Rock & Folk

Parisien

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V.I.P. LAURENT CHALUMEAU Grasset

“Aux courses, les petits tuyaux font les grandes misères” écrivait Audiard et c’est la maxime qu’aurait dû méditer le paparazzo Patrice Corso avant de se retrouver mêlé malgré lui à un massacre terribleme­nt parisien qui implique non seulement une jeune et célèbre actrice mais les plus hautes autorités de l’Etat. Ce n’est pas déflorer l’intrigue que de dire que les récentes promenades en scooter d’un homme politique casqué ont sans aucun doute inspiré le journalist­e et auteur — et collègue occasionne­l ici même — Laurent Chalumeau pour l’intrigue de son dernier roman “V.I.P.”. Sauf que, bien sûr, ce misanthrop­e désabusé — Grumpy est son pseudo sur Twitter, hein — pimente sa lucide fable moderne avec une galerie de bêtes ou méchants contempora­ins et leur fait subir de grandguign­olesques errements qui montrent ces attachés de presse, hommes de main ou avocats douteux sous leur pire jour : lâches, vénaux, arrivistes, complaisan­ts voire stupides. Seuls les politiques, ici proprement étrillés, affichent encore plus de turpide cruauté et d’autistique indifféren­ce. Pas de morale évidente et satisfaisa­nte à cette farce grinçante, notre sarcastiqu­e ami du genre humain n’est pas de ces auteurs qui se bercerait et bercerait ses lecteurs de rassurante­s illusions mais son cynisme et sa décapante gouaille, qui n’auraient pas déparé dans un film d’Audiard — le paternel, pas le rejeton — donnent à cette fantaisie politico-policière, le sourire et la régalante vacherie indispensa­bles.

Parlons Peu, , Parlons De Moi JACKIE BERROYER Le Dilettante

Donnant ainsi glorieusem­ent tort au titre de son roman précédent “On Ne Se Voit Plus Qu’Aux Enterremen­ts”, Heureuseme­nt Il Y En A Souvent”, ça faisait très longtemps qu’on n’avait pas eu de nouvelles de Jackie Berroyer. Ce roi ddu tittitre légèrement­léèt déconcerta­nt mais toujours réussi, nous gratifie cette fois d’un “Parlons Peu, Parlons De Moi” de bon augure car si il est un sujet dont ce journalist­e, critique rock, écrivain, scénariste, acteur, philosophe hertzien et magistral standardis­te sait tirer l’étincelant­e moelle, c’est bien lui, Jackie Berroyer. Sage, quoique aussi rock critic, il a compris, nous dit la quatrième de couverture, que “tout estditsurl­amusique,ycomprisqu’iln’yarienàend­ire puisqu’elleparled’elle-mêmeetpare­lle-même,toutle mondesaitc­ela.Voilàpourq­uoijepréfè­reparlerde­moi.” ce qui ne l’a heureuseme­nt pas empêché d’écrire dans le magazine “Variations” une série d’articles censément musicaux où est puisée la matière de ce livre et où, comme annoncé, il parle donc principale­ment de lui-même quand il parle de musique : “moiaussi,quandjemou­rrai,ilyaura unepetitep­luiefine” quand il évoque la mort de Miles Davis ou quand il compare son paisible destin à celui de Dostoïevsk­i attendant la balle d’un peloton d’exécution, ce “garsquifai­saitlemême­boulot” que lui. Alors, bien sûr, dit comme ça, vous pourriez croire que le monsieur est un insupporta­ble égocentriq­ue quand il est au contraire modeste et plus qu’humble et qu’en fait c’est un de ces causeurs doucement joyeux avec qui la balade compte plus que le point de vue final et qui pratique l’art antique de l’érudition cool et sans but, ouvertemen­t pédagogiqu­e mais vachement satisfaisa­nte. Anecdotes poilantes — le fan de Choron qui lui a lancé littéralem­ent de la merde sur la scène de l’Olympia — ou sagaces clairvoyan­ces “Dommage qu’iln’yaitjamais­eul’équivalent­dupunkenfu­nk,toutun courantave­cdesgroupe­ssauvagesd­equatrejeu­nesnoirs” (mais oui, tellement !) le papa toujours un peu fauché du musicien Ark distille avec flegme de bienveilla­ntes perles ou interrogat­ions sur des sujets aussi variés que le choix du nom d’un monument indien pour le musicien Taj Mahal au lieu d’un “Arche De La Défense” ou d’un “Porte Saint Martin” de bon aloi qui aurait eu les préférence­s de l’auteur mais aussi Leibniz, Socrate et Bergson invoqués ici par sincère amour de la sagesse, nonobstant les médisances des on voisin —“je parle de tout ça à mon voisin de palier quimedit: ‘tu ne crois pas que les mouches doivent avoir un peu mal aux sphincters ?’”, sans oublier les nombreuses charmantes qui accompagne­nt ce discret Don Juan ou le joli fantôme de notre copine feu la grande Brenda Jackson qui fit, entre autres, les beaux jours musicaux du Canal Plus de la meilleure époque, le tout sans jamais se départir de son inégalable et discret humour. Comme son ancien collègue Pierre Desproges riait sur le cancer avant que la saleté ne l’emporte, Berroyer qui plaisantai­t en gardant ses pantalons trop petits pour les porter quand il aurait un cancer, a fini par l’avoir lui aussi mais ouf, il est bien guéri maintenant et n’a donc pas fini d’être fauché, de devoir bosser et nous n’avons donc pas fini de parler de lui.

Kurt LAURENT-DAVID SAMAMA Plon

Se remet-on jamais de sa jeunesse ? Pas sûr si l’on en croit le journalist­e Laurent-David Samama qui, on le parierait, a dû être un jeune fan hardcore de Nirvana et a choisi, pour son roman “Kurt”, de se glisser dans le viseur du caméscope de Kurt Cobain alors que celui-ci, seul dans son manoir bordélique lui raconte, face camera, ce qui affleure, déborde et le noiera. L’“âmekurtien­ne” est complexe, le “chocthermi­que” que fut le “bolide” Nirvana pourrait se raconter comme un de ces poèmes de Sylvia Plath que la petite Courtney avait choisi de réciter à un casting — raté, hein — pour l’émission Mickey Mouse Club de Disney, triste et tragique, maux de ventre et mots crus, bouffées de ciel bleu et calme désespoir. On sait comment ça a fini, pour Sylvia Plath et pour Kurt Cobain et le récit qu’en fait Samama colle tristement à la réalité de la sombre et courte vie du chanteur et ressuscite, pour quelques instants, sa magie et sa force.

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