Pink Floyd
Pink Floyd Records/ Warner Pour ceux, probablement assez nombreux, qui n’ont pas les moyens de se procurer l’énorme coffret Pink Floyd qui vient de sortir (27 CD et DVD pour près de 500 tout de même), Warner commercialise une version réduite à deux CD qui propose des choses intéressantes puisque sur les 27 morceaux, 19 sont des inédits. Les amateurs de la première période sont servis car sont réunis ici “Arnold Layne”, “See Emily Play”, le charmant “Jugband Blues”, “Matilda Mother”, “Point Me At The Sky”, l’excellent et hyper mélodique “Paintbox”, le mythique “In The Beechwoods” (en fin de compte assez quelconque), des versions live de “Interstellar Overdrive” ou “Careful With That Axe, Eugene”, plusieurs morceaux enregistrés pour “Zabriskie Point”, un inédit de “Meddle”, trois morceaux composés pour le film de Barbet Schroeder “La Vallée” (avec Bulle Ogier et Jean-Pierre Kalfon), des séances pour la BBC, etc, le tout parfaitement remasterisé et emballé dans un livret bien fourni et détaillé. Mais les spécialistes constateront l’absence de choses précieuses comme “Vegetable Man”, “Scream Thy Last Scream”, “Candy And A Current Bun” ou “Apples And Oranges”, ce qui est agaçant car, eussent-ils été inclus, beaucoup de gens auraient trouvé ce double CD parfait. Mais il est vrai que les nombreux inédits feront passer la pilule assez aisément. son temps. Réédité en pirate, puis enfin, dans une édition satisfaisante en CD, par Ryko en 1992, l’assemblage de chansons bancales et équilibristes est devenu un album culte, à juste titre. Aujourd’hui, la nouvelle Rolls-Royce des rééditions, le label Omnivore, dissèque l’oeuvre en 3 CD. Sur le premier, des démos, sur le deuxième, des chansons avancées, sur le troisième, les produits finis (ha, ha !). Ce qui est étonnant, c’est de constater à quel point les versions des deux premiers CD montrent un Chilton étonnamment précis, et de voir à quel point tout s’effondre pour les masters. C’était le grand génie de Dickinson : encourager le chaos. On se souvient l’avoir interrogé à Memphis sur les guitares acoustiques curieusement percussives du chef-d’oeuvre absolu (également d’un point de vue strictement sonore et technique), “Kanga Roo”, équilibrant parfaitement un déluge de feedback. Il avait répondu avoir eu, tout simplement, l’idée de faire jouer certaines parties avec des baguettes de batterie. Dickinson était grand, et Chilton aussi. Les chansons de “Third” n’en finissent plus de nous rétamer de beauté : “Stroke It, Noel”, “Kizza Me”, “Thank You Friends”, “Big Black Car”, “Dream Lover”, “O’Dana”... Ici remasterisées de manière insensée, elles sonnent comme elles n’ont jamais sonné : c’est un rêve dans les enceintes. Le seul reproche qu’on puisse faire à ce coffret ne peut en être un : depuis 1992, tous les amoureux de ce disque maudit sont habitués au sequencing de la version Ryko. Or, il n’y a jamais eu de sequencing officiel, et par conséquent, l’ordre des chansons sur le troisième CD de l’édition Omnivore est différent de celui auquel nous sommes acquis depuis plus de vingt ans. C’est un peu perturbant, mais sinon, c’est un torrent de magnificence déliquescente : à ce titre, “Third” est sans doute le seul album qui donne l’impression de s’autodétruire au fur et à mesure de l’écoute qu’on lui accorde, figés que nous sommes dans un état étrange de lévitation.