John Cale
Island/ Universal (import Gibert Joseph) Domino (import Gibert Joseph) En forme olympique durant les années 70, John Cale n’a pas enregistré un album mauvais voire médiocre durant toute la décennie (on ne peut pas dire la même chose de son vieux rival Lou Reed). Avec une voix limitée, assez plate et peu aimable, le Gallois s’en est sorti par la grâce de ses compositions qui ont montré durant ces années des qualités de mélodiste insoupçonnables chez le Velvet Underground. Après un premier album solo fantastique (“Vintage Violence”, 1970) et une merveille en 1973 (“Paris 1919”) faisant suite à deux disques un peu expérimentaux (“Church Of Anthrax” et “The Academy In Peril”), Cale, sur sa lancée, sortait un nouveau chef-d’oeuvre — ce ne serait pas le dernier, comme en attesteront plus tard “Slow Dazzle” et surtout “Helen Of Troy” — cet épatant “Fear”, qui ressort réédité de la manière la plus basique qui soit (pas de livret, ni de bonus). Avec Phil Manzanera et Brian Eno tous deux fraîchement échappés de chez Roxy, l’artiste envoyait une décharge de chansons sublimes : “Fear Is A Man’s Best Friend”, “Emily”, “Barracuda”, “Ship Of Fools” ou le mythique “Buffalo Ballet” brillent de mille feux et font de “Fear” un album proprement extraordinaire, montrant une fois de plus, si l’on en juge par ses ventes d’albums à l’époque, à quel point John Cale a toujours été sous-estimé. D’ailleurs, ses compositions sont tellement solides que lorsque, en 1992, il les interprétera seul au piano ou à la guitare pour le live “Fragments Of A Rainy Season” (introuvable depuis des lustres, et qui ressort aujourd’hui dans une très belle version enrichie d’un disque supplémentaire dans lequel on le voit fricoter avec des cordes : le résultat est très intéressant aussi), elles ne perdront rien de leur superbe : totalement déshabillées, “A Child’s Christmas In Wales”, “Chinese Envoy”, “Leaving It Up To You”, “Buffalo Ballet”, “The Ballad Of Cable Rogue” ou le monstrueux “(I Keep A) Close Watch” prennent une autre dimension et dévoilent toute leur profondeur. Ce John Cale, quel homme... production affreuse typique de l’époque. Restent des compositions superbes, et une belle voix, pas très éloignée de celle de Peter Case. C’est déjà pas mal. 1978 et 1979. La diversité délirante s’affichant tout au long du coffret montre clairement à quel point non seulement l’époque était fertile, mais aussi de quelle manière le punk initial n’avait pas tout coulé dans un même moule. Entre les Swell Maps de Nikki Sudden et Epic Soundtracks et les Nipple Erectors de Shane MacGowan, entre les Killjoys de Kevin Rowland (Dexy’s) et Johnny & The Self Abusers de Jim Kerr (Simple Minds), entre les Boys et les Carpettes, entre les Only Ones et les excellents Stoat, c’est un monde qu’il reste à découvrir. Parce que ce coffret assez génial ne se contente pas de réunir les petits classiques (The Fall, Members, Stiff Little Fingers, Ruts, Members, Adam & The Ants du début, Sham 69 et la cohorte Oi! des Angelic Upstarts et Cockney Rejects, ou encore Joy Division pour le méconnu “Failures”) mais propose aussi des groupes mythiques bien que moins connus comme Rudi, les Outcasts, les Skids, les Prefects et aussi, et surtout, une tonne de trucs totalement inconnus : Bazoomis, Proles, Dodgems, Panik, Some Chicken, Big G, Leyton Buzzards, Disco Zombies, on en passe et des meilleurs comme les charmants Snivelling Shits (“Terminal Stupid”), Satan’s Rats ou Fatal Microbes... Tout n’est pas grandiose là-dedans — le fameux DIY a ses limites — : qui veut sérieusement (ré)écouter Vice Squad, Patrick Fitzgerald (“Safety-Pin Stuck In My Heart”, il fallait oser) ou Peter & The Test Tube Babies ? Mais la vue d’ensemble est merveilleuse, le livret passionnant et la diversité phénoménale : les amateurs du genre et de la période n’auront que très peu de doublons.