American Epic
“American Epic”
COLUMBIA/SONY
Cet album est le volet VIP d’un projet plus large, lui-même intitulé “American Epic”, produit par Jack White, T-Bone Burnett et Robert Redford (l’acteur) : trois documentaires sur les quinze premières années du disque rural américain, un long-métrage, un livre luxueux serrant cinq CD de titres d’époque, et ce double album plein de vedettes invitées à chanter de vielles chansons ou des originaux, mais toujours enregistrés dans les conditions des années 20 et 30. Ça tombe bien, l’ingénieur du son Nicholas Bergh a retapé la première machine à gravure électrique, technologie millésimée 1925. Avec, il momifie ces vedettes, trop nombreuses pour être toutes citées (Elton John, Nas, Beck, Stephen Stills, Alabama Shakes, Pokey LaFarge, Willie Nelson...) dans un bain old-time, country, blues suavement frelaté, vieilles ballades sobres et pulpeuses, jazz primitif, gospel à une voix, pamoisons hawaïennes... Le résultat est sidérant, les orchestrations splendides, l’illusion parfaite, tout le monde se surpasse, même Elton, les mentions spéciales pleuvent (surtout Christine Pizzuti qui reprend le “Last Kind Word” de Geeshie Whiley, et en fait un mélo encore plus beau que l’original). Ces styles datent bien sûr d’avant la britpop et le stoner, mais on peut admettre que l’énergie n’est pas la fille obligée du décibel, on peut s’envoyer quelques chansons des années 30 sans devoir passer pour un traditionnaliste obtus, et même trouver une forme de dandysme dans ce plaisir de rosière. Les fleurs refermées n’ont plus besoin des saisons, ne dissipent plus de pollens irritants et gardent secret leur rock’n’roll pour quelques passants curieux.