Rock & Folk

Grandaddy

“LAST PLACE”

- 30THCENTUR­Y/COLUMBIA/SONYMUSIC

à quel point Grandaddy manquait. Parce qu’il assemblait des collages un peu neuneus pour ses pochettes, parce qu’il bidouillai­t de drôles de sons synthétiqu­es, on a, à tort, réduit le groupe à une bande d’aimables bricoleurs. Ceux qui ont adoré “The Sophtware Slump” (2000), vénéré “Sumday” (2003) le savent : Jason Lytle est avant tout un songwriter extraordin­aire, un mélodiste délicat et inspiré. Le cinquième album de Grandaddy survient après beaucoup de mauvaises réunions de groupes nineties. Plutôt que renflouer les caisses ou susciter l’indifféren­ce, Jason Lytle s’est contenté de composer des chansons réussies. La première plage, “Way We Won’t”, résume à elle seule l’artisanat grandiose du garçon : petit motif de synthé à deux doigts qui reste dans le cortex, guitares électrique­s étouffées avec la main droite et contre-chants proches du sublime. A quoi fait penser cette power pop ? Imaginons des Cars qui carburerai­ent au Lysanxia. Ou peut-être un Weezer sans les grosses guitares et le pathos. Grandaddy certes sonne exactement comme avant, mais personne n’a jamais sonné comme Grandaddy. Encore que, le patron, qui a continué de composer sur deux albums solo, semble même avoir progressé. Notre skater quadra épate sacrément la galerie, capable de bâtir un morceau à la Pixies mais chanté d’une voix susurrée (“Check Injin”), une ballade à la beauté hallucinan­te (“Songbird Son” qui parle semble-t-il d’une “blondehitc­hcockienne”). Cet homme avant tout crée des mélodies sidérantes, comme celles d’ “Evermore” ou “The Dog Is In The Barn” construit sur une suite d’accords kinksienne en diable. Il colorie ensuite avec sa palette habituelle : nappes de synthés analogique­s détraqués, couches de guitares saturées et toujours cette batterie simple comme les Ramones. On s’en doute, Jason Lytle est passé par quelques tourments et angoisses. L’album n’évoque que ça. Le fait de se sentir mal dans une nouvelle ville (“I Don’t Wanna Live Here Anymore”, qui évoque sa migration à Portland), la vie sentimenta­le en lambeaux, ou les joies de la déprime, narrées sur le moment de bravoure du disque, “That’s What You Get For Getting Outta Bed”. Une ballade où surgit d’un coup un son de synthétise­ur invraisemb­lable, une sorte de cornemuse MIDI réellement vilaine, mais qu’on finit par trouver magnifique, comme les onze autres plages du disque. Grandpapa a ressuscité et c’est Noël au printemps.

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BASILE FARKAS

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