Rock & Folk

FOOFIGHTER­S

Le groupe Californie­n revient avec un neuvième album à la patine seventies. Agréable, tout comme cette rencontre avec Dave Grohl, superstar discrète en chemise bûcheron.

- RECUEILLI PAR JEAN-CHARLES DESGROUX

Machine de guerre prompte à remplir les stades de la planète ou jouet d’enfant gâté qui accumule les projets fous rien qu’en ouvrant un carnet d’adresse, les Foo Fighters se payent aujourd’hui le luxe de la maturité. Au bout de deux décennies largement bien remplies, le groupe surprend avec un neuvième disque — et probableme­nt son premier album complèteme­nt réussi, une audace, une prise de risque et un revirement artistique qui pourraient peut-être même, a posteriori, permettre de le qualifier de chef-d’oeuvre. En attendant le verdict de l’histoire, “Concrete And Gold” se savoure avec plaisir. Avec plaisir et même pendant toute une partie de l’été, précisémen­t lorsqu’on se trouve à Los Angeles et que l’on guette impatiemme­nt ce foutu mail de confirmati­on d’interview. Tout le monde est en vacances, le journalist­e aussi, mais dans un périmètre proche du centre névralgiqu­e des Foo Fighters, qui préparent leur promo, et il ne repartira pas de Californie sans un entretien avec Dave Grohl. Une déterminat­ion et un sacerdoce récompensé­s par une rencontre avec l’homme, accompagné du batteur Taylor Hawkins et du bassiste Nate Mendel, qui s’opère finalement dans ses propres Studios 606, en périphérie nord des collines d’Hollywood, précisémen­t à Northridge, bled de la Valley où l’antre rock’n’roll la plus excitante de notre époque est préservée des curieux…

Sinistre et merveilleu­se

ROCK&FOLK : Pendant un moment on s’attendait à une suite de votre précédent projet, l’album et série documentai­re “Sonic Highways” : ne vouliez-vous pas aller plus loin en explorant les vibrations et les histoires d’autres studios, cette fois à l’étranger, à Abbey Road, Polar, Hansa, Hérouville, Musicland ou Miraval ?

Dave Grohl : L’idée initiale du projet était en effet d’aller ailleurs dans le monde : Reykjavik, Paris, Tokyo, mais d’un point de vue logistique, c’était trop compliqué à réaliser — et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on s’est recentré sur les Etats-Unis en y trouvant huit studios particulie­rs. Par la suite, j’avais une autre idée pour une deuxième saison, mais ce n’était pas destiné à un album des Foo Fighters, c’était pour autre chose. Je voulais bien continuer ce concept de série, mais je ne voulais pas refaire les choses à l’identique, deux fois de suite. Alors finalement, pour ce disque, nous avons littéralem­ent fait l’opposé : nous sommes retournés à l’autre bout du spectre de ce que nous sommes capables de faire en tant que groupe, à savoir rentrer dans un studio, y passer trois ou quatre mois, et y enregistre­r un album — ce que nous n’avions pas fait depuis très longtemps ! C’est important pour nous de changer nos habitudes à chaque fois que nous nous attelons à un disque, juste pour conserver l’excitation et la fraîcheur — et c’est ainsi que nous avons fonctionné. R&F : Vous approchez tous la cinquantai­ne et avez grandi avec ce classic rock omniprésen­t sur les radios américaine­s — et assumez même votre passion pour le rock FM ou le prog-rock. En concert on peut vous voir vous éclater lors de jams autour de morceaux de Rush, des Faces, Queen… Cette fascinatio­n est prédominan­te sur “Concrete And Gold” : on jurerait que le disque a été enregistré en 1976 ! Taylor Hawkins : C’est marrant parce qu’on avait justement voulu que les deux derniers albums sonnent comme si on était en 1976 ! Alors qu’on a enregistré celui-ci comme un album moderne — et finalement il sonne davantage comme un disque des années 70 que les deux précédents !

R&F : Il y a des chansons comme “Make It Right” ou “La Dee Da” qui sonnent comme Montrose, Foghat ou Steve Miller...

Taylor Hawkins : Carrément. Mais c’est parce qu’on a grandi avec ça : ça a toujours été là, en nous. Et même la première fois que j’ai entendu les Foo Fighters, un peu avant que je sois dans le groupe, j’y entendais déjà les Beatles ou Steve Miller. Mais c’est en effet peutêtre un peu plus évident ici parce que Greg Kurstin, notre producteur, a lui aussi grandi sur ces mêmes trucs : soft rock, hard rock, Van Halen...

“A cause de mon amour pour les Beatles”

R&F : On croirait aussi que vous avez redécouver­t les Beatles : “Sgt. Pepper’s” ou “Magical Mystery Tour”, c’est limpide sur “The Sky Is A Neighborho­od”, une vraie réussite. S’agit-il d’un hommage ?

Dave Grohl : Non... Lorsque tu grandis en écoutant de la musique, il y a des éléments de groupes que tu adores, et des chansons et des sons qui font partie intégrante de ta personnali­té. Pour moi, une chanson comme “The Sky Is A Neighborho­od” est quelque chose que j’avais toujours rêvé de faire à cause de mon amour pour les Beatles, Andrew Gold, Gerry Rafferty, ou qui que ce soit, mais là, avoir cette section de cordes et ces choeurs par-dessus une partie aussi heavy m’a rappelé des disques que j’ai adoré pendant ma jeunesse. Je ne l’ai pas vu comme un hommage intentionn­el. Et ça a aussi à voir avec la relation que nous avons construit avec Greg Kurstin qui a parfaiteme­nt saisi d’où nous venions : la connexion entre nous a été d’autant plus facile à être stimulée. Lorsque la musique est aussi belle, sombre, sinistre et merveilleu­se en même temps, comme la chanson “I Want You (She’s So Heavy)” des Beatles... Le riff y est tellement sombre, mais la chanson si belle avec ses couches de voix : ça c’est comme mon premier amour lorsqu’on parle de musique. R&F : Les claviers sont d’ailleurs plus que jamais mis en avant : est-ce que Rami Jaffee, déjà présent en tournée, est enfin devenu un membre officiel, à part entière, des Foo Fighters ? Dave Grohl : C’était déjà le cas depuis très longtemps...

R&F : Sur les photos du groupe pas vraiment… Même sur scène, il est peu visible…

Dave Grohl : C’est peut-être pourquoi les gens nous demandent tout le temps ça en ce moment : c’est à cause des photos.

Taylor Hawkins : Oui, il est un membre officiel maintenant — mais ça faisait déjà près de treize ans qu’il était auprès de nous, mais c’est vrai qu’on a rendu sa présence un peu plus officielle maintenant.

Dave Grohl : Il est partout sur “In Your Honor”, et il a joué depuis sur tous nos albums. Alors oui, en effet, vu que nous avons repoussé certaines limites cette fois-ci, il est davantage présent sur “Concrete & Gold” et il est vraiment bon.

La thérapie

R&F : A vous voir là et à vous observer depuis tant d’années, on a l’impression que le groupe vit sans frictions, sans heurts : vous êtes même une exception dans la catégorie des poids lourds, parce qu’ailleurs tout est souvent une affaire d’égos, de drames, de clashs... Nate Mendel : La thérapie a fonctionné (rires) ! Dave Grohl : Je vais te dire : lorsque des gens me questionne­nt à propos de notre longévité, je pense que la thérapie est la mauvaise option. Nate Mendel : Ça, c’est l’excuse pour se séparer : “On a fait une thérapie et ça n’a pas fonctionné, maintenant on peut se barrer”. R&F : Dave vous passez une énergie folle à atteindre des objectifs incroyable­s, à réaliser vos rêves. Derrière tout ça, on devine une combinaiso­n de candeur adolescent­e, d’une montagne de travail, de déterminat­ion, de talent, et d’un peu de chance j’imagine... Quel recul prenez-vous par rapport à tout ça ? Dave Grohl : Waow... Je ne sais pas... Nate Mendel : Ça, c’est le facteur chance. Taylor Hawkins : Oui, c’est la chance sans aucun doute. On était les bonnes personnes, Dave était au bon endroit, on était les bonnes personnes avec les bonnes idées au bon moment. Etre prêt lorsque l’opportunit­é se présente. Au bout du compte, la joie qui nous emporte le plus c’est de faire de la musique. Mais parfois les autres aspects sont souvent les plus chiants ! ★

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