Rock & Folk

Ramones

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“LEAVE HOME – 40TH ANNIVERSAR­Y EDITION” Warner

Et hop : six mois après la bombe initiale “Ramones”, les zouaves de Forest Hills envoyaient un deuxième coup de batte avec “Leave Home”, sorti en janvier 1977, réédité aujourd’hui en grande pompe (le coffret contient l’album original remasteris­é, un nouveau mix, le 33 tours ainsi que toutes sortes de raretés, rough mixes, etc.). Inutile de dire qu’à l’époque, les groupes punks anglais n’avaient pas encore publié grand-chose... Le fait est que lorsque le groupe avait signé chez Sire début 1976, il avait déjà dans sa besace une trentaine de morceaux, dont une moitié fut dispatchée sur le premier album et l’autre sur le deuxième. Les intéressés ont prétendu les avoir enregistré­s dans la chronologi­e de leur écriture pour “montrerunc­ertain développem­ent”, bref, une sophistica­tion se développan­t au fil des titres. On ne peut pas dire que “Leave Home” soit du rock progressif, mais tout de même, il montre une certaine évolution par rapport à son prédécesse­ur. D’abord, il sonne nettement mieux : avec Tony Bongiovi et Ed Stasium aux manettes, le disque a nettement plus de volumes et de relief que “Ramones”. Ensuite, pour les compositio­ns, les Ramones dévoilent pour la première fois leur amour pour la pop adolescent­e dramatique, et “What’s Your Game” ou “I Remember You” font baisser la moyenne des tempos avec une efficacité impeccable. “Leave Home” est aéré là où “Ramones” n’était qu’une suite de coups de masse sur la tête. Pour le reste, c’est-à-dire les titres classiquem­ent ramonesque­s, c’est la fête à Neu-Neu et les garçons envoient un paquet de réjouissan­ces amenées à devenir des classiques de leur répertoire. De “Gimme Gimme Shock Treatment” à “Commando” en passant par “Pinhead”, “Suzy Is A Headbanger”, “You’re Gonna Kill That Girl”, “Carbona Not Glue”, “Glad To See You Go” et son passage en hommage aux Shangri-Las, c’est un déluge incessant caractéris­ant parfaiteme­nt l’âge d’or des Ramones qui ne durera encore que le temps de quelques (deux ou trois) albums. Lorsque sort le disque, la situation des Ramones est complexe. Vénéré par la meilleure presse rock, le groupe est adulé à Los Angeles et à Londres où chacun de ses membres passe pour un roi mage. Mais aux Etats-Unis, dès qu’ils quittent New York et la Californie, c’est une autre affaire : les salles sont vides, ils se font siffler et huer par des chevelus réclamant “Freebird”... Les ploucs yankees ne sont clairement pas prêts pour cette dose de speed. Pourtant, les Ramones ne ménagent pas leur peine et tournent sans cesse (d’où le titre de l’album) dans des conditions minables afin de concrétise­r ce succès que leur promet une critique souvent en extase. Mais rien ne marche vraiment, d’autant que les radios refusent de passer ces vignettes pourtant tubesques à leur manière. Enfin, il y a ce problème de perception : même les critiques les plus énamourés ne peuvent s’empêcher de sortir le mot blessant... Les Ramones sont une blague et leur deuxième album est leur deuxième blague. Il faut dire qu’en cette seconde moitié des seventies marquée par les Eagles ou Fleetwood Mac, dès qu’on ne chante pas les camions, l’autoroute, l’Alabama, la campagne ou les “oiseaux libres”, on passe rapidement pour un farceur. Et pour les textes, les Ramones y sont allés fort : “Règle1:leslois germanique­s. Règle 2: sois gentil avec ta maman. Règle 3: tu ne causes pas aux com munisses. Règle 4: mange du salamicash­er.” (“Commando”). En gros, les chansons parlent de Burger King, de haches, de colle à rustine, s’inspirent de “Freaks” et implorent des électrocho­cs. Les paroles de certains titres font six à huit lignes (“I Remember You”, “What’s Your Game”, “Pinhead”). Alors forcément, à l’époque de “Hotel California”, tout cela ne peut qu’être une plaisanter­ie. Pour notre part, c’est une analyse osée qui supposerai­t que Johnny et Dee Dee Ramone avaient un sens de l’humour. Il est plus probable que les garçons aient tout simplement écrit ce qu’ils avaient en tête, et leur tête était farcie de comics, de films d’horreur, et d’images urbaines de New York et ses environs. L’hypothèse de la blague est en fait assez peu crédible et est même une sorte d’insulte à la révolution apportée par le groupe qui consistait, tout simplement, à faire fi de tout ce qui était supposé marcher à l’époque aux Etats-Unis (et même de ce que pratiquaie­nt leurs amis punk comme Patti Smith, Television, etc.). Pas de solos de guitare, pas de roulements de batterie, pas de claviers et des paroles brutes, simples, réalistes décrivant dans toute sa nudité le quotidien d’un adolescent des banlieues en 1976. C’est tout. Négliger cela et faire passer les Ramones pour une bande de clowns, c’est les prendre pour ce qu’ils n’étaient pas.

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