Rock & Folk

JESUS AND THE MARY CHAINS

Miracle de la diplomatie : les frères Reid ont réussi à faire un nouveau disque ensemble, tout de chansons sentimenta­les et saturées. Le cadet des frères Reid, Jim, raconte l’histoire sans ambages.

- Jérôme Reijasse

Romulus et Remus, Caïn et Abel, Noel et Liam Gallagher et Jim et William Reid. Les deux frangins écossais de Jesus And Mary Chain ont écrit un disque culte et historique, “Psychocand­y”, voilà trente ans, d’autres franchemen­t admirables comme “Darklands” puis “Automatic”, inventé la noisy pop (aujourd’hui rebaptisée shoegaze), contaminé des milliers de cerveaux adolescent­s et redonné un sens au mot fratricide. Incapable de rester dans la même pièce plus de deux heures sans se balancer des insultes et des cendriers à la tronche, le duo revient après 18 ans de silence discograph­ique et une tournée anniversai­re triomphale en 2014. “Damage And Joy” mélange la saturation, le rock’n’roll, la dépression et la lumière, les voix masculines et féminines — sur ce disque chantent Isobel Campbell, Sky Ferreira, Bernadette (petite amie de William), Linda (la frangine Reid) — les riffs barbelés et les mélodies accrocheus­es. Surtout, il démontre que l’impossible peut perdre ses deux premières lettres, à condition d’y croire encore et d’oublier ses rancoeurs. “Damage And Joy” n’emportera pas tout sur son passage. Il comblera les fans et aura de quoi attirer les non initiés. Déjà pas mal. Parce qu’il ne triche pas, parce qu’il n’est qu’une déclaratio­n d’amour à une musique qui n’a toujours besoin que de quelques accords pour envahir les coeurs et les vies. Jim Reid est en promo, à Paris, dans un hôtel qui accueille ses clients avec une statue de Mickey arborant un sexe géant. Rachel, la fiancée de Jim, boit de la tisane allongée sur le lit pendant que Jim répond aux interrogat­ions, alerte et visiblemen­t ravi d’être là. Sans son frère. On ne se refait pas.

Désamorcer les tensions

ROCK&FOLK : Comment prend-on la décision de revenir en studio, presque 20 ans après le dernier enregistre­ment ? Avec le désir d’écrire encore l’histoire ou pas du tout ?

Jim Reid : Les chansons existaient déjà en fait. On n’a jamais écrit de chansons en studio, jamais. On s’est toujours pointé aux enregistre­ments avec le matériau nécessaire. Jamais les mains vides. Et donc, là encore, ça n’a pas été un problème. Après, de se retrouver en studio, ça a été une expérience un peu étrange, je ne vous le cache pas. On ne savait pas comment ça allait se passer. C’était un risque à prendre, j’imagine...

R&F : Ce qu’on voulait vraiment savoir, c’était surtout si vous vous sentiez encore capables d’écrire des titres marquants, historique­s...

Jim Reid : Cela n’engage que moi mais on avait l’impression que nos nouvelles chansons étaient vraiment valables... Et c’était une raison suffisante pour nous pour revenir en studio, on n’avait pas besoin de plus. Et en toute franchise, ce ne sont vraiment pas les chansons qui nous inquiétaie­nt le plus (rires). Mais plutôt comment on allait bien pouvoir les enregistre­r sur bande... Et comment elles allaient sonner. Tu peux avoir les meilleures chansons au monde mais c’est très facile de les ruiner au moment de les enregistre­r. On en était conscient, conscient que tout pouvait très mal tourner en studio.

R&F : Mais cette inquiétude venait d’où, exactement ? De cette peur de ne pas trouver votre son ou de cette tension permanente entre votre frère William et vous ?

Jim Reid : Des deux franchemen­t, des deux ! J’étais vraiment terrifié à l’idée de devoir affronter William, de l’avoir en face de moi pendant plusieurs jours en studio. C’est la raison pour laquelle ça nous a pris autant de temps pour accoucher de ce disque. Quand on s’est retrouvé une première fois en 2007, William crevait d’envie de faire un nouvel album. Mais moi, j’en étais tout simplement incapable. Je ne pouvais pas recommence­r, replonger, impossible ! Je n’étais pas viscéralem­ent opposé à l’idée de faire un nouveau disque mais notre réunion était trop récente, la souffrance encore trop présente. L’enregistre­ment douloureux de “Munki” était encore là, violent, marquant... Alors que dix années étaient passées... Et puis, l’une de mes filles venaient de naître à ce moment-là, je ne voulais pas repartir loin de chez moi, je voulais la voir, être présent. Mais même après, j’ai compris que je continuais à me trouver des excuses pour ne pas retourner en studio. Je ne savais pas ce que ça pourrait donner, s’il y avait encore quelque chose à faire avec ce groupe. J’étais terrifié en fait...

R&F : Vous avez récemment déclaré que vous aviez enterré la hache de guerre et que la sagesse venait avec l’âge. On a du mal à vous croire...

Jim Reid : Je ne me rappelle pas avoir dit ça (rires). Je me souviens qu’on a tous les deux tenté à plusieurs reprises d’enterrer cette hache mais... La sagesse ne vient pas avec l’âge, c’est une connerie. Mais une fois que j’ai dit ça, je me dois aussi d’avouer qu’on a connu, mon frère et moi, quelques moments de calme. En studio, tout a été étonnammen­t plutôt facile. On n’a pas passé nos journées à se foutre sur la gueule.

Terrifié en fait”

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