Rock & Folk

“J’ai toujours trouvé que la France était à part”

- Album “Pollinator” (BMG)

R&F : Vous retrouvez-vous dans la pop d’aujourd’hui ?

Chris Stein : Personnell­ement, oui. Il y a plein de bonnes choses. Vous savez, les gens se souviennen­t parfois des années 60 et 70 avec un excédent de nostalgie. Comme si, à cette époque, il n’y avait eu que des chefs-d’oeuvre. Mais ce n’était pas le cas, il y avait pas mal de musique qui craignait, je dirais plus de la moitié... Bon, effectivem­ent, dès qu’on allume une radio pop, en ce moment, on a un peu l’impression que tout sort du même robinet, mais il y a aussi plein de bonnes choses qu’on peut entendre ailleurs. Major Lazer, par exemple : stylé, très cool. Deborah Harry : Chris a beaucoup de sympathie pour les gens qui font de la musique dans leur chambre ou dans un coin de leur appartemen­t, car il a toujours fait ça (rires). Dès qu’il arrive quelque part, il allume son ordinateur portable, il installe ses petites enceintes... R&F : La France a toujours eu un faible pour la scène newyorkais­e, chose que Patti Smith ne risque pas de démentir puisque, désormais, même ses livres cartonnent ici. Ressentezv­ous toujours ça ? Deborah Harry : Oui, ça a toujours été une relation spéciale, pas toujours facile à définir ou à expliquer. Beaucoup de pays nous apprécient partout dans le monde, mais j’ai toujours trouvé que la France était à part.

R&F : Votre génération a beaucoup appris, à la fac, sur la culture française. Chris Stein : Absolument, on a grandi en sachant qui était Jean-Luc Godard... Deborah Harry : Je me rappelle la fois où Isabelle Huppert est venue chez moi avec Oliver Dahan... J’étais très impression­née... J’ai adoré “Huit

Femmes” (Dahan a réalisé “La Vie Promise” avec l’actrice, et François Ozon est le metteur en scène de “Huit Femmes” dans lequel elle joue également. Les deux films sont sortis la même année, en 2002 — NdA) R&F : Jim Jarmush vient de réaliser un bon documentai­re sur les Stooges, on imagine que vous devez être régulièrem­ent approchés pour quelque chose de similaire. Chris Stein : Oui, effectivem­ent et il n’est pas impossible que ça se concrétise, mais pour l’instant, aucun projet n’a retenu notre attention.

R&F : Quelques mots à propos des contribute­urs de “Pollinator” : Johnny Marr ?

Deborah Harry : On l’a rencontré aux Q Awards et il a dit qu’il avait envie de nous écrire une chanson. Ce soir-là, il nous a parlé de ses enfants et en vérité, “My Monster” traite du fait que lorsqu’on est jeune, beaucoup de choses sont effrayante­s. C’est vraiment un super texte.

R&F : David Sitek ?

Chris Stein : Il nous a donné trois ou quatre titres mais je n’arrive pas à savoir s’il les a écrits pour nous ou pas.

Deborah Harry : C’est un peu ce qui fait le charme du concept de “Pollinator” : nous sommes vulnérable­s en ce sens qu’on est incapables de résister à nos influences. On les ingère et on laisse rejaillir quelque chose qui est Blondie. L’album est pratiqueme­nt un disque hommage, non pas à Blondie, mais à cette faculté que nous avons toujours eue.

R&F : Laurie Anderson ?

Chris Stein : Elle joue du violon sur “Tonight”, le second titre de Charli XCX qui a également écrit “Gravity”. On a pensé à Laurie, parce que la chanson a un côté Velvet Undergroun­d. Elle se remet lentement du décès de Lou et ça nous enchante.

R&F : Joan Jett ?

Chris Stein : Ah, Joan, on la connaît depuis si longtemps. Travailler avec elle a été un vrai bonheur ! C’est d’ailleurs à se demander pourquoi on n’avait rien fait ensemble avant.

R&F : A ce sujet, démarrer un groupe pop en 2017, c’est de la folie non ?

Chris Stein : Disons que l’enthousias­me ne suffira pas. Il va falloir bosser, bosser et bosser encore. Tout d’abord, répéter pendant longtemps pour canaliser l’énergie. Aujourd’hui, c’est facile d’enregistre­r un disque, il suffit d’avoir un ordinateur. Mais des millions de gens ont la possibilit­é de le faire également et donc, sortir du lot, c’est ça, la vraie difficulté. Et puis, le télécharge­ment illégal pénalise tout le métier, très peu de musiciens sont épargnés. C’est un peu comme pour les acteurs. Une infime minorité est connue et gagne très bien sa vie mais l’immense majorité des comédiens peinent pour nourrir leur famille. Deborah Harry : Nous en sommes tous là, inutile de se leurrer.

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Photo Alexander Thompson-DR

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