Rock & Folk

CERRONE

CERRONE Fleuron national de la disco champagne, le producteur dévoile des amours musicales forcément assez rythmées.

- Christophe Ernault

“On était deux. Il y avait Giorgio Moroder et moi”

Rendez-vous pris au domicile parisien de l’un des pionniers de la disco pour essayer de comprendre comment ce natif de Vitry-sur-Seine (94) a réussi à faire se trémousser la planète depuis quarante ans, au moment où son dernier album “Red Lips” continue à marteler des four on the floor à vous faire exploser les rotules. L’homme qui accueille dans son salon de musique, entouré d’une batterie et d’une table de mixage maousse, est immédiatem­ent affable, disert... Car au rayon discothèqu­e, il n’y a pas à tortiller du booty : monsieur s’y connait. Une dose de mégalomani­e ROCK&FOLK : Premier disque acheté ? Cerrone : L’album de Ray Charles avec “Georgia On My Mind” dessus... Il était plastifié et tout... Trouvé dans un magasin de Saint-Germain-desPrés, ce n’étaient pas les FNAC encore... R&F : Donc fan de Ray Charles à... Cerrone : 10 ans, c’est le moment où je commence la batterie. C’est le premier musicien qui m’ait intéressé, ému, parce que la musique française je n’ai jamais été très fervent. Mais lui, là, je tombe à la renverse. R&F : Pourquoi la batterie ? Cerrone : Je tapais partout : sur les tables, les murs, à l’école, d’où je me faisais d’ailleurs virer... Ma mère voit ça, bon, on n’avait pas trop de thunes et elle me dit : “Tu fais une bonne année et je t’achète une batterie”. C’était ça ou la pension. Je l’ai fait. R&F : C’est quand même singulier d’avoir une batterie aussi jeune à l’époque, ça vous vient d’où ? Cerrone : Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que, et encore aujourd’hui, ça été mon meilleur allié, mon meilleur pote... Même dans les périodes de has-beenerie, à chaque fois c’est la batterie qui m’a rattrapé en disant : “On continue.”

R&F : Quels sont à l’époque les disques où la batterie vous bluffe d’ailleurs ? Cerrone : Les premiers Santana. Le batteur, Michael Shrieve... Tout ce côté afrocubain mélangé au rock. C’est la période Woodstock... J’achète le triple album et là je me dis que je veux en faire ma vie. Du coup, j’ai monté un groupe, Kongas... R&F : Assez novateur pour 1974, avec des titres comme “Afro Rock”... Cerrone : En 1972, je faisais la manche à Saint-Trop’ devant Sénéquier, j’avais un tréteau avec une batterie dessus et, entre 19 h 00 et 21 h 00, je faisais des solos de batterie devant la terrasse. R&F : Les gens devaient être contents ! Cerrone : Vous savez, quand on a la passion on s’embarrasse pas de ce que les autres vont penser ! Faut avoir une dose de mégalomani­e pour faire ce métier. Et puis c’est quand même grâce à ça que je démarre. Un soir, un type met un message dans la corbeille de la manche : “Rejoignez-moi à ma table.” Signé Eddie Barclay ! R&F : Le boss...

Cerrone : Ouais, il me dit c’est super, que j’ai du charisme et tout mais qu’il me manque un groupe. Là, je lui parle de celui que je viens de monter avec des potes : on a des percussion­nistes, un orgue Hammond, genre Santana, quoi... Quelques jours après je fais descendre tout le monde à Saint-Tropez et on fait une audition devant Eddie au Papagayo,

le club du sud de la France. Et là on signe à la fin de l’été. Premier single en novembre, ça s’appelait “Jungle”. J’avais à peine 18 ans, je n’ai jamais arrêté depuis. R&F : Le groupe a duré combien de temps ? Cerrone : Trois ans. Je suis parti en 1975. C’était la grande époque des groupes comme Martin Circus ou Il Etait Une Fois... Et Barclay nous demandait de faire de la pop... Moi, j’ai dit non. A l’époque, je suis fasciné par un mec comme Quincy Jones. Lui ne chante pas mais fait chanter des nanas tout en se mettant en avant sur la pochette. C’est lui la star.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France