Aliocha
“Eleven Songs”
PIAS
Venu de Montréal où il a fait ses premières armes, le jeune Aliocha revendique ses influences entre Bob Dylan, Cat Stevens et Neil Young. Mais le premier album de cet auteurcompositeur-interprète doué (dans la foulée d’un EP conçu l’automne dernier à partir des mêmes sessions studio) a le mérite de s’affranchir de ces modèles envahissants pour imposer un ton et un univers très personnels. Pour débuter, “The Start” se présente comme une ballade blues rock qui met en valeur la voix délicate et la mélodie affirmée. Plus vif, “As Good As You” ne se départit pas d’une certaine nonchalance qui s’appuie sur des successions de moments dépouillés, presque acoustiques, et d’envolées instrumentales et vocales. Puis, porté par un mid-tempo lascif, “Sorry Eyes” constitue une ouverture vers un rock psyché plus musclé, avant un retour vers des ballades en apesanteur. Doté d’un timbre particulier et attachant et bénéficiant d’une grande aisance vocale, Aliocha mène une opération de charme sans s’enfermer dans un carcan, piochant entre folk, rock et pop au gré de son inspiration. Il apprécie les climats apaisés, sereins et mélodieux qui peuvent être soulignés par le bref éclat du refrain (“Milky Way”), mais cette douceur constitutive ne verse pas dans la mièvrerie, et il sait s’amuser en chevauchant un rythme de guitare lancinant (“Crystal Plane”). Il n’est pourtant jamais aussi convaincant que lorsqu’un certain lyrisme met en évidence son romantisme séduisant et qu’il retrouve l’impact et la magie mélancoliques des chansons du Sugar Man Rodriguez (“Sarah”, “Mr Garner”) : espérons qu’il ne devra pas attendre comme ce dernier plusieurs décennies pour être reconnu à sa juste valeur.