Woods
WOODSIST/DIFFER-ANT Cent jours après l’élection de Donald Trump, voici qu’arrive l’un des premiers manifestes réalisé par un groupe américain en réaction à ce tremblement de terre politique. Woods n’a jamais été un protest-band, n’a pas non plus fait campagne pour Hillary Clinton, mais le groupe de Jeremy Earl a vécu l’instant avec effroi. En réponse à la prise de pouvoir de Trump, le groupe a choisi de sortir un plaidoyer pour l’amour et la fraternité, tout en métissant plus que jamais sa musique en intégrant des instrumentations inspirées du jazz éthiopien. Sur le papier, tout cela sonne comme un projet humaniste neuneu à la Francis Lalanne, mais Earl n’est heureusement pas un professionnel de l’indignation bon marché. Woods occupe une place à part dans la scène folk-rock américaine notamment parce qu’Earl est le patron du label Woodsist qui a lancé de nombreux jeunes artistes qui ont depuis grandi loin d’eux (Kevin Morby, Moon Duo, White Fence, The Fresh & Onlys, Kurt Vile, Wavves, Vivian Girls, Crystal Stilts...). Il est un des plus formidables activistes de la scène underground américaine, une voix respectée qui met ici en musique les interrogations qui le taraudent — “Commentpouvons-nousvivreavec cegenredehaine?” chante-t-il sur “Love Is Love (Sun On Time)”. Côté son, “Love Is Love” se place dans la continuité de “City Sun Eater In The River Of Light”, dans lequel le groupe avait définitivement remisé son esthétique folk lo-fi pour quelque chose de plus luxuriant. Les cuivres font désormais partie intégrante d’un groupe qui se montre ici plus mélancolique que jamais (comme sur la magnifique “Lost In A Crowd”, cousine proche de “Fourth Time Around” de Bob Dylan) et s’autorise de beaux interludes planants (“Spring Is In The Air”). ERIC DELSART