Lol
Il y a beaucoup de vin, de bière et autres breuvages dans l’autobiographie de Lol Tolhurst ; de vessies pleines, de gaffes éthyliques potentielles et de trous noirs (dans cet ordre) aussi, de désir — compréhensible — de se soustraire à un climat politique oppressant, au chômage de masse de l’ère thatchérienne et plus prosaïquement à son milieu : l’église, l’école de Crawley, banlieue résidentielle construite après la Seconde Guerre mondiale, son ciel gris ardoise empli de bruine, son climat froid et humide. “Unconcentré d’ apathie et d’ hostilité. Une vie de désespoir sur ce petit bloc froid de rocher au bord de l’ océan Atlantique” (dixit l’intéressé). Le contexte de cette adversité-là est spécifié davantage encore avec la faune proximale. Ainsi les nationalistes qui, prenant Lol et son pote Robert pour des tantes (sic), provoquent des échauffourées ; les douaniers qui, aux premiers déplacements du (de leur) groupe hors de son sol roulent des mécaniques et les traitent à leur tour de faggots, soit de “tapettes” ; ou un paternel que l’homme, classiquement, ne parviendra jamais à percer un jour. Au regard de ce contexte d’opposition très fort, d’adversité, Lol affirme “Nousétions les premiers punks de Crawle y ”. Il gomme ainsi en partie l’imagerie de corbeaux en complets noirs et cheveux crêpés régulièrement associée à Cure, mentionnant avec beaucoup d’autodérision : “contrairementàla croyance populaire, on n’ était pas des gothiques au visage pâle qui passaient leur temps à pleurer dans des chambres sombres éclairé es à lachandelle”. Comme un fil rouge, il fait souvent référence à cette façon toute britannique (que lui et les autres avaient) de régler les (leurs) problèmes : en n’en parlant pas, en se refermant sur soi-même. Cela dit, il y a peut-être dans ce livre – et dans une bonne partie des groupes britanniques des 40 dernières années – en y réfléchissant bien, l’idée en filigrane que si l’on se met à jouer, c’est précisément parce que l’on n’en peut plus de ce silence. Autre héros anglais, Damon Albarn ne concédait-il pas dernièrement : “Jepenseque tout vient delà, de ces moments de solitude où je me mets à jouer car ne peux plus supporter le silence ”? Un point de convergence donc. D’où, sans doute, la musique, la fripe et le style anticonformiste pour juguler ce malaise, aggravé par la dépression et l’héritage alcoolique familial... Et soudain les Cure étaient.