Rock & Folk

Hellfest 16 AU 18 JUIN, CLISSON

Pour sa douzième année, le festival metal a encore confirmé sa puissance.

- YANN KERNINON PHOTO TITOUAN MASSE

Christine Boutin et Bruno Retailleau ont tort de critiquer le Hellfest. Il s’agit du dernier lieu en France où l’on trouve plus de 100 000 personnes qui croient encore en Satan. Certes cette croyance n’est pas franchemen­t sérieuse et le vrai dieu du Hellfest, c’est le metal ainsi que la déesse bière dont on a distribué cette année sur le site plus de 350 000 litres (record battu). Mais tout de même, le Hellfest est une messe et aussi une grande bouffée d’oxygène pour tous ceux qui aiment le gros son. On reste bouche bée et yeux grands ouverts devant les rituels pseudo chrétiens kitsch et grandiloqu­ents des Allemands de Powerwolf :

“Halllllééé luuuiiiaaa”. On hallucine en voyant les Suédois musclés de Sabaton arriver sur scène avec un tank en contre-plaqué sponsorisé par Yamaha. Au Hellfest, surtout, on se réjouit de la bonne ambiance. Grâce à une organisati­on très solide, un esprit metal qui permet de jouer parfois au méchant et donc d’être, en fait, un vrai gentil, et surtout à des équipes toujours souriantes même à deux heures du matin, en fin de service ou sous un soleil de plomb. Bravo. Dans le registre talentueux comique : Steel Panther ou Ultra Vomit excellent à ne pas se prendre au sérieux et à déclencher la fête. Loran des Bérus et

Les Ramoneurs De Menhirs réactivent le punk de la seule manière possible : en le détournant, ici à grand coups de bombarde et de bagad breton et en transforma­nt la Warzone en fest-noz dégénéré. Baroness offre un concert de metal progressif dont le travail sur le son est intéressan­t. Puis, bien sûr, il y a les têtes d’affiche qui pour la plupart font le job, et même plus.

Rob Zombie éclaire la campagne nantaise de son show vidéo et des riffs du charismati­que John 5. Trust attire la curiosité des foules sans décevoir. Deep Purple semble convaincre un à un chaque sceptique jusqu’à la fascinatio­n. Aerosmith, malgré un lancement de concert sur “Carmina Burana” d’un goût très douteux, tient la foule en haleine pendant près de deux heures. Idem pour Slayer, Ministry, Airbourne ou

Blue Öyster Cult, ces derniers étant hélas programmés sur une scène trop petite.

Linkin Park sauve les meubles en jouant ses classiques et non pas seulement son dernier album electro-pop discutable, comme il avait osé le faire une semaine avant au Download Festival. Nombreux sont ceux qui considèren­t que la grande claque des trois jours est Prophets Of Rage. En moins de trois minutes le supergroup­e (Public Enemy + RATM) captive en effet le public et ne le lâche plus. Tom Morello, avec son air de bon père de famille, réinvente une nouvelle fois la guitare électrique, sans faute de goût. Le lundi venu, dans le TGV Nantes-Paris post-Hellfest, les zombies gothiques tatoués et les punks antisystèm­e protéinés se re-transforme­nt, non sans une certaine mélancolie, en employé de banque, en vendeuse de la FNAC, en cadre d’une société de conseil ou en conducteur de la RATP. Le Hellfest est un carnaval. Comme tout carnaval il exprime la sauvagerie, l’animalité, la barbarie et le grotesque qui ne peuvent évidemment pas avoir leur place dans la

vraie société. Le metal est notre part d’ombre. Merci à la centaine de groupes qui ont fait semblant pendant trois jours qu’il était possible de vivre sans faire semblant. Dans nos oreilles et dans nos têtes, quelques idées noires et le souvenir du très beau concert de

Chelsea Wolfe. Parce qu’en fin de compte, quand on est en enfer, rien n’est plus réjouissan­t qu’un coeur mélancoliq­ue.

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