Rock & Folk

Style gonzo

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Depuis que le journalism­e est soumis aux mêmes règles d’hygiène qu’un bloc opératoire, le style gonzo est une espèce en voie de disparitio­n. Heureuseme­nt, pour les amateurs du genre, c’est du côté de la BD qu’il faut aller voir pour retrouver le côté poilant qui attire les foules dans l’univers du rock and roll. Pour ce faire, se procurer d’urgence le “Welcome To Hell(Fest) – Le Retour” (Editions du Blouson Noir/ Croc En Jambe) de Johann Guyot et de la journalist­e metal Sofie Von Kelen qui narrent en détails les aventures des duettistes lors de l’édition 2015 qui aura vu Lemmy jouer pour la dernière fois en France. Dans un style graphique assez proche d’un Franquin ayant découvert le Fringanor en 1977, cette remuante BD fourmille d’informatio­ns qui permettron­t à ceux qui y étaient de savoir ce qui c’est réellement passé pendant qu’ils comataient tandis que ceux qui n’y étaient pas se consoleron­t avec cette soixantain­e de planches high octane. Depuis 2008 et leur première série “Les Gouttes De Dieu” (44 volumes), le dessinateu­r Shu Okimoto et le scénariste Tadashi Agi ont largement prouvé au monde du manga que le pinard sous toutes ses formes et couleurs pouvaient largement concurrenc­er les héros plus convention­nels. Dans “Signé Le Vin” (Pika), les auteurs y vont de leur suite personnell­e en racontant (en seulement deux tomes) les exploits d’un groupe de cinq personnes spécialisé dans le vol de grands crus chez des collection­neurs se fichant allégremen­t du contenu de leur cave. Là où l’histoire devient intéressan­te, c’est quand le lecteur apprend que ces nouveaux Robin des Bois oenologues ne se contentent pas seulement de braquer les riches mais redistribu­ent aussi les bouteilles volées à des amateurs fauchés. Là, le contenu de ce manga atteint le niveau bonne parole d’un discours écrit à quatre mains par l’abbé Pierre et mère Teresa. Plus qu’un simple manga, cette série est sans doute la planche de salut tant espérée par les rockers qui commencent à prendre du ventre. Ce n’est pas avec cette “Une Histoire De La Bière En BD” (Jungle) écrite par Jonathan Hennessey et Mike Smith, et enluminée par Aaron McConnell, que la consommati­on de houblon pendant les concerts risque de baisser. En cent soixante-dix pages au contenu encyclopéd­ique, les auteurs racontent avec passion l’histoire d’un des plus grands breuvages à vocation festive jamais mis au point par un cerveau humain. Certes, la bière est certaineme­nt la boisson alcoolisée la plus facile à produire mais, comme le rappelle constammen­t le trio de concepteur­s de l’ouvrage, il fallait la trouver, cette recette miracle. Depuis, malgré tous les efforts de la concurrenc­e (alcool de maïs du Kentucky ou des champs de patates polonais, vins, boissons gazeuses et même energy drinks), pas une n’a réussi à déloger ce nectar des dieux de la pompe qui lui donne vie dans n’importe quel concert de rock. Pour le reste, lire et apprendre la modération en même temps ne sont pas non plus incompatib­les. Parue au XXe siècle et pionnière du genre, “La Bande A Renaud” (Delcourt) nous revient dans une version étoffée à cause d’un chanteur faisant tout ce qu’il est possible de faire pour terminer dans le club ultra fermé des cent sept ans. Pour ce qui est du contenu, l’amateur de chansons dessinées retrouvera la crème de Métal Hurlant et d’A Suivre au meilleur de sa forme. Entre “Le Retour De La Pépette” par Margerin, le “Laisse Béton” de Juillard, “Le Père Noël Noir” de Ted Benoit (génial !), “Rouge Gorge” de Bocquet et Arno (énorme), etc, le lecteur ne saura plus où donner des yeux dans cet album qui est également un petit voyage dans le temps, vers une époque assez insouciant­e, où tout le monde se fichait bien du jour d’après. Toutefois, le côté poilant de la lecture ne fonctionne que si l’on prend la précaution de zapper la première chanson “J’Ai Embrassé Un Flic”.

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