Rock & Folk

BAD COMPANY

Avec ses refrains sans chichi, le groupe britanniqu­e a assis un règne discret mais efficace durant les années 70. Le chanteur Paul Rodgers se souvient.

- Jérôme Soligny

Le batteur Simon Kirke est catégoriqu­e : le succès de Bad Company, peu après sa formation en 1973, tient essentiell­ement au fait que le groupe ne tournait pas autour du pot. Alors que le glam rock tenait le haut du pavé, que le progressif anesthésia­it les foules et que certaines formations hard délayaient leurs morceaux à coups de solos, de guitare ou d’orgue, d’un quart d’heure, l’alternativ­e proposée par le chanteur Paul Rodgers (ex-Free, comme Kirke), Mick Ralphs (guitariste de Mott The Hoople) et Boz Burrell, qui venait de sévir chez King Crimson en tant que bassiste et vocaliste, allait enthousias­mer cette large frange du public friande d’authentici­té.

Boosté au blues rock

Jusqu’en 1982, Bad Co va enregistre­r six albums dont les extraits les plus connus (“Bad Company”, “Can’t Get Enough”, “Good Lovin’ Gone Bad”, “Movin’ On”...) continuent d’être diffusés régulièrem­ent par les radios classic rock. Salement dépité à la séparation de Free dont la carrière aurait pu être plus longue si le guitariste Paul Kossoff n’avait pas été victime d’addictions qui allaient lui coûter la vie, Paul Rodgers précisa d’emblée à Mick Ralphs qu’il ne remontait pas un groupe pour rigoler. Bien inspiré, le chanteur allait trouver chez le guitariste créateur de “Ready For Love” pour Mott The Hoople (également reprise par Bad Co), un partenaire aussi doué que l’était Andy Fraser, le bassiste de Free avec qui il avait composé l’essentiel des chansons, dont la célébrissi­me “All Right Now”. Recruter Burrell prit davantage de temps, mais l’obstinatio­n de Rodgers à trouver la bonne formule fit l’admiration de Peter Grant, alors manager de Led Zeppelin, qui signa Bad Company sur Swan Song, le tout nouveau label du groupe. Respective­ment parus en 1974 et 1975, “Bad Company” et “Straight Shooter” résumaient parfaiteme­nt ce qu’était cette formation : un quatuor de types têtus (qui se sont battus avec leur management pour imposer leur nom), boosté au blues rock, porté sur les riffs et les mélodies, influencé par Jimi Hendrix, Cream et les Beatles, dont l’ambition, ouvertemen­t affichée, était effectivem­ent d’aller droit au but ! C’est-à-dire dans les charts, américains notamment, où le groupe figurera régulièrem­ent en très bonne place jusqu’à sa (première) séparation. Si la voix de Paul Rodgers et le style de Mick Ralphs sont les éléments les plus reconnaiss­ables des années dorées de Bad Co, la rythmique est aussi bigrement efficace. Boz Burrell, pour sa part, a souvent été à l’origine des idées les plus excentriqu­es du groupe et notamment de ses débordemen­ts funky. Quant à Rodgers, qui joue également de la guitare et des claviers, il a régulièrem­ent explosé les contours de la formation, insistant par exemple pour qu’un arrangemen­t de cordes signé Jimmy Horowitz (talentueux enjoliveur pour Dusty Springfiel­d, Steve Harley, Linda Lewis, Rod Stewart...) soit appliqué à “Run With The Pack”, chanson-titre du premier des deux albums (publiés en 1976 et 1977), qui viennent d’être réédités. Ebranlé par le décès de John Bonham en septembre 1980, Peter Grant finira par éprouver quelques difficulté­s à manager tout ce petit monde, et l’assassinat de John Lennon, en décembre de la même année, incitera de nombreux musiciens célèbres, dont Paul Rodgers, à se mettre en retrait. Après son départ et le split en 1982, le groupe revivra deux fois avec des chanteurs différents — Brian Howe (ex-Ted Nugent) et Robert Hart (ex-The Distance) — mais sans connaître le même succès. Depuis la fin des années 90, Rodgers, qui a chanté avec Queen et tourne régulièrem­ent (en 2017 notamment) en solo, consacre également du temps à Bad Company (qui a parfois existé sans lui, avec Mick Ralphs aux commandes et Robert Hart au micro). Officielle­ment, une émanation du groupe est toujours en activité (Boz Burrell est décédé en 2006), mais de récents problèmes de santé ont éloigné Mick Ralphs de la scène. Selon ses proches, au moment d’écrire ces lignes, il se remettrait lentement mais sûrement.

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