Mais qui a tué Laura Palmer ? Twin Peaks
Le passé semble revenir à fond ces derniers temps...
Après “Star Wars” et Téléphone ( alias les Insus ?), il ne manquait plus que “Twin Peaks”. Sachant que ce vieux grigou de David Lynch, tel Nostradamus, avait prévu son coup. A la fin de la deuxième saison de la mythique série, Laura Palmer nous avait prévenu : “Jereviendraidans25ans.” Et elle a tenu parole. Quasi au jour près. Projeté au dernier festival de Cannes (en même temps que la diffusion sur Canal +), les deux premiers épisodes de la troisième saison tardive ont été un petit choc sur la croisette. De quoi annihiler définitivement la barbe poussiéreuse de Vincent Lindon dans “Rodin”. Parce que Lynch, une fois encore, a su rester dignement hors norme. Donc hors mode, hors look, hors temps, hors espace. Avec rien à quoi s’accrocher pour comparer. Comme si, à l’instar de son premier long métrage “Eraserhead” sorti il y a 40 ans, il parvenait encore à visualiser ses rêves en connectant directement son cerveau sur un écran sans passer par une caméra. Pourtant, onze ans après son dernier film (“Inland Empire”) dont le côté arty trop prononcé avait épuisé la moitié de ses fans, on pouvait douter de sa capacité à se re-lynchiser avec élégance. Et, surprise... Sur ces deux premiers épisodes (18 au total), “Twin Peaks”, le retour, nous plonge de plain-pied dans le malaxage de conscience, les rêves vaguement éveillés, le sommeil paradoxal et l’imagination débordante. Sans barrière, sans morale agaçante, sans ceinture de sécurité. Comme dans les deux premières saisons des nineties, “Twin Peaks” n’oblige jamais à comprendre les intentions de Lynch. Le but étant de se faire avaler tout cru par son univers. En restant juste en éveil pour ressentir les sensations de couleurs, de rythme et de son. L’agent Dale Cooper est donc toujours là. Bloqué dans le décor de la fin de la deuxième saison. Mais pour combien de temps ? Au programme de ces deux premiers épisodes : un meurtre crapouilleux (la tête d’une femme retrouvée dans son lit accolée à un corps d’homme décapité), une étrange expérience ou une créature spectrale apparait dans un cube de verre, un rideau de velours rouge qui s’écarte pour laisser apparaitre un cheval blanc virginal, une étrange plante qui parle et... stop! Les bizarreries s’emboitent les unes après les autres tandis que l’on se pose en boucle de nombreuses questions. Sommesnous dans un labyrinthe mental saupoudré d’ironie ? Est-ce que, façon Godard, Lynch ne ferait-il pas dans la mise en abyme moqueuse de son savoir-faire unique ? Les thèmes vitaux abordés (le bien, le mal, l’amour, la mort, le nain) veulent-ils dire quelque chose de précisément imprécis ? Ce qui est amusant pour les lynchophiles, c’est que toutes ces images renvoient automatiquement à son univers. Ainsi la plante étrange a le look du bébé atrophié d’“Eraserhead” tandis que le rideau rouge en velours à la même texture que celui de “Blue Velvet”. Même le doppelgänger assassin de Kyle MacLachlan a le look Elvis Presley de Nicolas Cage dans “Sailor & Lula”... Comme si Lynch casait ses obsessions stylistiques en les réinventant sans cesse. Y compris au niveau du rythme... La lenteur hypnotique de “Twin Peaks” donnant la sensation d’un disque 78 tours joué en 16 tours, histoire d’atrophier encore plus nos neurones. Enfin, dernière question : cette nouvelle saison ne serait-elle pas au fond un immense puzzle qui prend un malin plaisir à se déconstruire au fur et à mesure. Au point que l’on découvrira peut-être qu’il manque toujours la même pièce. A savoir : mais qui a tué Laura Palmer ? DiffusionchaquemardisurCanal+Série