Hard rock et attitude punk GUNS N’ ROSES
LE 7 JUILLET PROCHAIN, LE BARNUM D’AXL, SLASH ET DUFF PASSERA PAR LE STADE DE FRANCE. DANGER, FRISSON ET STUPRE SERONT-ILS ENCORE LA ? VOICI EN TOUT CAS L’HISTOIRE D’UN GANG QUI INCARNA TOUT CELA A MERVEILLE.
Les Guns... Peut-être le dernier groupe de grande tradition rock’n’roll, au sens classic rock, à avoir réellement dominé la planète, à être entré dans l’inconscient collectif mainstream. La chose seraitelle encore possible aujourd’hui ? Cinq parias, archidrogués, alcooliques au dernier degré, pourraient-ils aujourd’hui entrer dans les foyers aussi facilement, sans que personne n’y trouve à redire ? Il y a là une forme d’innocence propre aux années octantes, un temps où MTV commençait à imposer le culte d’une apparence policée. C’était aussi l’époque de Reagan, Thatcher, des temps austères, une vision grise, ultralibérale de l’avenir, avec en prime le spectre du SIDA. Les jeunes avaient besoin de fun, de s’évader. Quoi de mieux que ces personnages hors-normes, cartoonesques, pour le faire ? Les Guns N’ Roses ont débarqué au bon endroit — Sunset Strip et son effervescence glam metal — et au bon moment.
Troubles psychiques
La filiation, sujet épineux lorsqu’on parle des Guns et d’Axl Rose. Il est assez remarquable, avec le recul, de constater que nos cinq lascars se sont inscrits, par leur culture et leurs influences, dans une lignée rock aussi pure que l’héroïne iranienne qu’ils consommaient quotidiennement : Rolling Stones, Led Zeppelin, New York Dolls, Stooges, AC/DC, Aerosmith, Sex Pistols. Il suffit de lire la liste de leurs reprises au cours des années, notamment celles de “The Spaghetti Incident ?”, pour en être convaincu : “Mama Kin”, “Human Being”, “Raw Power”, mais aussi “Sympathy For The Devil” ou “Whole Lotta Rosie” (en concert). La fusion rêvée d’un hard rock à haute teneur sexuelle et d’une attitude punk, saupoudré de la high
energy de Detroit, en somme. Les Guns N’ Roses étaient également constitués selon les canons du genre : un hurleur beau gosse aux cheveux longs, un guitariste rythmique peu démonstratif idolâtrant Keith Richards, et puis un soliste flamboyant, au charisme instantané et au look immédiatement identifiable (boucles noires recouvrant le visage, haut-de-forme, pantalon de cuir). Mais ce qui a réellement emmené les Guns au firmament, c’est peut-être sa personnalité unique. Et pour expliquer cela, il faut remonter le fil du temps, du côté du passé d’Axl Rose. Les troubles psychiques d’Axl Rose appartiennent désormais à la légende. On le voit, à raison, comme l’un des ultimes monstres du cirque rock’n’roll. Un sale type, mégalomane, mais aussi génial, hors-norme. Et du caractère, il en fallait pour s’extraire de Lafayette, bled conservateur de l’Indiana, et d’une famille menée à la baguette par un flic, fervent pentecôtiste. Pendant toute son enfance, celui qui s’appelle encore Bill Bailey n’a pour toute distraction que le piano et le chant dans les églises, où il découvre néanmoins le pouvoir enivrant qu’il peut exercer sur une audience. Un jour, il entend “D’yer Mak’er” à la radio, c’est le coup de foudre. Led Zeppelin, et plus globalement le rock’n’roll s’invitent dans une vie de brimades, de restrictions, de gifles. La nuit, sous ses draps, l’oreille collée au transistor, il aime à écouter “Benny And The Jets” d’Elton John, issue de l’album “Goodbye Yellow Brick Road”. Sir Elton, l’une de ses obsessions de jeunesse, puisqu’il apprendra scrupuleusement les partitions de ses sept premiers albums. L’adolescence est un passage évidemment compliqué, surtout lorsque l’on apprend que son père biologique n’est autre qu’un voyou, acteur raté et pervers, et qu’on se rend compte qu’il vous a probablement violé durant votre enfance. L’enveloppe corporelle de Bill Bailey est salie, ses certitudes s’envolent avec son innocence. Il lui faut renaître, ce qui sera fait sous le patronyme symbolique de W. Axl Rose. William Rose, son véritable nom, et Axl, le blase d’un de ses groupes de lycée. L’acronyme WAR ne devait pas non plus lui déplaire, lui qui a l’impression d’être en guerre contre le monde entier : ses vieux, les flics, l’école. C’est justement au bahut qu’il rencontre Jeff Isabell, le futur Izzy Stradlin, qui remarque ce rouquin au tempérament de feu, en train de soulever son professeur. Pas vraiment sportifs ni studieux, les deux fripouilles se découvrent une passion commune pour le skateboard, les magazines pornographiques et surtout le rock’n’roll. Mais, autant Axl est extraverti et instinctif, autant Izzy est du genre taiseux, réfléchi. Et alors que le premier décide un beau jour de sécher les cours pour de bon, le second poursuit jusqu’au bac, qu’il obtiendra avant d’entasser ses maigres affaires dans sa Chevrolet Impala : direction Los Angeles pour une carrière de musicien. Axl est alors en cabane pour insulte à agent et possession d’alcool. Il ne fera pas long feu à Lafayette de toute façon.
Jungle urbaine
Los Angeles, 1982. Lorsqu’on est jeune en cette année-là, c’est sur Sunset Strip que l’on traîne. On sort au Rainbow Bar And Grill, au Gazzari’s, au Troubadour ou au Roxy. Sur les parkings, on fait des rencontres, on tâche de draguer. On se crêpe les cheveux, on chine chez Tower Records. Les roitelets du Strip sont les Mötley Crüe, mais d’autres poussent fort derrière : Ratt, Quiet Riot, Dokken, Hanoi Rocks, Warrant... Ce contexte hédoniste, insouciant, est fondamental dans l’émergence des Guns N’ Roses. Ils se rattachent à cette scène glam metal, vont en utiliser l’effervescence pour se frayer un chemin vers les sommets, mais la partie ne sera pas si facile. En fait, ils vont déjà mettre cinq ans avant de se trouver, après s’être croisés, engueulés, épaulés... C’est donc dans la jungle urbaine de Downtown LA qu’Axl débarque un beau jour en auto-stop, après s’être fait agresser dans son sommeil par un chauffeur un rien trop entreprenant. Il porte des santiags, en bon cul-terreux qu’il est. Tout de suite, il part en quête de son seul contact en ville, Izzy Stradlin. Véritable jeu de piste, qui dure plus d’un mois ! Bien implanté, le brun rockeur partage son emploi du temps entre rock’n’roll et trafic d’héroïne brune. Avec Chris Weber, ils fonderont Hollywood Rose et d’emblée, Axl fait sensation dans les clubs : son gosier d’airain, ses gargouillements ultra-râpeux et sa présence en font l’un des screamers les plus courtisés du coin. Dans le public, deux hommes l’observent avec intérêt : Tracii Guns, leader des LA Guns, et Slash, qui cherche à monter un groupe avec son pote d’enfance batteur, un blondinet jovial du nom de Steven Adler. C’est le premier qui emportera la mise et après un temps, Axl proposera une fusion d’Hollywood Rose et LA Guns : les Guns N’ Roses. Sur petite annonce, ils recrutent un grand échalas blond à la basse, punk venu de Seattle : Duff McKagan. Ce dernier a de l’expérience et profite de ses contacts pour organiser immédiatement une petite tournée du côté de sa brumeuse contrée d’origine. Pas franchement motivé, Tracii Guns s’évapore en compagnie du batteur. Axl, Izzy et Duff pensent alors à Slash, qui amène Steven Adler dans ses bagages. Le premier concert des Guns N’ Roses