Greuh !
Etrange hasard du calendrier, Leonard Cohen tire sa révérence et voici que déboule dans les librairies “Le Bonheur Est Un Métier” (Glénat), superbe assortiment de l’oeuvre de Wolinski artistiquement compilé par Virginie Vernay. Si le premier rendait les gens heureux à grands coups de chansons tristes, le second, lui, s’attachait plutôt à plier son public en deux, puis en quatre, avant une transformation ultime et définitive en origamis doués du pouvoir de rire. En soixante ans d’une carrière vouée à trouver l’exact équilibre entre bonheur et malheur, Wolinski revient l’espace d’un pavé de papier rempli de ses justes maximes comme : “Ilfautsavoir durer,maisilnefautpass’éterniser.” Plus qu’une simple légende sous un dessin, ces quelques mots peuvent également aider la personne qui les lit à mieux tourner la page pour affronter la vie. Dessinateur épicurien dans l’âme et défenseur du droit à rester bucolique quelle que soit la température de la pièce, Georges Wolinski est mort d’un accident du travail. Chercher l’erreur. Connecter des inconnus à travers des réseaux sociaux a-t-il été la fausse bonne idée du XXIe siècle ? C’est un peu la question que le lecteur se posera une fois terminé le premier volume du manga “Real Account” (Kurokawa) dessiné par Shizumu Watanabe sur un scénario assez tordu de son compère Okushô. Pour situer l’intrigue, le jeune et peu populaire Ataru Kashiwagi s’inscrit sur Real Account, un tout nouveau tout beau réseau social, et fait naturellement ce que n’importe quelle personne dans sa situation fait très bien dans son cas : s’inventer une vie à des années-lumière de sa rebutante réalité. Malheureusement, Real Account est aussi une entité virtuelle qui a envie de jouer pour de vrai avec toutes ces vies aussi fausses les unes que les autres, pour le plus grand malheur de ses participants involontaires. Fable cyberpunk qui démarre pied au plancher, il ne reste plus qu’à espérer que les dix volumes à suivre soient du même tonneau. “The Long And Winding Road” (Kennes), dessiné par Pellejero et écrit par Christopher, est un road comics initiatique particulièrement réussi. L’histoire commence de manière assez cocasse : un fils de famille bien rangé enterre son père, un homme bien sous tout rapport, maire de son village et du genre à tout régler lui-même sans laisser aucune initiative à quiconque comme, par exemple, l’organisation de ses obsèques. Et c’est là que le fils apprend qu’il doit annoncer au reste de la famille bien coincée que son père ne souhaite pas rejoindre le caveau familial mais exige d’être dispersé sur le site du festival de Wight où il s’était rendu en combi VW avec ses potes en 1970. A partir d’instructions laissées par son père, le fils comprend qu’il doit refaire le voyage à l’identique en fourgonnette vintage et tout le toutim afin de mieux comprendre qui était son géniteur. Le conseil de la rédac : compiler en premier la BO en fin de volume avant de commencer la lecture. Jusqu’à une époque récente, chez beaucoup de lecteurs, il était courant de penser que le rockabilly, le jazz, le blues, les Rolling Stones et le punk ’76 étaient des musiques du passé et que le simple fait de continuer de s’y intéresser était un signe de ringardise avancée. Que vont bien pouvoir penser ces mêmes personnes à la lecture de l’ouvrage collectif “We Are The 90’s” (Tapas:-*/ Delcourt) où tout un groupe de dessinateurs et scénaristes tous nés dans les années 80 et adolescents dans les désormais Nineties se mettent à faire des soirées, puis cette BD, afin d’aider leur époque musicale favorite à ne pas tomber dans l’oubli ? Eh bien, après lecture, ce juke-box et son contenu de vingt chansons en papier (entre autres Guns N’Roses et Oasis mais aussi Pascal Obispo et Francky Vincent) sont plutôt poilants. Il y a même une bonne ligne directrice malgré la pléthore de styles proposés. Au final, ces jeunes plus tout à fait jeunes savent le rester. Greuh !