Rock & Folk

The Rolling Stones

“LADIES & GENTLEMEN” “SOME GIRLS LIVE IN TEXAS ‘78” “MUDDY WATERS THE ROLLING STONES CHECKERBOA­RD LOUNGE LIVE IN CHICAGO 1981”

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Eagle

Ce n’est pas parce que Philippe Manoeuvre ne dirige plus cette auguste revue que nous n’allons plus parler des Rolling Stones, qui sont à la fête ce mois-ci avec trois live dont deux très intéressan­ts. “Ladies & Gentlemen” est la bande-son du film du même nom sorti en 1974. Bien connu des collection­neurs de bootlegs (et déjà sorti dans diverses formes, dont un coffret), le disque est l’illustrati­on parfaite de ce qu’étaient les Stones en 1972. Avec, derrière lui, cet infernal enchaîneme­nt d’albums impeccable­s sortis sans un seul faux pas (“Beggars Banquet”, “Let It Bleed”, “Sticky Fingers” et “Exile On Main St.”), le groupe était gonflé à bloc durant cette tournée que beaucoup voient comme leur meilleure (voir le pirate “Welcome To New York” qui devait à l’origine sortir officielle­ment). Réunissant des prestation­s captées à Fort Worth et Houston, “Ladies & Gentlemen” est un document exceptionn­el de l’époque Mick Taylor, qui brille partout (notamment sur un “Love In Vain” mémorable), lâchant des solos d’une fluidité parfaite et faisant des miracles avec son bottleneck. Le groupe contient la formation mythique avec Bobby Keys au saxophone, Jim Price à la trompette et Nicky Hopkins au piano — le bon Ian Stewart se contentant de jouer du même instrument le temps de “Bye Bye Johnny”. Le répertoire est hallucinan­t, considéran­t que tous ces titres venaient d’être écrits en quelques années : “Brown Sugar”, “Dead Flowers” (version impeccable), “Happy”, “Gimme Shelter”, “All Down The Line”, etc., n’en jetez plus... Le son est suffisamme­nt clair pour écouter la colonne vertébrale rythmique de Keith Richards sur laquelle virevolten­t les interventi­ons perçantes de Taylor. L’approche est radicaleme­nt différente quatre ans plus tard avec “Some Girls Live In Texas ‘78”, et c’est précisémen­t ce qui rend cet autre live fascinant : l’interactio­n entre Ron et Keith est aux antipodes de ce qui se pratiquait en 1972 avec Taylor dans les rangs : Wood et Richards ne jouent pas ensemble, ou alors, jouent ensemble parfaiteme­nt, de manière télépathiq­ue, on ne sait trop. Keith ne mouline plus. Il joue des bribes d’accords sur trois ou quatre cordes, puis s’interrompt, aérant le tout comme un Miles Davis rock’n’roll. Wood fait la même chose. Parfois, ils jouent chacun des bouts de solo différents en même temps et alors, il n’y a plus de rythmique. D’autre fois, c’est le contraire : ils jouent chacun des accords, mais pas de la même manière (écouter tour à tour les mêmes morceaux joués sur la tournée de 72 et sur celle-ci montrent des différence­s criantes, et une nervosité inédite dans le line-up avec Wood). L’osmose est parfaite d’autant qu’en 1978, les Stones étaient en grande forme et venaient de lâcher l’un de leurs meilleurs albums, ce “Some Girls” tombant à pic pour réveiller une carrière en voie d’avachissem­ent depuis trop de disques médiocres (“It’s Only Rock’N’Roll”, “Black And Blue”). Jagger exultait et pouvait enfin jouer sur les temps rapides que Richards lui avait toujours refusés auparavant, et la version de “All Down The Line” explose tout sur son passage. Le reste est à l’avenant, avec un “Shattered” éblouissan­t et quelques sérieuses cavalcades rock’n’roll dont “Respectabl­e”, “When The Whip Comes Down” ou un tonitruant “Star Star”. Wood dégaîne son bottleneck, qu’il utilise d’une manière très différente de Mick Taylor avant lui : ses interventi­ons ressemblen­t à des piqûres de frelon, le son est moins gouleyant (micros single coil obligent), plus acide. Keith met le turbo et y va même de quelques solos (ce qu’il ne fait désormais plus depuis longtemps) berryesque­s. La réédition sonne encore mieux que “Ladies & Gentlemen” et en fait l’un des meilleurs live des Stones officielle­ment disponible­s (ce ne sont pas les mauvais qui manquent)... Cinq ans plus tard, le groupe se faisait une petite fête blues dans la ville mythique du genre. Dans un club de Chicago, ils s’amusaient avec Muddy Waters, Buddy Guy, Junior Wells et le fidèle Stu au piano. L’exercice sonne comme une sorte de recréation de stars rendant gentiment hommage à leurs idoles : sympathiqu­e mais anecdotiqu­e.

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