Chuck Berry
DECCA/UNIVERSAL C’est grâce à Chuck que les rock critics palpent de somptueux émoluments, tiennent un rang social très envié, brillent dans la société des princes, une déesse du gotha pendue à chaque bras, nemrods de la chose riffée dont les pop-stars du monde entier implorent l’avaricieuse clémence. Et Chuck l’eût fait sans doute si le trépas ne l’avait opportunément soustrait à l’ingratitude de ses obligés car, enfin, son album posthume... Comment dire... Attend-on qu’à 90 ans, après 38 années de coma discographique, il revienne avec “Johnny B. Goode” et la fraîcheur du débutant dans le même baluchon ? C’est pourtant ce qu’il réussit sur “Big Boys”, mais il ne réitère pas l’exploit neuf fois d’affilée. Sur un album de dix plages on est loin du compte. Le disque commence et finit bien. Un mid-tempo cool pour ouvrir, puis “Big Boys”, et deux confessions magnétiques pour fermer, “Dutchman” et “Eyes Of Man”. Entre ces extrémités ballotte un gros ventre mou dans un phrasé sans élégance, une version laborieuse de “You Go To My Head”, une prise live sur un rythme de valse, beaucoup d’oeillades complaisantes à son oeuvre, une réunion trop dynastique (la fille, le fils, le petit-fils), avec trop de guitaristes qui placent trop de petits solos à la Chuck. Ceci dit, celui de “She Still Loves You” est particulièrement bien, mais perdu dans un repli du grand affaissement central. “In my day my music was considered superb”, énoncet-il sur “Dutchman”. Ce n’est hélas plus son jour depuis longtemps, et ça ne le sera jamais plus. Avec “Big Boys” et “Dutchman”, reste quand même la valeur d’un très bon 45 tours. A l’échelle de la légende, c’est plutôt bien. ✪✪ CHRISTIAN CASONI