The Band
Rhino/ Warner Même si le Band a été incroyablement populaire de son vivant (aux Etats-Unis en particulier), le groupe a surtout été l’idole de nombreux musiciens qui, en découvrant “Music From Big Pink” (1968) et “The Band” (1969), ont décidé qu’il était temps d’arrêter les âneries psychédéliques ou la tentation hard rock. Pour beaucoup, comme Eric Clapton, Ronnie Lane, Steve Winwood, George Harrison, etc, ce fut une épiphanie. La réalité est moins simpliste car en fait les Stones n’avaient pas attendu le Band pour sortir “Beggars Banquet” en 1968 et Dylan, toujours prophétique, avait déjà fait réfléchir tout le monde dès 1967 avec “John Wesley Harding”. Mais les musiciens du Band, très doués, amateurs de musiques roots comme le jazz, la country, le blues et le rockabilly, sapés comme des Mormons, passèrent pour des sages tandis que Robbie Robertson signait des chansons que tout le monde semblait vénérer (“The Weight”, “Up On Cripple Creek”, “The Night They Drove Old Dixie Down”, etc). Il est permis néanmoins d’être un peu plus sceptique et de trouver souvent pénibles un côté boy-scout ravi de la crèche omniprésent tout comme ces voix (presque tout le monde chantait là-dedans) invariablement chouineuses. Le Band, c’est un peu Creedence sans les testicules. En 1976, alors qu’on a déjà entendu parler de Patti Smith et des Ramones, le groupe mal en point et responsable de très mauvais albums depuis un moment, décida d’arrêter les frais. Robertson, au lieu d’envisager une fermeture discrète, projeta un grand barnum avec plein d’invités filmé par son ami Martin Scorsese, ce qui fut fait. Le film, franchement, est assez atroce : un défilé de rock stars pas franchement au top à l’époque (Van Morrison grotesque, Ronnie Hawkins en faisant trop, Clapton transparent, Dr John cabotin, la jument Joni Mitchell OK, mais Dylan complètement à la ramasse, seul Neil Young sortait à l’époque des disques fantastiques et livre d’ailleurs une belle version de “Helpless”), un mélange de live et de studio, et des interviews faussement spontanées parfaitement parodiées par Rob Reiner dans “Spinal Tap”. Sur scène, Robertson en fait des caisses en surjouant une bonhomie épuisante avec un air extatique (il a surtout pris beaucoup trop de cocaïne), Richard Manuel fait des trucs bizarres avec ses épaules, Levon Helm, qui était contre le principe de “The Last Waltz”, semble s’ennuyer. Mais peu importe, l’événement prit une dimension mythique et voici que le concert ressort pour la énième fois, en version Deluxe, avec trois CD et le film en Blu-ray. Ceux qui ont déjà les versions précédentes n’ont pas vraiment de raison de se le procurer, mais les nouveaux venus pourront se délecter : l’objet est superbe. Betty Harris, une ribambelle de cadors moins connus comme James K-Nine, The Barons Ltd, Joe Haywood, Chuck Colbert ou Zilla Mayes, c’est une tuerie sans repos, toujours portée par cette fameuse rythmique unique au monde. Une précieuse singularité géographique qu’on ne cesse de chérir. Parfait.