou les mêmes obsessions et les ont embarqués sur leurs rocamboles­ques tournées. Fort logiquemen­t, c’est donc Jonathan Rado, moitié du duo suscité, qu’on retrouve dans le rôle de George Martin. Un choix qui pouvait malgré tout soulever quelques doutes, tant le dernier opus des branlotins de la côte Ouest péchait par son manque de qualité sonore, de discerneme­nt. A l’écoute, les doutes se dissipent pourtant très vite : rien de lo-fi ici, les arrangemen­ts sont même d’une richesse étonnante, avec des cordes, cuivres, clochettes, claviers gazouillan­ts et, cerise sur le proverbial cake, un martèlemen­t reproduisa­nt le style si particulie­r de Ringo Starr. Tout l’attirail du Sergent Poivre, en somme. Reste que le plus soufflant avec The Lemon Twigs, ce sont certaineme­nt les chansons. Nos prodiges narrent leurs peines de coeur sur d’extraordin­aires morceaux à tiroirs, aux mélodies superbes et à la soufflante versatilit­é : les ombres bienveilla­ntes de Paul McCartney et des Beach Boys reviennent certes souvent, mais chaque morceau recèle de soudaines ruptures, de détours et recoins d’une inventivit­é folle. Le premier, “I Wanna Prove To You” reproduit le meilleur Macca avant de se donner une allure de bluette fifties, avec choeurs doo-wop en renfort. “Those Days Is Comin’ Soon”, un peu vaudeville, fait inévitable­ment songer aux Kinks. Sur “Haroomata”, une fanfare s’invite, inopinémen­t. Ode à l’innocence, “Hi + Lo” s’emballe sans prévenir avec un refrain totalement surf-rock, époque “Surfin’ USA”. L’introducti­on de la très orchestral­e “Frank” est un instrument­al luxuriant qui ne déparerait pas “Pet Sounds”. Il y a enfin, au sein de ces dix titres constammen­t épatants, deux pépites absolues qui se détachent d’une courte tête : la magnifique et ultra sensible ballade au piano “How Lucky Am I ?” qui, nantie de ses angéliques harmonies, évoque le Brian Wilson de “Surf’s Up”, et enfin l’ultime “A Great Snake”, dont les couplets oscillent entre Ray Davies et Syd Barrett avant un grand décollage psychédéli­que façon MGMT, avec synthés rêveurs et un solo carrément céleste, planant. A l’issue de ce petit chef-d’oeuvre, on ne peut plus douter : ces gamins ont une classe bien à eux, une grâce innée. Il fallait avoir une insoucianc­e infinie pour oser se confronter de cette manière aux maîtres pop du siècle précédent. Le pari est totalement réussi. On n’est décidemmen­t pas sérieux, quand on a dix-sept ans.

✪✪✪✪

JONATHAN WITT

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France