Au pays du grand singe
La Confession
Réputé pour les deux polars rentre dans le lard les plus fiévreux du cinéma français (“Le Convoyeur” et “Made In France”), Nicolas Boukhrief s’offre un virage à 180 degrés en réadaptant “Léon Morin Prêtre”, le roman de Béatrix Beck qui donna naguère un classique du cinéma français signé Jean-Pierre Melville. Adieu les douilles, bonjour la soutane donc ! Et ce avec un duel psychologique entre un homme d’église et une jeune femme totalement fascinant. Voire quasi enivrant. Le p’tit Jésus, le communisme et la guerre — présents dans les décors et/ ou leurs discussions — finissent par s’évaporer pour laisser place à des questionnements rêveurs sur la foi, l’amour de la foi en l’amour et l’amour tout court. Loin de limiter leurs formidables performances d’acteurs à leurs dialogues, Marine Vacth et Romain Duris font passer aussi les non-dits (car non dicibles !) avec des regards en coin et des hésitations vaporeuses absolument touchantes. Et universels ( actuellementensalles).
Kong : Skull Island
S’il n’y a rien de bien neuf au pays du grand singe poilu (il erre toujours sur son île en se tapant les poings sur le thorax pour passer le temps) cette nouvelle version de King Kong a l’avantage de se la jouer pop/ vintage. Plus proche dans l’esprit des films de monstres japonais des sixties (genre “King Kong Contre Godzilla”) que du film original de 1933, plus poétique, ou du remake de Peter Jackson, plus fétichiste. Le réalisateur Jordan Vogt-Roberts s’éclate surtout à faire un film choral puisque, loin d’être seul à l’écran, Kong laisse sa place à une foulée d’autres monstres (simili fourmi, méta araignée, etc) tous aussi énormes, fun et hystérico-voraces que lui. Les acteurs, eux, font de la figuration. Et c’est très bien comme ça (actuellementensalles).
Fantastic Birthday
Passé une première partie légèrement agaçante rappelant le cinéma préfabriqué au look Ikea de Wes Anderson, “Fantastic Birthday” de Rosemary Myers devient plus envoutant quand il bascule dans l’onirisme. Celui d’une ado qui, inquiète de devoir quitter le monde de l’enfance, se retrouve propulsée mentalement dans un monde parallèle le jour de ses quinze ans. Errant dans une forêt magique qui aurait pu être fréquentée par Alice (celle de Lewis Carroll), la jeune miss longe des décors quasi expressionnistes tout en croisant des personnages étranges semblant sortir des délires cauchemardesques d’un Tim Burton (ensallesle22mars).
Gangsterdam
Une comédie avec Kev Adams ! A priori, tout pour faire peur... Sauf que le réalisateur Romain Levy, élevé au cinéma US culte des années 80 et à l’humour post “Saturday Night Live” fait constamment dévier sa comédie ado vers un humour à la Jerry Seinfeld/ Judd Apatow. L’histoire, simpliste (trafic de drogue entre Paris et Amsterdam où Kev Adams se retrouve impliqué malgré lui pour les beaux yeux d’une fille) est un prétexte pour Romain Levy d’y caser ses
références salutaires : de la BO de “Risky Business” entendu en début de film à Manu Payet dans un rôle hommageant Hans Gruber (le bad guy de “Die Hard”) en passant par les apparitions de Rutger Hauer en guest. Des références que le réalisateur remet à sa propre sauce comique (surtout certains dialogues, hilarants), celle-là même qui avait fait le succès de son excellent premier film, “Radio Star”, une des meilleures comédies françaises des dix dernières années (ensallesle29mars).
Le Serpent Aux Mille Coupures
Après avoir essayé vainement de monter un western en France (40 ans après le “Dynamite Jack” avec Fernandel !) Eric Valette a fini par accomplir son rêve. Ou tout du moins en biais. Polar rural traité à la façon d’un western campagnard, cette série-B revendiquée comme telle et fleurant bon la douille fumante, le foin séché et le soleil qui tape, réunit un motard en cavale, des fermiers revanchards, des trafiquants de drogue colombiens, quelques flics retors et un tueur à gages asiatique et vicelard dans un seul décor : une ferme du SudOuest de la France. Poursuite, traque, kidnapping et règlements de compte gore culminent jusqu’à un gunfight final ayant comme un arrière-goût volontaire de “La Horde Sauvage”. Encore un western tiens… (ensallesle5avril).
La Vengeresse
A plus de 70 ans, l’Américain Bill Plympton continue de fabriquer des dessins animés artisanaux et à l’ancienne. Avec quelques crayons de couleurs et une animation sommaire, il s’évertue, film après film, à imposer son univers poético-surréaliste plus proche de l’humour provo de Tex Avery et du Robert Crumb de “Fritz The Cat” que des blockbusters d’animation numérique tout public d’aujourd’hui. Un ex-catcheur et un chasseur de primes partent donc à la recherche d’une adolescente à travers ce road movie déjanté où Plympton croque une galerie de rednecks fous furieux qui errent, réagissent et vocifèrent à la façon de personnages des films de Tarantino et des frères Coen, à qui il rend ici hommage (ensallesle5avril).