Rock & Folk

THE LEMON TWIGS

Les phénomènes de Long Island connaissen­t une ascension mirifique ? Notre journalist­e a surtout rencontré deux rafraîchis­sants frangins qui se chamaillen­t normalemen­t.

- RECUEILLI PAR ERIC DELSART

Il y a un an, les frères D’Addario n’étaient encore que des jeunes musiciens à peine sortis de l’adolescenc­e, des idées plein la tête et du talent à revendre. Six mois après la sortie de leur premier album, nous les avons retrouvés pour faire le point sur leur nouvelle vie sur la route et leur statut de groupe dans le vent. L’interview a lieu dans les locaux de leur label français. Les frangins sont assis sur un immense canapé jonché de guitares. Quand on entre dans la pièce, Brian, l’aîné, col roulé sous veste de velours, gratouille une magnifique guitare acoustique 12-cordes. Une récente acquisitio­n nous dira-t-il, peut-être un cadeau reçu pour ses 20 ans qu’il fête ce jour-même ? Il salue, s’assied en face de nous. Michael, le petit frère turbulent — chemise col pelle à tarte — fait de même et retourne se vautrer sur le canapé. Tout au long de l’interview il n’aura de cesse d’adopter les poses les plus improbable­s, de couper son frère pour dire une bouffonner­ie, de l’exaspérer. Bref, un vrai petit frère.

“En fait c’est génial, j’adore ce mec”

ROCK&FOLK : Comment se déroule votre tournée ?

Brian D’Addario : La réaction du public a été excellente jusqu’à présent. Le dernier vrai concert que nous avons joué avant SXSW était à New York. Le Bowery Ballroom était sold out !

Michael D’Addario : C’était bien aussi parce qu’après on est rentrés à la maison ! On n’avait pas fait ça depuis des semaines.

Brian : J’aimerais qu’on réduise la taille de la tournée, la prochaine fois. On veut garder de la fraîcheur, éviter de jouer au point de ne pas donner de bons concerts. Ça vous fait apprécier le fait d’être à la maison. C’est difficile pour nous parce que nous avons tellement de chansons que nous voulons enregistre­r. En plus, nous avons récemment monté un studio qui n’attend que nous. On ne veut pas mourir dans un crash aérien et que nos chansons ne soient jamais enregistré­es. Michael (descendant d’un bond du dossier du canapé sur lequel il était perché) : Nous voulons enregistre­r le plus tôt possible ! Nous pourrions périr à tout instant !

R&F : Quels ont été les moments les plus fous jusqu’à présent ?

Brian : Je me souviens que lorsqu’on tournait en mini-van, on avait détruit la vitre arrière

Michael : Ça n’a rien de fou ! Brian : Notre premier tour manager avait pété un câble ! D’ailleurs, j’ai une autre histoire avec ce mec. Il avait eu la gentilless­e d’arranger un rendez-vous entre nous et Jody Stephens de Big Star. Michael était obsédé par Big Star, et notre tourneur lui a dit qu’il nous conduisait à Oxford, Mississipp­i, où se situait le prochain concert, mais au lieu de ça il est allé à Memphis, Tennessee. On s’est arrêté au studio Ardent, où tous les albums de Big Star ont été enregistré­s. Michael n’en croyait pas ses yeux. Il a regardé à l’intérieur, et Jody Stephens était là ! Jody a été tellement gentil. Il est même venu ensuite à un de nos concerts à SXSW. C’était vraiment cool. R&F : Quel a été votre meilleur concert ? Michael : Le dernier, celui de New York justement. Brian : L’affiche était incroyable, il y avait plein de groupes dont nous sommes très proches. Il y avait Cut Worms, dont j’adore les chansons. Notre père était là, il est venu jouer une chanson avec nous ( le papa des Lemon Twigs, Ronnie D’Addario a sorti quelques albums autoprodui­ts dans les années 70). Michael : Les gens ont adoré. Je ne suis pas bon pour faire de la promo — enfin si je suis bon en fait, mais ça ne se dit pas — mais je vous jure que c’était super, plein de gens me l’ont dit. Brian : On a joué une de ses chansons, “Love Stepped Out”. Michael : Sa musique est géniale ! R&F : On vous imagine mal dire le contraire ! Michael : Il est vraiment très bon. Ses chansons sont meilleures que les nôtres ! Donald Trump ne dirait jamais ça : “ses chansons sont meilleures que les nôtres.” Brian : Attention, il va faire toute cette interview en imitant Donald Trump. Michael : Mais non, je ne fais plus ça. Le label You’re The Cosmos vient de rééditer ses albums d’ailleurs et il va sortir un best-of en vinyle. R&F : A-t-il l’intention de rejouer sur scène ? Michael : Oui, mais personne n’a encore exprimé assez d’intérêt pour qu’il le fasse. Brian : Ce serait peut-être bien de l’emmener sur la route avec notre groupe, mais on n’a pas vraiment le temps en ce moment. R&F : Vous vous verriez tourner avec votre père ? Brian : Je parle d’une petite tournée... Michael : Peut-être seulement des grandes villes. Une tournée clean, une tournée à la papa.

Beaucoup de négativité

R&F : Vous avez fait forte impression lors de vos passages télévisés...

Brian : C’était super, sauf que quand on joue pour tant de personnes, ça provoque beaucoup de négativité.

Michael : J’ai trouvé une dizaine de mauvais tweets à propos de “As Long As We’re Together” chez Conan O’Brien. J’ai regardé tous les comptes Twitter en question, et c’était tous des supporteur­s de Trump. Mais comme je ne veux pas vraiment que ces gens soient mes fans...

R&F : Ecrivez-vous en tournée ?

Michael : Nous avons déjà plein de chansons. Nous avons écrit “Do Hollywood” il y a trois ans. J’avais 15 ans quand j’ai écrit mes chansons, il avait 17 ans quand il a écrit les siennes. C’est ancien et on a écrit un milliard de chansons depuis...

R&F : ...que vous n’avez toujours pas trouvé le temps d’enregistre­r.

Brian : On vient d’acheter une console 24-pistes et on est toujours en train de dénicher des compresseu­rs, des pré-amplis et tout ce bazar. On a enregistré une chanson qui ressemble un peu à un vieux Beatles. Elle ne sera pas sur le prochain album, mais on l’a enregistré­e pour voir si ça sonnait sur l’enregistre­ur à bandes.

“On ne veut pas mourir dans un crash aérien et que nos chansons ne soient jamais enregistré­es”

R&F : Quand envisagez-vous de retourner en studio ? Brian : On a réservé notre mois de mai pour enregistre­r le disque. Michael (lève les bras en signe de victoire) : Alright ! On y est presque ! R&F : Vous le produirez vous-mêmes ? Michael : On va essayer de le faire seuls, mais on va faire venir quelques invités... (Il prend un air mystérieux) mais on ne va pas dire qui.

R&F : Vous écrivez ensemble, séparément ?

Michael : On écrit souvent ensemble désormais. Pour “Do Hollywood”, chacun écrivait dans son coin. Nous étions très solitaires à l’époque, pas très ouverts aux collaborat­ions. C’était un peu comme deux groupes, mais je pense qu’il y avait quand même assez de points communs pour en faire un disque cohérent. R&F : Quel est votre instrument de choix ? Michael : J’écris surtout à la guitare mais j’ai beaucoup d’idées au piano. C’est plus difficile pour moi de composer quelque chose entièremen­t au piano, je reviens souvent à la guitare pour terminer mes morceaux. Brian : J’écris essentiell­ement au piano, mais dernièreme­nt... Michael (il le coupe) : Je t’ai poussé à écrire à nouveau des chansons à la guitare. Brian : Mais non. Michael : Mais si, parce que tu as vu toutes les belles chansons que j’ai écrites à la guitare qui sonnaient comme Big Star. Brian (après une longue chamailler­ie) : Peut-être, c’est vrai, admettons. Mais toi tu ne reconnaîtr­as jamais que j’ai influencé toutes les choses que tu aies jamais faites. Michael : Parce que c’est faux !

R&F : Est-ce difficile d’être un groupe de frères ?

Brian : En fait c’est génial, parce que j’adore ce mec. Bien sûr il y a une compétitio­n entre nous, mais nous sommes toujours là pour tirer l’autre vers le haut. Je pense que durant “Do Hollywood”, Michael se sentait en insécurité parce qu’il était plus jeune et qu’il n’avait pas écrit autant de chansons que moi. Au vu des réactions sur l’album, personne n’a pensé quoi que ce soit du genre “l’un est meilleur que l’autre”.

Michael : Peut-être qu’il aurait fallu. Je trouve les chansons de Brian sur l’album bien meilleures que les miennes. Mais avec les nouvelles, je vais lui botter le cul ! Brian : Pardon ?

Michael : Je rigole ! On apprécie un peu plus ce que l’autre peut apporter. Il n’y a plus cette fierté.

R&F : Quelle est la différence entre Members Of The Press, votre premier groupe, et Lemon Twigs ?

Brian : La philosophi­e est différente. Nous n’avions pas vraiment de but. Les Foxygen nous ont aidé à trouver notre identité. Michael : Ils nous ont montré comment fonctionne un vrai groupe. En les voyant, on a compris comment on fabrique un disque. On se sent proche de ce qu’ils font, de la façon dont ils conceptual­isent leurs disques.

Brian : Quand on a fait “Do Hollywood” les chansons étaient déjà là, donc leur influence n’a pas été grande sur ce disque. Mais elle l’est sur tout ce que j’ai écrit depuis. Je me rends compte que les seules chansons dont je suis satisfait plusieurs mois après les avoir écrites sont celles qui ont une identité forte. Celles qui me permettent de retrouver l’état d’esprit que j’avais à l’époque où je les ai écrites. Ce n’est pas quelque chose que j’aurais pu faire si je n’avais jamais rencontré ces gars. R&F : Comment s’est fait la rencontre ? Brian : Je les ai abordés sur Twitter en leur disant “S’il

vous plait, produisez notre disque”, parce que c’est comme ça qu’ils avaient contacté Richard Swift, qui a produit leur premier album. Peu après, Jonathan Rado a répondu en nous disant “C’est super”. Puis Sam France a fini par chanter sur l’album et on a joué sur celui de Tacoma Night Terror, le groupe de la copine de Rado.

Beaucoup d’idées, peu de temps

R&F : Comment avez-vous vécu l’enregistre­ment de leur album “Hang”, sur lequel vous assurez la section rythmique ?

Brian : L’orchestre a été enregistré séparément, mais nous étions présents à l’enregistre­ment. Ils ont enregistré “Hang” dans ce grand studio avec des claviers partout. Ils nous avaient donné des démos pour qu’on les écoute et on les a aidés à finaliser l’arrangemen­t. Nous avons travaillé avec eux comme on aurait fait pour notre album. Nous avons joué de plein d’instrument­s, fait pas mal d’overdubs. C’était super, ils nous ont fait confiance. Nous aimons beaucoup l’album. R&F : On est presque surpris que vous ne jouiez pas sur scène avec eux... Brian : On a imaginé à un moment le faire.

Michael : Mais notre groupe a décollé à ce moment-là... J’aimerais faire au moins un show spécial un de ces jours, mais ce n’est pas près d’arriver dans un futur proche. Le grand problème c’est que nous et Foxygen avons tant d’idées et si peu de temps pour les mettre en oeuvre. Mais on ne sait jamais, si dans un an ils tournent toujours et passent vers New York, pourquoi pas ?

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31 mars 2017, Elysée Montmartre
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