Rock & Folk

Les ados que nous étions

- DIOR DE DRUSY

1997, OK

Alors que l’on célèbre la réédition du “OK Computer” de Radiohead, on réalise soudain que l’année 1997 a vingt ans. Et que c’est vertigineu­x ! 1997. Oasis était alors le gros truc de l’époque. Son influence, à un niveau personnel, avait consisté à s’être pointé trois ans plus tôt et à nous avoir autorisé, un verre de gin tonic à la main, à être nous-mêmes, une révélation ! Soudain nous n’avions plus à rougir de ce que nous étions : des timides que les manuels d’éclate et d’évasion du groupe (surtout “Morning Glory”) avaient libérés. Ce qui occasionne­rait de multiples répercussi­ons vestimenta­ires, capillaire­s, musicales, sociales... Sous l’impulsion du phénomène britpop, alors à son apogée, nous nous affranchis­sions soudain (avec mon pote) des affres de la lose et de la solitude en montant un groupe : si Noel s’était appuyé sur la simplicité des Stone Roses et des Beatles quand il avait commencé à composer, nous nous appuierion­s dorénavant, mon pote et moi, sur la simplicité de Noel pour produire nos propres dérivés de “Hello”, “Step Out” ou “Don’t Look Back In Anger”, facile ! L’important n’étant pas de savoir si nos compos à nous étaient bonnes ou mauvaises, non ! Mais qu’ici un mouvement s’amorçait, un mouvement dont, de fait, nous faisions partie... Oasis était, au moment où “Morning Glory” est sorti, le monde où, perso, je vivais lorsqu’assis sur mon lit, le plus souvent accroché à ma guitare, j’essayais de démêler l’aura de mystère qui émanait de cette simplicité et de comprendre — basiquemen­t — pourquoi les glissement­s d’accords de Noel me donnaient l’illusion de pouvoir me soustraire à la mécanique implacable de la reproducti­on sociale qui me guettait (l’usine probableme­nt, comme une bonne partie de ma famille). En 1997, quelque chose nous disait cependant que le phénomène Oasis commençait à se tarir un peu, comme en témoignait “Be Here Now”, l’album où la coke était à la direction musicale. “OK Computer”, sorti quelques semaines plus tôt, actait cela. “OK Computer”, ou le souvenir de mon premier job d’été, en qualité d’agent d’entretien, une période durant laquelle j’écoute l’album trois fois par jour. Je scotche confusémen­t sur la phrase où Thom Yorke assène : “Theheadofs­tate h as cal ledformeby na me/ But Id on’ t havetimefo­rhim”, qui cristallis­e, j’imagine, un sentiment confus. Qu’estce qui a bien pu changer en vingt ans ? Déjà, on peut dire sans trop s’avancer que les ados que nous étions alors, achetaient plus de disques qu’aucun ne le ferait de nos jours. Enfin, je suppose. Perso, ma playlist était la suivante : “Blur” de Blur, “In It For The Money” de Supergrass, “A Short Album About Love” de Divine Comedy, “The Attack Of The Grey Lantern” de Mansun, “OK Computer” de Radiohead et “Be Here Now” d’Oasis donc, “Urban Hymns” de The Verve, “Songs From Northern Britain” de Teenage Fanclub, “Radiator” de Super Furry Animals... Les plus jeunes me prendront certaineme­nt pour un (très vieil) ancêtre quand je leur dirai que je compilais alors sur cassette VHS les performanc­es de tous ces groupes quand ils étaient de passage dans l’émission “Nulle Part Ailleurs” sur Canal +, performanc­es que je disséquais et que j’archivais avec un soin maniaque ensuite... Ce qui n’est qu’un euphémisme pour illustrer le fait que si à l’ère chiraquien­ne son concept existait déjà, YouTube n’était alors qu’un fantasme futuriste... D’ailleurs, en parlant de fantasme (rétro) futuriste, cette fille que j’apercevais alors, avec sa blondeur à la Marianne Faithfull, son charme anglo-saxon suranné, n’a sans doute jamais su qu’elle incarnait, au coeur de ce mouvement britpop qui s’ébauchait aussi dans notre bourgade, mon swinging London... Pour un peu en 2017, avec la sortie annoncée d’un Liam, puis d’un Noel Gallagher dans l’année, de Gorillaz avec Damon Albarn et Noel Gallagher, la reformatio­n des Super Furry Animals, le sequel de “Trainspott­ing” et l’opus récent de The Divine Comedy, c’est comme si les choses n’avaient (presque) pas changé...

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France