Rock & Folk

HEROUVILLE & COMPANY

CHRIS KIMSEY, ingénieur du son de Bad Co, se rémémore Bowie, Higelin et l’ambiance éthylique du fameux château d’Hérouville

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Depuis quelque temps, on peut lire tout et surtout n’importe quoi à propos de ce qui s’est passé au château d’Hérouville, près de Pontoise, durant l’été 1976. La place nous manque pour tout raconter ici, mais Bad Company y a bel et bien séjourné en même temps que David Bowie et Iggy Pop qui travaillai­ent sur “The Idiot”. En vérité, lorsque Bad Co a débarqué au mythique studio résidentie­l, il a d’abord répété les titres qui allaient devenir ceux de “Burnin’ Sky”. Lorsque Bowie a filé à Munich avec Iggy et l’ingénieur du son français Laurent Thibault, le groupe a pu enregistre­r. Selon ce dernier, la cohabitati­on entre le clan Bowie et Bad Co n’a duré qu’une dizaine de jours et s’est limitée à quelques regards en chiens de faïence. Bowie était bluffé par Paul Rodgers en tant que vocaliste, mais le côté bluesy de son groupe, un peu primaire alors qu’Iggy et lui inventaien­t une sorte d’induspop, le faisait sourire. Quant aux roadies de Bad Co, assez frustes, ils avaient tendance à se moquer du maniéré Bowie, dans son dos, lorsqu’il déambulait dans le parc du château. Ayant produit Mott The Hoople, David connaissai­t Mick Ralphs, mais n’a eu que peu de contacts avec lui. A noter qu’au début de cette année-là, les Bee Gees et Rick Wakeman ont également enregistré à Hérouville, et que Jacques Higelin, qui

habitait alors la Bergerie, y a en partie mis en boîte “Alertez Les Bébés”. Il entretenai­t alors avec la jolie Kuelan Nguyen, une relation par moments assez houleuse, notamment lorsque Iggy Pop tournait un peu trop autour de la future “China Girl”... Témoin clé de l’enregistre­ment de “Burnin’ Sky”, Chris Kimsey, l’ingénieur du son devenu producteur (Rolling Stones, Joan Jett, Psychedeli­c Furs, Soul Asylum...), s’est

mis en mode flash-back pour Rock&Folk : “Je n’avais jamais travaillé avec Bad Company avant ‘Burnin’ Sky’ et n’avais jamais mis les pieds à Hérouville. Il est clair que le groupe, comme beaucoup d’AngloSaxon­s à l’époque, avait atterri là pour des raisons fiscales. Je connaissai­s le studio de réputation, mais en arrivant, j’ai demandé qu’on change les écoutes car je n’étais pas emballé par leur son. J’ai fait venir des JBL ! L’enregistre­ment n’a pas été une partie de rigolade parce que Paul Rodgers avait des problèmes personnels et picolait pas mal... Il arrivait qu’on voie des choses voler par la fenêtre de sa chambre au premier étage... En règle générale, on ne travaillai­t pas le week-end et Mick Ralphs était très bon pour organiser des moments récréatifs. Un soir, nous sommes tous allés déguisés au Café de la Paix, à Auvers-sur-Oise. Certains étaient habillés en fille et ont jammé une bonne partie de la nuit pour les gens du village. Ils ont joué tout ce qui leur passait par la tête, sauf du rock. Un autre soir, le tour-manager a emmené le groupe à Paris dans un minibus Transit jaune. Après avoir passé la nuit dans un club, ils sont rentrés à Hérouville aux premières lueurs du matin et Simon Kirke était tellement saoul qu’une fois le minibus garé, il est allé jusqu’à sa chambre en rampant. Il refusait catégoriqu­ement qu’on l’aide ! L’ambiance durant l’enregistre­ment était plutôt bonne et même si beaucoup de morceaux ont été élaborés directemen­t en studio, il y en a plusieurs qui ont bien vieilli. Il arrivait que Paul soit un peu bloqué sur le plan de l’écriture, mais Mick avait toujours de bonnes idées et il le poussait à donner le meilleur de lui-même. Durant le mixage, je me souviens que le niveau des voix me semblait élevé, alors qu’en réécoutant ailleurs, ça n’était pas le cas. C’est le problème d’avoir mixé dans une cabine que je ne connaissai­s pas. Je pense avoir fait un meilleur boulot lorsque j’ai travaillé avec Alvin Lee (de Ten

Years After) qui était un vrai ami et qui s’y connaissai­t en prise de son. Mais pour le reste, c’était super. On a bien sûr enregistré de l’orage et aussi la cloche de l’église du village, toute proche. Je suis certain qu’elle est quelque part sur l’album, mais où ?”

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De gauche à droite : Boz Burrell, Simon Kirke, Paul Rodgers et Mick Ralphs

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