Premier Contact
Drôle de parcours que celui de Denis Villeneuve, cinéaste canadien éclectique qui est passé progressivement du cinéma d’auteur engagé (“Polytechnique”, “Incendies”) à des films nettement plus mainstream (le thriller sordide “Prisoners”) puis franchement spectaculaire (il est en train d’achever la suite tardive de “Blade Runner”). Surtout remarqué avec “Sicario”, génial narco polar stressant et étouffant qui — de l’avis de beaucoup de critiques — aurait dû remporter la Palme d’or à Cannes en 2015 (à la place du mollasson “Dheepan” de Jacques Audiard), Villeneuve s’attaque cette fois à la science-fiction pure et dure avec “Premier Contact”. Soit la première rencontre officialisée entre des êtres humains et des extraterrestres débarquant sur terre. Bien loin des films belliqueux ou manichéens qui ont fait la gloire de l’âge d’or du genre (“La Guerre Des Mondes”, “Les Survivants De L’Infini”, “La Chose D’Un Autre Monde” pour prendre quelques classiques des années 50), “Premier Contact” joue la carte de la science-fiction adulte et mentale inaugurée dans les années 60-70 par Stanley Kubrick avec “2001 : L’Odyssée De L’Espace” ou Andreï Tarkovski avec “Solaris”. Ou comment une rencontre du troisième type peut avoir une influence métaphysique sur le comportement humain. Le film de Villeneuve dépasse également ses multiples métaphores (sur le racisme et le langage) pour aller vers quelque chose de plus sensitif et de plus universel. Quasiment à l’image du “Contact” de Robert Zemeckis et d’ “Interstellar” de Christopher Nolan qui liait également mort, amour et espace temps. “Premier Contact” commence par l’apparition de douze immenses vaisseaux de formes oblongues posés en apesanteur en différents points de la Terre. Et ils restent là en état stationnaires. Sans bouger. Sans émettre de son. Sans une quelconque agressivité. Mais que veulent exactement les occupants de ces engins ? Sont-ils là pour nuire ou faire la fiesta ? Ne sont-ils qu’en transit pour continuer d’aller explorer ensuite d’autres mondes étranges ? Engagée par le gouvernement américain, une experte en linguistique (jouée par l’excellente Amy Adams) pénètre dans l’un de ces engins accompagnée d’une poignée de scientifiques. But de l’opération : comprendre les étranges messages lâchés sous forme d’écriture symbolique par les extraterrestres. Leurs tentacules (eh oui !) crachant régulièrement un étrange gaz noir, comme une sorte d’encre cotonneuse, dont les formes viennent s’inscrire furtivement sur une vitre transparente. Au-delà de cette parabole sur la communication et le langage, “Premier Contact” va plus loin en mixant le trauma de l’héroïne (qui ne se remet pas de la mort de son enfant) à la mission qu’elle doit accomplir. Comme si son drame avait un rapport direct avec les étoiles ! De savants flashback et flashforward (retours entre passé et futur) obligeant en plus le spectateur à ressentir autrement ses émotions premières. Relativement sobre (pas d’explosions pyrotechniques, ni d’hystérie généralisée) “Premier Contact” — sous ses dehors de film de science-fiction d’auteur — réussit pourtant à rester ouvert vers un large public. Les fans de cinéma de science-fiction y verront même de multiples références : ainsi les vaisseaux en état stationnaire rappellent ceux de “La Guerre Des Mondes” de Spielberg ou “Independance Day” de Roland Emmerich tandis que les contacts émotionnels avec des créatures d’outre-espace ne sont pas loin de ceux de “Rencontres Du Troisième Type” de Spielberg. Et même, si on pousse le bouchon, une autre référence quasi invraisemblable : les extraterrestres de forme céphalopode ont carrément le look de certains monstres aperçus dans les vieux films de science-fiction japonais des sixties tel “Les Envahisseurs De L’Espace” de Inoshiro Honda ou “Bataille Au-Delà Des Etoiles” de Kinji Fukasaku. Comme quoi, Denis Villeneuve ne se refuse rien. Et c’est bien (actuellementensalles) !