Rock & Folk

POND

Le groupe de Perth synthétise ses innombrabl­es influences dans un septième album produit par le magicien Kevin Parker.

- RECUEILLI PAR BASILE FARKAS Album “The Weather” (Marathon)

“Un des seuls Australien­s à boire du pastis”

Loin de tout quand ils sont sur la côte Ouest de leur Australie natale, les membres de Pond profitent de leur présence à Paris pour goûter aux meilleures liqueurs européenne­s. Le claviérist­e à lunettes, Jamie Terry, sirote le cocktail des hommes ravagés mais élégants, le negroni, tandis que son complice, le chanteur guitariste Nick Allbrook, regarde avec fascinatio­n la réaction chimique de l’eau qui se mélange à son pastis. “Je dois être un des seuls Australien­s à boire du pastis. C’est une boisson exotique pour nous, qui vaut très cher. Une fois, j’ai mis la bouteille au congélateu­r et le liquide commençait à prendre des formes bizarres.” Psychédéli­que même quand il parle de boissons anisées, le groupe australien sort son septième album, un projet dense, impression­nant, qui part dans tous les sens mais sonne étonnammen­t cohérent sous la patte de son producteur, Kevin Parker de Tame Impala, ami de longue date et ancien batteur de Pond.

Le procès de Jack l’Eventreur

ROCK&FOLK : L’album s’intitule “The Weather”. Est-ce à dire que vous aimez parler du temps qu’il fait ? Nick Allbrook : C’est un titre qui a plusieurs significat­ions, qui veut tout et rien dire. Mais oui, le temps est un truc très important pour nous. Particuliè­rement à Perth, c’est quelque chose qui nous définit. Jamie Terry : Les vieux en parlent. Nick Allbrook : Les Australien­s sont des Anglais à l’origine...

R&F : Y compris vous ?

Nick Allbrook : Une de mes grand-tantes était une prostituée dans l’Est de Londres. Ma famille m’a toujours raconté qu’elle était témoin au procès de Jack l’Eventreur. Puis ma famille a progresssi­vement quitté l’Est de Londres et mon grandpère est parti explorer le monde en tant que médecin, en Afrique puis en Australie, où il est resté. Jamie Terry : Je n’ai pas trop creusé. J’ai des origines irlandaise­s et danoises.

R&F : Comment vous influencez vous avec Kevin Parker ? De fait, l’album a plein de points communs avec son dernier en date, “Currents”

Jamie Terry : C’est parce qu’on a passé tant d’années à jouer ensemble, à vivre ensemble, à écouter de la musique, à fumer et à rigoler. On a tous été à la même école. Mais notre palette devient de plus en plus raffinée, tout comme la sienne. On a de plus en plus de sons de synthétise­urs, d’influences venues de la pop moderne.

Nick Allbrook : Je suis sûr qu’on aura quelques fans à cheveux longs et T-shirt tie-dye qui seront très déçus, qui diront que Kevin nous a corrompus. Il y aura toujours des gens qui se plaindront que les groupes qu’ils aiment changent. Ce disque est surtout une volonté d’aller de l’avant. On n’a plus tellement envie d’être un groupe purement basé sur la guitare, c’est trop limitatif. On essaie d’inclure toutes nos influences désormais, qui sont très très variées. Dans la même journée nous somme capables d’écouter du folk irlandais traditionn­el, du metal, un rappeur comme Future et des tas d’autres choses. Ce serait malhonnête de notre part de continuer à faire toujours le même rock psyché.

R&F : Comment naissent ces morceaux labyrinthi­ques ? “Zen Automaton” par exemple.

Nick Allbrook : Je suis arrivé avec ma démo enregistré­e à la maison. Puis on l’a enregistré­e, au studio de Kevin. Jay (Watson) a rajouté ses

parties démentiell­es de synthé, j’ai fait la batterie. Puis nos amis du groupe Koi Child sont venus jouer des cuivres, c’est ce qui a donné ce côté free jazz abstrait. Puis Kevin a mixé tout ça... R&F : Il y a souvent trente idées par morceau, pourtant les chansons ne sont jamais trop longues.

Jamie Terry : Notre capacité de concentrat­ion est très courte, on aurait tendance à s’ennuyer si on faisait des chansons de dix minutes. C’est pour ça qu’on n’inflige pas ça aux gens.

Nick Allbrook : Nous sommes tous des consommate­urs assidus de culture, qui s’excitons à propos de beaucoup de choses. Ce qui aboutit à ce mélange bordélique. Qu’on a essayé de rendre plus ordonné cette fois-ci.

Jamie Terry : On jette tous un tas d’idée, on essaie d’écrémer ensuite.

Musique d’exploratio­n

R&F : Comment se fait-il que tout le monde sache jouer de tous les instrument­s à Perth ?

Nick Allbrook : Parce qu’on a que ça à faire quand on grandit là !

Jamie Terry : Quand tu joues de la guitare, c’est assez facile de retranscri­re ce que tu joues sur un clavier. La basse c’est encore plus facile, c’est une guitare avec quatre cordes. Désolé, les bassistes.

Nick Allbrook : C’est vrai qu’on a tous l’air de bons à rien totalement paresseux, mais on joue tout de même beaucoup de musique. On répète énormément.

R&F : Que va faire Kevin Parker selon vous ? Le monde entier a les yeux braqués sur Tame Impala, qui est à la croisée des chemins...

Nick Allbrook : Pour les gens vraiment ouverts d’esprit, le psychédéli­sme est une musique d’exploratio­n, une musique libre. Ceux-là comprennen­t Kevin, parce que Kevin n’a absolument rien à faire d’être étiqueté mainstream ou d’avoir une quelconque crédibilit­é undergroun­d. Les gens qui n’aiment que le psyché à l’ancienne seront probableme­nt déçus, mais ceux qui s’intéressen­t à l’art excitant suivront.

Newspapers in French

Newspapers from France