A cause d’Engelbert Humperdinck
De cuir et de Kinks
R&F pose de bonnes questions depuis deux mois . En avril : “Peut-onencore porter un pantalon de cuir en 2017?” En mai : “LesKinkssont-ilslemeilleur groupe de tous les temps ?” Aux deux questions, je réponds oui. Tout l’hiver (et même au-delà), je ne porte quasiment que ça : un pantalon en cuir. J’adore, c’est souple, c’est beau, c’est chaud, c’est confortable. Et c’est indémodable. Quant aux Kinks, je le disais avant de connaître la réponse d’Arno. J’ai toujours pensé qu’ils étaient les meilleurs. Alors merci Rock&Folk. Puissent les Kinks apparaître plus souvent dans vos lignes et vive les pantalons en cuir ! MICHEL-ERIC CABARET
Histoire & Histoire
Lu dans l’interview de Madame Dombasle et Monsieur Ker : Madame : “‘ Yellow Submarine”, toutça,je déteste!” — Monsieur : “Jesuis d’ accord, c’ est de la merde .” L’inanité de tels propos me frappe immédiatement, non pas pour ce qu’ils sont (on s’en fout qu’ils n’aiment pas les Beatles), mais pour ce qu’ils révèlent au regard de l’histoire du rock’n’roll. Qui peut dire sérieusement “LeRadeauDe La Méduse, c’ est nul !” sans passer pour un inculte, ou bien que “La peinture de la Renaissance italienne, c’estnaze!” sans passer pour un ignorant ? On voit bien que désormais la musique populaire, telle que nous la connaissons depuis les années 50 (1954) constitue une entité historique en soi, avérée et déterminée, dont les faits ne peuvent être sérieusement remis en cause. Pour revenir à la comparaison précédente, il y a une histoire de l’art comme il y a désormais une histoire du rock’n’roll. Il n’y a qu’à lire Peter Guralnick pour s’en persuader. On me dit souvent : “T’enaspasmarre d’ écouter ces vieux machins ?” Non, je n’en ai pas marre, comme je n’en aurai jamais marre d’aller au Louvre. A. COULON
Tentative de blague
“Dis papa, c’ est quoi un Beatles? –C’ est un gentilRollingS ton es .” PATRICK MOALIC
En Marche ? à pieds...
Emmanuel Macron ne semble pas avoir eu de culture très rock’n’roll mais il n’en a pas moins baptisé son nouveau parti R.E.M. E. T. DECONING PEOPLE
Francis Scott le magnifique
Récemment une chroniqueuse de l’émission “Ça Balance A Paris” avait argumenté que les passages plus faibles du dernier (paru) Fitzgerald étaient dus à son état alcoolique. Ce qui m’a fait bondir et où on voit les limites de la critique faite par la documentation. Mais ce matin, dans mon Rock&Folk j’ai lu exactement la critique qu’il fallait pour cet ouvrage. Il n’y a pas une virgule à changer. Grand lecteur de Fitzgerald, je vous en remercie. YVES DUMAS
John Dwyer le bienveillant
J’ai eu récemment le privilège d’assister à un concert de Thee Oh Sees dans sa version deux batteurs plus bassiste programmé par la Sirène, Scène Musiques Actuelles de La Rochelle (superbe salle, soit dit en passant). Alors, on pourrait parler du répertoire dément pioché dans la flopée d’albums du groupe (mais pas dans l’excellent dernier curieusement), des 35 litres de sueur et de la salive lâchés par John Dwyer sur scène pendant le set, de l’énergie déployée, capable d’autoalimenter les amplis, le quartier et toute la ville, des tornades psychés balayant le public en flots continus, des rythmiques hypnotiques et hallucinés renforcées par l’impeccable chorégraphie des deux marteleurs de fût, de la présence scénique et de l’abandon du bûcheron Dwyer à ses propres turpitudes sonores... On pourrait donc facilement évoquer une prestation artistique au sommet qui a laissé le public KO debout. Et ça serait déjà pas mal. Mais on passerait à côté de deux détails qui, à mon sens, contribuent à classer les Oh Sees (et en premier lieu leur tête pensante) dans le panthéon des très grands. Premier détail, l’installation du matos par les musiciens themselves, à la vue, avec une balance live qui s’enchaîne le plus naturellement du monde avec le set. Ici, pas de flonflons, pas d’entrée bidon, pas de mise à distance : c’est simple, c’est direct, c’est naturel, c’est comme à la maison. Deuxième détail : l’après-concert. Ressortir de la salle encore sonné, avec cette impression tenace d’avoir assisté à un sacré truc, d’avoir mesuré devisu l’importance d’un type comme Dwyer pour le rock de ce début du 21e siècle et tomber directement sur ledit John Dwyer fumant sa clope tranquille, accessible, bienveillant et remerciant le public d’être venu le voir. Ca aussi, c’est très fort. Et là, on comprend d’autant mieux pourquoi on adhère autant à leur fantastique musique. MAXENCE
Fondu de “Vinyl”
Mythe. 1. “Récitpopulaireou littéraire mettant en scène des êtres sur humains et des actions remarquables.” Un mythe, c’est ce qu’échafaude sur le rock la série “Vinyl” de Martin Scorsese et Mick Jagger. Son lot d’effusions de sang, d’êtres à la psyché abîmée, de trophée rock’n’roll authentiques (Gretsch Twang Machine de 59), de charpentes en mi / la / si, d’épisodes décadents annonciateurs d’un déclin imminent, de répliques cultes : “C’estquoicette merde? Le nouveau JethroTull ?” ou, aux Nasty Bits, le groupe pré-punk de la série :“Là, on aurait dit cinq chiens ave cl ab *** coincée dans une tondeuse, vous n’ auriez pas une chanson desKinks plutôt ?”. Son lot, encore, de disques d’or accrochés au mur, de presses à vinyles, de limousines, de groupies, de mafieux, de Hell’s Angels,
de producteurs, de managers, de DA et de parasites, de présences fantomatiques, de démons et de visions hallucinatoires ; d’esclandres, de palabres, de trivialité, de démence, de substances, de mythomanie (“j’étaisau premier rang àWood stock quandPe te Townsh end a frappé Abbi eH off man avecsaGibson!”, de paranoïa et de flingues, de montées extatiques et de re-plongées fatales, de trous noirs et de nuits blanches, d’euphorie suspecte et d’accès de rage sanguinaire. “Vinyl” est tout ça. Lorsque Richie Finestra, le boss et héraut du label American Century, entrevoit le futur du rock, coincé là au milieu de la faune du Mercer Arts Center pour un concert des New York Dolls, c’est naturellement à une traduction littérale de l’expression “et tout le tremblement” à laquelle on assiste, le bâtiment cédant au sens propre sous la pression des décibels et de l’énergie moléculaire déployée par une assistance en surchauffe. La téléportation dans la diaspora new-yorkaise des seventies opère manifestement dans “Vinyl” : salle de concerts (le Max’s Kansas City), studios (Electric Lady), clubs, lieux de dépravation, bureaux de travail en haut du Brill Building... C’est une série de fans pour les fans. Pourquoi eux ? Parce qu’ils sont les seuls à pouvoir s’inventer en rêve des situations de ce genre (genre je parle avec David Bowie lors d’une balance), les seuls à plébisciter ce voeu de plasticité de l’icône adulée, de l’idole agréablement malléable, au sens où elle serait au service de leurs visions et de leur fantasmagorie galopante (aux fans). Un bon point. Si on aime “Vinyl” aussi c’est parce que rétroactivement la série met en avant la grande marotte, que dis-je, le précepte préféré des frères Gallagher : les chansons. “toutcequi compte, c’ est les chansons. Est-ce que çasefredonne? est-cequel’onaen tête et on a envie d’ appeler la radio pour demander le nom du groupe? Rappelez-vous la première chanson qui vous a collé la chair de poule, qui vous a donné envie de danser, deb *****, ou de frapper quelqu’ un ”. L’invective a beau dater de 1973, elle est particulièrement cuisante pour notre époque ; cinglante à l’égard de sa faillite créative, où une sonnerie de téléphone semble être aussi en position de postuler au titre de chanson. Parfois “Vinyl”, c’est aussi hilarant que “Spinal Tap” : “J’aiunecompo originale sur ce disque( de Noël) réchauffé. C’ est sur le lendemain de Noël. Un terrain inexploré ”. Tout en tensions hyper-réelles, “Vinyl” n’est pas un documentaire de plus sur le rock. C’est un récit où le rock prend le contrôle, donnant à voir des protagonistes sur la corde raide, aux prises avec leurs dérèglements intérieurs. Corrupteur génial, le rock se saisit alors de la fiction, poussant à se demander : “sont-cebienlàles valeurs de cette société décadente oubien?!”. Placés du point de vue du rock, le panorama offert est ainsi par moment effrayant : “Vinyl” ne posant pas un regard sur le rock condescendant comme on visiterait un zoo, mais suggérant une immersion, pour le meilleur et pour le pire, dans la même cage que l’animal. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la bête semble psychologique ment instable, dangereuse et déchaînée, créant les conditions de son propre désordre, de son propre enfer, dans cette zone viciée. Ce versant diabolique participe pour beaucoup du rayonnement de la série, lui conférant une aura façon “Loup De Wall Street”, avec le rock’n’roll en lieu et place de la finance. Sans cette intériorisation-là, impliquant toutes sortes de dilemmes, moraux notamment, “Vinyl” serait une accumulation de clichés. Or ce n’est pas le cas : parce que, dogme scorsesien oblige, “Vinyl” n’a pas oublié que les mythes et légendes du rock s’échafaudent d’abord à hauteur d’individu. EDDY DUROSIER
1967, bénie? Oui, oui
Lorsqu’on a traversé les années 60 l’oreille vissée à la radio à écouter “SLC”, “Dans Le Vent”, “Minimax”, “Campus” et le “Pop Club”, on ne peut qu’être nostalgique de cette époque bénie, musicalement parlant. 1966 avait déjà un bon millésime “Blonde On Blonde”, “Pet Sounds”, “Aftermath” et “Revolver” pour ne citer qu’une partie de la production vinylique de l’année. Mais c’était pourtant peu de choses à côté de ce que 1967 allait offrir. Je crois donc que je vous en aurais voulu si vous n’aviez pas adressé ce clin d’oeil célébrant les 50 ans de cette année, la plus riche des sixties : l’arrivée des Doors, le Velvet et la banane d’Andy Warhol, les premiers LP de Jimi et du Pink Floyd et le “Satanic Majesties Request” des Stones trop souvent décrié ! 1967 avait débuté, c’est un signe (!), sous de “Good Vibrations”, mais c’était aussi la contre-culture, le psychédélisme, c’était l’été de l’amour, San Francisco et ses hippies et enfin c’était l’année de la création de BBC Radio One, outil indispensable tant il est difficile de capter les pirates de Radio London ou Radio Caroline. C’est, début juin, quand l’été et ses tubes se profilaient à l’horizon et qu’on commençait à être bercé par un des plus grands slows de tous les temps signé Procol Harum, que la bombe “Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band” éclata ! Déjà nous avions eu un avant goût avec un single composé de deux faces A, “Penny Lane/ Strawberry Fields Forever”. Quand on pense qu’à cause d’Engelbert Humperdinck, ce fabuleux 45 tours n’a pu atteindre la première place des classements outre-manche, on croit rêver ! Pour en revenir à l’album, difficile pour moi d’être objectif ! Inconditionnel du groupe depuis 1963, “Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band” m’a flanqué une énorme baffe ! Certes, “Rubber Soul” et “Revolver” avaient déjà atteint des sommets mais là c’était vraiment monstrueux ! Je ne reviendrais pas en détail sur ce chef- d’oeuvre vous l’avez très bien fait dans ce dernier numéro. Je dirai tout simplement que, jusqu’alors, je n’avais dans ma discothèque que des 45 tours. “Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band” fut mon premier 33 tours, et je me souviens de mon impatience à l’avoir en ma possession ; eh oui, j’avais alors dû attendre le 15 juin, date de mon anniversaire, pour enfin pouvoir déposer ce précieux objet sur la platine. Ce disque a donc pour moi une très grande valeur sentimentale, en plus de ce qu’il peut représenter du fait de ses nombreuses qualités tant visuelles qu’auditives. Pour ma part, je ne l’ai jamais écouté autrement que du premier au dernier morceau et je considère toujours que c’est le meilleur disque des Beatles et peut-être même le plus grand disque de tous les temps ! Dans le domaine de la pop et du rock au sens large du terme, il y a, à mon avis, un avant et un après “Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band”. Cet album est en quelque sorte la charnière entre deux époques et il a véritablement ouvert la voie à tout ce qui a été réalisé par la suite en inspirant bon nombre d’artistes. Lorsque notre très cher talentueux Erudit Rock officiait sur Paris, nous avons souvent évoqué les Beatles lors de nos rencontres et je sais qu’il considère “Revolver” comme étant supérieur. OK, “Good Morning” par exemple peut paraître léger par rapport au reste de l’album ; mais franchement “Yellow Submarine” gâche beaucoup plus la cohérence de “Revolver”. Si je devais faire un reproche relatif à la conception du “Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band”, ce serait pour déplorer que, sans doute pour des raisons commerciales, “Penny Lane” et “Strawberry Fields Forever” aient été écartés du disque, alors qu’en fait ces deux titres proviennent des mêmes sessions d’enregistrement. Si ces deux morceaux avaient été inclus à l’album celui-ci aurait vraiment atteint la perfection ! Je vais donc fêter comme il se doit le cinquantenaire de cette galette en repassant sur ma platine tous les pressages que je possède (mono, stereo, remix) ainsi que les prises alternatives que j’ai pu dénicher en fouinant un peu partout. Il y a toutefois un titre, sur la face B, que je vais écouter d’une humeur différente. En effet, j’avais 14 ans lors de la sortie de l’album ; donc aujourd’hui, Iamsixtyfour... et ça, c’est un peu dur à avaler car en fait, pour moi, 1967... c’était hier ! Fidèle lecteur de votre revue depuis le numéro un, j’espère que nous ferons encore un bon bout de chemin ensemble. JP QUENTIN Ecrivez à Rock&Folk, 12 rue Mozart 92587 Clichy cedex ou par courriel à rock&folk@editions-lariviere.fr. Chaque publié reçoit un CD...