Bizarres et fascinants Sense8
Puis Larry est devenu Lana en 2010. Avant qu’Andy ne devienne Lilly en mars dernier. Deux frangins devenus femmes à six ans d’intervalle. Un cas unique dans l’histoire du cinéma. Un changement d’identité sexuelle qui a son importance pour leur “Sense8”, série aussi outofthisworld que whatthefuck ! Une série à l’image de leurs trois derniers films ciné, si chers et si barrés, qu’on se demande encore comment Hollywood a pu les produire. Comme “Speed Racer”, adaptation totalement psychédélique d’un jeu vidéo populaire et hymne vaguement conscient aux effets provoqués par les substances illicites. Ou “Jupiter : Le Destin De L’Univers”, sorte de version de “Star Wars” revisitée par un spectacle transformiste de chez Michou. Sans oublier “Cloud Atlas”, fable métaphysique sur les rencontres mentales de divers personnages à travers les siècles qui ferait presque penser à du Claude Lelouch revisité par le Kubrick de “2001...” ! Des films quasi new age, bizarres et fascinants, parfois grotesques jusqu’à la gêne et qui naviguent entre l’ultra kitch et l’inspiration mystique. Comme de gros rots purificateurs de Dieu ! Et qui se sont plus ou moins plantés au box-office à cause de leur côté ovniesque prononcé. Comme beaucoup de réalisateurs à l’imagination trop débordante, les Wachowski n’ont donc eu d’autre choix que de se tourner vers les chaînes câblées pour continuer de promouvoir leurs univers barré. Ici Netflix qui leur a donné les moyens pour les 12 épisodes méga méta de “Sense8”. Soit huit personnages venus des quatre coins de la planète et reliés entre eux de manière totalement sensitive. Une DJ islandaise, un flic de Chicago, un acteur mexicain à la double vie amoureuse, un jeune conducteur de bus nigérian, un voyou berlinois, une Indienne timide, une Américaine qui veut garder sa nouvelle identité sexuelle et une Sud-Coréenne adepte du kick-boxing. Tous, sans l’avoir vraiment cherché, vont se retrouver liés entre eux par la pensée, le psychisme, les visions et les sensations de déjà-vu. Avec de multiples questionnements inhérents à leur crise d’identité, leur foi, leur recherche d’amour pur et leur devenir en tant qu’être humain. Une vraie partouze d’âmes en mouvement ! Comme si, selon certaines théories (bouddhistes ?), les hominiens de cette maudite planète étaient condamnés à n’en devenir qu’un, avant de se transformer en poussière d’étoile. Comme dans “Lost”, ces personnages tentent, à chaque épisode, de comprendre leur destinée tout en étant reliés entre eux par un flux d’énergie leur permettant de se retrouver ensemble au même moment et dans des endroits différents. Exactement comme dans un trip de sommeil paradoxal. Une problématique qui, comme d’habitude chez les Wachowski, navigue entre bouffonnerie ubuesque assumée et émotion sublime. Avec quelques belles revendications de vie au passage : pro-gay, pro-lesbien, pro-transgenre, pour les mélanges de race et de peau et pour les mix de culture, de langues et de croyances. “Sense8” est donc la série anti-Donald Trump par excellence. Sans compter les multiples allusions au cinéma populaire où sont cités, entre autres, la comédie musicale made in Bollywood, le sitcom brésilien et les polars de Hong Kong... Et même le rock tout court ! Voir cette superbe séquence de l’épisode 4 où les huit protagonistes, affrontant chacun leurs soucis dans leur petit coin de monde, entonnent synchrone le “What’s Going On” de Marvin Gaye pour leur première réunification céleste. Ce qui donnerait presque envie de retourner à l’église (“Sense8”saison1,diffusionsurNetflix).