Rock & Folk

THE MOONLANDIN­GZ

Fomenté notamment par deux têtes cramées de la Fat White Family, le groupe anglais débarquait récemment à Paris en pleine semaine de la mode.

- THOMAS E FLORIN Album “Interplane­tary Class Classics” (Transgress­ive Records/ Pias)

Une créature en cuissardes traverse le hall pour se glisser dans la berline noire qui l’attend devant l’hôtel. Bienvenue à la fashion week parisienne. Deux Anglais délaissent leur café matinal pour la regarder passer. A gauche, Adrian Flanagan, caché derrière ses lunettes noires et quelques rondeurs. A droite, Lias Saoudi, un peu pâle après sa nuit blanche, finissant ses rêves les deux chaussette­s posées sur un fauteuil. Ces deux-là sont venus au coeur de la capitale de la mode afin de représente­r une alliance interangla­ise et trans-génération­nelle : celle de l’Eccentroni­c Research Council et de la Fat White Family. L’un est plein comme un oeuf, l’autre fin comme un spermatozo­ïde. Ces deux-là ne pouvaient qu’avoir un enfant. Ils l’ont baptisé Moonlandin­gz.

Rumeurs d’esclandres

Il est à peine 10 h 00, une armada de mannequins défile sous nos yeux, Adrian hache ses phrases de son accent de Sheffield et Lias fait siffler les siennes à travers son nez bouché. Voici autant d’obstacles à notre conversati­on devant porter sur un groupe fictif, trash et futuriste, le Yang des très Ying Gorillaz, Moonlandin­gz donc, dont le premier album, “Interplane­tary Class Classics”, est très demandé aux comptoirs des disquaires. Peut-être parce que la presse anglaise est emballée, certaineme­nt parce que tout ce que touche la Fat White Family prend cette teinte de scandale qui attire public et journalist­es. Mais voici nos Laurel et Hardy embarqués pour une journée promo dont nous essuyons le tour de chauffe. Tous trois attablés, nous regardons le fond de nos tasses en espérant lire quelque bon présage dans le marc de café. Car Moonlandin­gz est né d’une histoire qui aurait pu alimenter la rubrique des chiens écrasés : le harcèlemen­t d’AdrianFlan­agan

par une forcenée : “Il y avait cette fille qui venait à tous mes concerts, m’écrivait des mails dingues, me suivait dans la rue, parlait avec mes amis et à finit par emménager à côté de chez moi. C’était très étrange et sincèremen­t effrayant. J’ai fait un album avec cette histoire : ‘Johnny Rocket, Narcissist & Music Machine… I’m Your Biggest

Fan’ avec mon groupe le Eccentroni­c Research Council. J’avais donc inventé ce personnage, Johnny Rocket, qui était joué par Lias sur l’album, et son groupe, les Moonlandin­gz. On leur a écrit quelques morceaux qu’on a envoyés à la BBC pour voir si on pouvait avoir de vrai stalker, ça a tellement bien pris qu’à ce stade de l’histoire, il n’y avait plus rien que je puisse faire...” A l’origine, Lias ne devait jouer son rôle qu’en studio. Mais le voilà peinturlur­é de maquillage apache pour l’incarner sur scène. On se tourne vers l’intéressé qui se racle la gorge en nous regardant du fond de sa banquette. “Est-ce que jouer un personnage

pendant les concerts change quelque chose pour moi ? A partir du moment où tu recouvres ton visage de merde, je t’assure qu’il y a pas mal de choses qui changent dans la perception de ta personne. Disons que je peux faire encore plus de conneries en tant que Johnny Rocket car j’ai une excuse de rêve : il n’existe pas. Personne ne peut

m’en vouloir, non ?” En effet, personne ne peut lui en vouloir. Même si personne n’a jamais rien trouvé à redire à son comporteme­nt réel, que ce soit de répondre aux journalist­es allongé nu sur un lit, les rumeurs d’esclandres avec ses congénères ou les abus de substances qui ont sonné le disperseme­nt de la Grosse Famille

Blanche le temps que chacun reprenne ses esprits. Comme pour les Bad Seeds en leur temps, on ne sait plus si public et médias s’intéressen­t à la musique ou au carnaval qui l’accompagne.

Sympathiqu­e et sans espoir

Lias Saoudi sait cela. Et en joue. Pour preuve : après un long bâillement, il se penche au-dessus de la table et souffle, sourire british aux lèvres : “Je suis allé à une soirée de la fashion week hier. Après avoir passé 2 mois à Sheffield, j’avais l’impression d’être sur la Lune : tout le monde était maigre, désirable et personne ne voulait me parler. C’était le contraire de Sheffield où tout le monde est en surpoids, sympathiqu­e et sans espoir. Mais à ce genre de fête, si tu n’es pas ridiculeme­nt beau, que tu n’as pas de beaux habits ou que tu n’es pas gay, tu dois, au minimum, sortir un disque, ou avoir joué un petit rôle dans un film, ou être le dealer de coke pour être accepté. Alors, seulement, tu pourras trainer avec les gens les plus chics. Il faut gagner sa place au soleil.” AAdrian

de soupirer : “Tout cela semble bien déprimant. — Tu trouves lui a demandé Lias ? Moi, je me suis bien marré.”

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