Dead Cross
“Dead Cross” IPECAC/PIAS
Lorsque Dave Lombardo s’ennuie, après avoir essuyé le split de Philm, son projet expérimental jazz metal, et entre deux tournées avec la reformation des Misfits ou avec les Suicidal Tendencies régénérés, il monte aussitôt un nouveau groupe déjà adulé par les fans, sans qu’ils en aient écouté la moindre triple croche. Sacré meilleur batteur du monde par la communauté metal après avoir circonscrit les limites de la frénésie thrash, Lombardo retrouve ici son compagnon Mike Patton, autre intenable stakhanoviste qui, lorsqu’il achève un chapitre avec Faith No More, enchaîne lui aussi les disques en balayant un spectre impossible. Les deux hommes s’entendaient déjà comme deux autistes dans leur Fantômas : Dead Cross en est quelque part le prolongement, avec les dérangés Michael Crain à la guitare (Retox) et Justin Pearson à la basse (The Locust). Au beau milieu de ces vingt-neuf minutes aussi oppressantes qu’hystériques et sans le moindre temps mort, la seule respiration possible provient d’une reprise reconnaissable du “Bela Lugosi’s Dead” de Bauhaus. Autour, les missives asphyxiantes combinent énergie punk, rythmiques slayeriennes (“Divine Filth”), breaks schizophrènes et étalage de folie créatrice, Patton démultipliant ici tout l’éventail de son organe — entre cris porcins à l’abattoir et cent autres façons de hurler. La chose est produite par Ross Robinson (Slipknot, At The Drive-In, Sepultura, Amen), ravi d’agiter tout ce petit monde jusqu’à “Church Of The Motherfuckers”, apothéose expiatoire. JEAN-CHARLES DESGROUX