Rock & Folk

MARCUS

Pochette assez laide, imaginée par Marcus Malone lui-même

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Comme bien d’autres à la même époque, Marcus n’eut pas la chance de percer. Ce quintette multicolor­e avait pourtant le soutien d’Ike Turner et d’une grande maison de disques, laquelle a même permis l’embauche du légendaire Tim Bogert comme musicien de séance. Son unique opus reste une authentiqu­e réussite, très prisée des collection­neurs de hard rock seventies bien caréné. Notre récit commence du côté de l’emblématiq­ue Detroit. Mû par un solide instinct de gloire, Marcus Malone décide un beau jour de plaquer le lycée. Objectif : percer dans la musique. Sa formation ? Il vocalise sur des classiques gospel depuis ses cinq ans, famille très pieuse oblige, et se plaît à imiter Marvin Gaye en bon passionné de l’écurie Motown. Il se pique ensuite d’apprendre la guitare grâce à de vieux 78 tours de BB King dénichés dans la collection paternelle. Son destin change du tout au tout lorsqu’il intègre les célèbres Detroit Wheels au moment où Mitch Ryder décide de se lancer en solo. Le groupe vit ses derniers instants, mais la carte de visite est belle, et Marcus Malone en profite pour assembler son propre gang dans la foulée, fort de sa petite notoriété. Il lessive littéralem­ent un paquet de musiciens jusqu’à parvenir à un quintette humblement nommé Marcus, solidement harnaché sur le duo de guitariste­s Randall David/ Gene Bloch. Marcus écume les clubs modestes de la côte Est, chaque soir et sept jours sur sept, jusqu’à la Floride. La setlist mêle reprises et compositio­ns originales. A la force du poignet, sa réputation gonfle jusqu’à lui offrir les premières parties d’Iggy Pop et Bob Seger, incontourn­ables mythes de la Rock City. L’étape logique, ensuite, est de réaliser une démo pour démarcher les labels. Celle de nos gonzes finit par atterrir, on ne sait trop comment, sur la platine d’Ike Turner. Immédiatem­ent conquis, le briscard décide illico d’aligner cinq mille dollars et d’affréter un avion pour le groupe, direction Los Angeles. Une signature avec United Artists est déjà dans les tuyaux. Le producteur choisi est Stuart Alan Love, valeur montante de la profession qu’on a pu croiser aux côtés de Lou Gramm (juste avant Foreigner) et Michael Quatro, frère de Suzi. La captation se déroule dans un lieu de prestige, le célèbre Record Plant, où Fleetwood Mac est en train de donner la dernière touche à “Rumours”. Bref, tout va pour le mieux. Marcus se voit même renforcé en studio par un sacré poids lourd à la basse, l’illustre Tim Bogert (ex-Vanilla Fudge et Cactus, faut-il le rappeler). La raison ? Le leader vient de violemment saquer son ancien bassiste. Bien qu’il ait déjà deux fines lames à dispositio­n Marcus Malone décide d’en ajouter une troisième pour une triple attack de choc : ici entre Jack Weber, embauché sur place tout comme le marteleur Dandy Star Holmes, et tous deux anciens accompagna­teurs de Little Richard. L’enregistre­ment dure finalement quatre mois et aboutit à un disque excellent, aux titres déjà bien rodés par des années sur la route. La production donne un effet de puissance, lustrée sans être datée. Elle permet de révéler la substantif­ique moelle de ce cher Marcus : un gosier d’airain, rauque et chaud, faisant penser à Rod Stewart, parfois à Ian Gillan (sur “Pillow Stars” par exemple), une rythmique solide menée par le jeu souple et moelleux de Tim Bogert, et surtout trois guitares tranchante­s qui emplissent tout l’espace, tantôt à l’unisson, tantôt duellistes, aux solos toujours mélodieux et bien construits. On y remarque une ballade doucereuse (“Kelly”), le riff de “Black Magic” qui rappelle celui de “Space Truckin’” (Deep Purple), le funk zeppelinie­n de “Gypsy Fever”, l’épique cavalcade de “Pillow Stars” et le final planant de “Rise Unto Falcon”. D’autres influences se font sentir çà et là : Cream pour “Salmon Ball”, Aerosmith pour “Highschool Ladies Streetcorn­er Babies”. L’ensemble aurait très nettement pu prétendre à un succès de masse, mais le destin en décidera autrement. En effet, avant même la sortie officielle, Ike Turner s’est déjà entiché d’autres projets et, par ailleurs, en train de se séparer de Tina. Le coup est rude. Malgré tout, United Artists confirme son soutien et publie l’opus en 1976 sous une pochette assez laide, imaginée par Marcus Malone lui-même. La situation de Marcus, déjà précaire, se dégrade encore lorsque leur manager au sein du label, Al Teller, en claque la porte. La promotion est immédiatem­ent arrêtée, aux frontières de l’Etat du Texas où leur popularité avait été dopée par de fréquents passages en radio. Les propositio­ns de concert se font plus rares. L’inévitable séparation a lieu en 1977, et étrangemen­t le groupe devient presque immédiatem­ent culte au Royaume-Uni. Marcus Malone sera par la suite le seul à poursuivre une honorable carrière dans le blues-rock, publiant régulièrem­ent des disques depuis 1998.

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