Bob Dylan “Triplicate”
COLUMBIA/SONYMUSIC Il y a eu “Shadows In The Night”, “Fallen Angels”, et maintenant les trois albums, aux tons différents mais à la formule similaire, qui forment “Triplicate”. Certains fans sont pantois, et à bon droit : celui qui a sans doute été le plus grand auteur-compositeur du 20e siècle, le créateur de “nouvellesexpressionspoétiques” selon l’Académie Nobel est revenu aux années 40 et 50, non seulement pour jouer des standards mais pour décalquer souvent note après note avec son groupe de scène les arrangements gravés par Frank Sinatra à sa grande époque. La formule n’a pas changé par rapport aux deux albums précédents, on remarque peut-être une section cuivres plus présente et une voix un peu plus affirmée, comme si Dylan était encore plus en confiance. Les trois nouveaux parcours à travers le grand répertoire américain contiennent quelques déceptions quand ils s’attaquent aux titres les plus connus (dont “These Foolish Things” et un “Stardust” qui ne rivalise pas avec la version de Willie Nelson). C’est quand Dylan aborde des compositions plus obscures qu’il réussit à surprendre agréablement, avec ses relectures en ombres chinoises d’un matériau de départ en Technicolor, n’hésitant pas à se lâcher aussi sur du Count Basie (“The Best Is Yet To Come”). Et il est surtout idéalement placé avec son timbre éraillé pour porter les titres où Sinatra exprimait de la vulnérabilité face aux ravages du coeur ou simplement de l’âge, avec une fragilité encore plus palpable (“Here’s That Rainy Day”, “September Of My Years”). D’où des versions fascinantes, tout sauf de l’easy listening, pour les amateurs de ce répertoire, mais qui inspireront un certain sentiment de redite aux autres. ✪✪✪ 1/2 FRANCOIS KAHN