SAM PHILLIPS ELVIS, MEMPHIS & SUN
C’est grâce à cet honnête homme et à son studio d’enregistrement sis au 706 Union Avenue, à Memphis que tout a démarré. Carl Perkins, Johnny Cash, Jerry Lee Lewis et Elvis Presley doivent beaucoup à ce visionnaire sudiste.
Unir les deux peuples dans un seul corps
La dernière fois que Sam Phillips vit le visage d’Elvis, il reposait sur le coussin blanc de son cercueil ouvert. Malgré le choc de voir partir le chanteur à 42 ans, malgré la culpabilité de ne pas avoir pris le temps de frapper à sa porte ces dernières années, Mr Phillips ne pouvait s’empêcher, en lui caressant une dernière fois la joue, de penser que les hommes du Memphis Funeral Home avaient fait du bon boulot. Le Roi voulait avoir toujours l’air impeccable, même dans son sommeil. Le voilà servi pour l’éternité. Contrairement au mythe populaire, ce n’est pas Sam qui avait découvert le King mais Marion Keisker, son assistante et maîtresse, qui trouvait un quelque chose au jeune Elvis. Sam Phillips a fait bien plus : il l’a révélé. Au monde, bien sûr, mais surtout à lui-même. Elvis avait la volonté, Sam lui offrit la confiance en soi nécessaire pour qu’ensemble, ils achèvent la mission que le premier producteur de rock s’était assignée dès son plus jeune âge : faire voler les barrières raciales du vieux Sud américain.
Se faire interner
Les vocations naissent durant l’enfance. Celle de Samuel C Phillips débute comme une scène de “La Chevauchée Fantastique” : le médecin qui doit assister sa naissance est trop ivre pour accompagner sa mère dans le travail. Cette dernière allonge le docteur dans son lit de grossesse pour lui permettre de dégriser. En souvenir, comme deuxième prénom, Sam hérite de celui du médecin : un C pour Cornelius. Les Phillips sont de modestes paysans de Florence, en Alabama, qui louent les terres qu’ils cultivent. C’est de ces champs que s’élève l’unique vibration venant troubler le silence de la campagne : les work songs des ouvriers agricoles noirs qui travaillaient pour son père. Charles Phillips, chef d’une famille dont Sam est le septième enfant, est un homme juste : il traite également les hommes et les femmes, quelle que soit leur couleur de peau. Surtout, il aide son prochain : chez lui vit une belle-soeur sourde avec qui Sam apprend le beau langage des signes, des enfants qui ne sont pas les siens et un ancien métayer noir, Silas, rendu aveugle par la syphilis. Les deux éléments déterminants à notre histoire sont déjà en place : les chants noirs et oncle Silas modèlent le coeur du petit Sam qui ne comprend pas pourquoi les enfants de couleur, avec qui il joue à la ferme, ne peuvent se rendre à l’école à ses côtés. Surtout, Sam Phillips est persuadé que cette musique, celle des descendants d’esclaves, résonne dans tous les coeurs, pas uniquement ceux où coule le sang du continent africain. Puis vient la Grande Dépression qui pousse les Phillips et leurs protégés hors de la campagne, vers la ville où Charles allait se tuer à la tâche en travaillant de nuit sur un embranchement de chemin de fer. Entre-temps, Sam apprend le tambour avec la fanfare