Rock & Folk

KASABIAN

Fidèle à lui-même, le groupe de Leicester livre un sixième album rempli d’hymnes rustiques et seventies. Entretien avec les attachants lads Sergio Pizzorno et Tom Meighan.

- ERIC DELSART Album “For Crying Out Loud” (Sony Music)

Avril 2017. Les deux leaders de Kasabian sont à Paris pour une journée de promo. Venus défendre le dansant “For Crying Out Loud”, Sergio Pizzorno et Tom Meighan reçoivent les journalist­es séparément, à la demande de leur management.

Exploit footballis­tique

Dix heures, Tom Meighan nous accueille avec un enthousias­me trop débordant pour ne pas être louche. C’est une pile électrique, un hypersensi­ble qui se laisse submerger facilement par son trop plein d’énergie, capable durant l’entretien d’exploser de joie et de chanter des extraits de l’album a capella, mais aussi d’être au bord des larmes en évoquant ses problèmes personnels récents (il s’est séparé de la mère de sa fille et a perdu un ami proche). On ressort un peu déboussolé de cet entretien, qu’il conclut en nous demandant : “j’ai été honnête, n’est-ce pas ?”. A l’opposé, Sergio Pizzorno accueille avec un calme serein. Il sort d’une année faste durant laquelle il a épousé la mère de ses enfants et vu son club chéri ( Leicester City) réussir l’exploit footballis­tique le plus improbable de ces 25 dernières années en remportant le championna­t anglais. Bref, une période de félicité qui contraste avec la détresse de son frère d’armes. Pourtant, ces deux êtres que tout semble opposer ne peuvent avancer l’un sans l’autre, unis par une foi indéfectib­le en eux-mêmes et un esprit de conquête qui ont fait de Kasabian un des rares groupes de rock anglais des années 2000 à pouvoir remplir des stades ou à tenir le haut de l’affiche à Glastonbur­y (ce qu’ils ont accompli en 2014). Ainsi, “For Crying Out Loud” est un des albums les plus attendus outre-Manche. “Je sais que je le dis tout le temps, mais je pense que c’est notre meilleur album, fanfaronne Meighan. On a mis l’électroniq­ue de côté. C’est de la musique à guitares. Il y a davantage d’hymnes et de grosses chansons. Les guitares sont partout. Ça fait des années que j’attendais qu’on fasse un putain d’album comme ça”. Pizzorno entre davantage

dans les détails : “Quand on a fini la dernière tournée, j’ai pris du recul. Sur l’album précédent, j’avais beaucoup travaillé sur l’électroniq­ue, fabriqué des boucles, fait des collages petit bout par petit bout. C’était comme de l’art moderne. Ça m’avait permis de trouver des choses auxquelles je n’aurais jamais pensé, mais j’avais besoin de me fixer des limites. Alors j’ai pris une guitare, un piano et rien d’autre pour écrire cet album en six semaines. J’ai écrit dix chansons et je suis parti en vacances. J’ai voulu faire un album inspiré de l’écriture classique de chansons des années 70. Le disque évoque cette période, celle de la gueule de bois de l’ère psychédéli­que, où les mélodies étaient fortes, comme celles de T.Rex ou Roxy Music. Et des rythmes comme ceux d’ESG, des Talking Heads. C’était le plan, et je pense qu’il a été bien exécuté”. Tom Meighan décrit la recette

Kasabian : “Serge écrit des chansons et nous les apporte. Rappelez-vous d’une chose : je suis le plus grand fan de Serge. Tout le monde peut aller se faire voir. Je suis le numéro un. Il m’apporte ses chansons et à chaque fois je suis époustoufl­é. Et puis après, on construit sur cette base, on ajoute la cerise sur le gâteau, et les bougies aussi, et ça prend vie.” C’est ainsi que fonctionne le duo : l’un conçoit l’album, l’autre vit et transcende la vision de son auteur. Pizzorno le reconnaît sans ambages : “Si je faisais un album solo, il sonnerait complèteme­nt différent de Kasabian”.

En chute libre

On peut s’interroger sur ce qu’il projette sur Meighan. S’il le manipule pour en tirer le meilleur, quitte à en faire une sorte de créature de Frankenste­in rock’n’roll qui vivrait tous les fantasmes que Pizzorno n’oserait assumer. Car Meighan ne triche pas. Il est à fond en permanence, quitte à rater quelques virages de temps en temps : “Serge est Pete Townshend et nous sommes les Who. Je suis Roger Daltrey, mais aussi un peu Keith Moon” s’amuse le chanteur. Aujourd’hui le gamin hyperactif qu’il était a laissé place à un homme empli de démons, qui donnent une certaine épaisseur à l’album. “J’ai eu des problèmes personnels, mais ça se reflète surtout dans mon humeur et ma voix. Sur “Put Your Life On It” je suis à deux doigts de craquer, ça s’entend”. Meighan le clame haut et fort : sans son ami, les choses auraient pu mal tourner. “A chaque fois que j’ai été dans des passes difficiles, il m’a aidé à relever la tête. Pendant qu’il se mariait, j’étais en chute libre... mais heureuseme­nt j’avais un parachute”.

“Je suis à deux doigts de craquer”

Newspapers in French

Newspapers from France