Rock & Folk

JAMAICA JAMAICA !

Ska, reggae, dub et rocksteady sont dignement célébrés à la Philharmon­ie de Paris.

- Olivier Cachin

Une exposition majeure sur la musique d’une île à peine plus grande que la Corse, peuplée de deux millions d’habitants et dotée d’un rayonnemen­t planétaire symbolisé par le plus messianiqu­e chanteur venu du tiers-monde, Bob Marley.

Depuis que le ska des sixties a laissé la place au reggae roots des seventies, depuis que les Skatalites ont été détrônés par les Wailers, le son du reggae a fait le tour du monde. C’est en Jamaïque que des deejays (également appelés toasters) ont commencé à parler en rythme sur la musique, préfiguran­t le rap qui débarqua à New York au milieu des années 1970 via des pionniers comme DJ Kool Herc, d’origine jamaïcaine. Toute la saga de la musique jamaïcaine est résumée de façon éclectique, ludique mais sérieuse dans l’exposition “Jamaica Jamaica !”, à la Philharmon­ie de Paris. Une phrase du toaster Brigadier Jerry datant de 1984 résume à elle seule le parcours de cette expo : “Take the shackles off my feet/ I want to rock to the beat” ( Enlève ces chaînes que j’ai aux pieds/ Tout ce que je veux c’est danser).

Trésors et fantômes

Car le reggae est une musique de libération qui trouve ses origines au début des années 1960, après l’indépendan­ce de cette ex-colonie britanniqu­e qui va inventer avec le ska, le rocksteady, le reggae roots et le reggae dancehall les moyens d’exprimer son identité. On le sait, le reggae va influencer aussi bien la pop (The Police, 10cc, Robert Palmer) que le punk (The Clash, The Ruts, The Members) et bien sûr le hip-hop. À l’origine était le sound system, cette discomobil­e du ghetto qui à New York se transforme­ra en block party. Sébastien Carayol, commissair­e de l’exposition, a placé dans une des salles ces énormes enceintes qui crachaient les lourdes basses lors des nuits fumeuses de Kingston : V-Rocket Sound System ou Tubby’s Hometown Hi-Fi, ces totems racontent des milliers d’heures de transe. Autre symbole de l’âge d’or du reggae, versant dub : la table de mixage de King Tubby, avec son bouton rouge en haut à droite et ses douze curseurs. Un outil mythique surplombé de la plus fameuse photo de Tubby

at the controls, le casque sur les oreilles, l’air concentré. Les trésors (et les fantômes) qui peuplent ce parcours reggae sont légion : les dessins originaux de Tony Wright pour les pochettes des albums “Police & Thieves” et “War Ina Babylon” et celles de Tony McDermott pour l’album de Yellowman & Josey Wales “Two Giants Clash”, l’incroyable maquette du bateau de Marcus Garvey, le Black Star Liner, réalisée avec des milliers d’allumettes, la pochette du tout premier 45 tours de Bob Marley, le melodica d’Augustus Pablo, les manuscrits de Leonard Howell le premier rasta, les tenues de scène extravagan­tes de Lee Scratch Perry (dont une tiare de cardinal !), la machine à écrire avec laquelle Perry Henzell rédigea le scénario de “The Harder They Come”, des flyers, des photos exclusives plus mille autres artefacts et gris-gris. Un véritable trip au coeur du son jamaïcain, qui a l’immense mérite d’explorer la luxuriante forêt cachée derrière l’arbre Marley. OLIVIER CACHIN Exposition “Jamaica Jamaica ! De Marley Aux Deejays” jusqu’au 13 août à la Philharmon­ie de Paris

 ??  ?? Scatter, 1987
Scatter, 1987
 ??  ?? Daddy Shark, 1986
Daddy Shark, 1986

Newspapers in French

Newspapers from France