Collectif d’extrême-gauche
Rééditions, nouveautés et 45 tours : le point sur les meilleures galettes microsillon du moment.
Rééditions Roxy Music
“Roxy Music”, “For Your Pleasure”, “Stranded”, “Country Life”, “Siren”, “Manifesto”, “Flesh And Blood”, “Avalon” Virgin Cet été, la discographie complète de Roxy Music a fait son retour dans les bacs à vinyle. Une aubaine pour les amateurs de glam rock déviant, qui malheureusement laisse un goût amer : les disques qui circulent sont identiques à ceux du coffret intégral publié en 2015 (qui regroupait les huit albums du groupe en vinyle), qui s’était fait remarquer pour de mauvaises raisons. Des souspochettes épaisses qui abîment la surface des disques et des visuels bouchés (on peine à distinguer la panthère tenue en laisse par Amanda Lear sur la pochette de “For Your Pleasure”), les pochettes ne sont pas idéalement reproduites. Heureusement, les disques, masterisés à demi-vitesse à Abbey Road pour satisfaire les audiophiles, sonnent formidablement bien, c’est déjà ça...
Brian Eno
“Here Come The Warm Jets”, “Taking Tiger Mountain (By Strategy)”, “Another Green World”, “Before And After Science” UMC/ Virgin A l’inverse de ses ex-comparses de Roxy Music, Brian Eno est un véritable controlfreak lorsqu’il s’agit de remettre au goût du jour ses oeuvres personnelles. Pour les quatre albums les plus rock de son répertoire, le musicien a supervisé le processus de Aà Z, mettant un accent particulier au rendu sonore. La pochette nous indique fièrement que les disques ont été masterisés à demivitesse (par le même artisan qui s’est occupé des Roxy Music) et pressés sur disques tournant à 45 tours/ minute pour un rendu sonore optimal. Il en résulte que chaque album réédité est devenu double, ce qui est formidable pour la qualité du son, mais contraignant pour l’auditeur. Le résultat en vaut pourtant la peine, d’autant que les imprimés sont ici superbes et les disques absolument indispensables.
Arlo Guthrie “Alice’s Restaurant”
Rhino Pour célébrer les 50 ans du fantasmagorique SummerOfLove — l’été hédoniste de la très psychédélique année 1967 — Rhino propose plusieurs compilations thématiques (dont l’excellente revue d’effectifs californienne “Transparent Days : West Coast Nuggets”) ainsi que quelques rééditions de qualité (le premier album des Electric Prunes, “Insight Out” de The Association). Parmi elles, la plus notable est sans doute celle du premier album d’Arlo Guthrie, fils du folksinger Woody Guthrie et héros de Woodstock. “Alice’s Restaurant”, connu et apprécié pour son hilarant morceautitre (une anecdote antimilitariste qu’il narre sur un rythme de ragtime durant les 18 minutes de la face A) revient en mono pour notre bonheur.
Elvis Presley “A Boy From Tupelo : The Sun Masters”
RCA/ Sony L’autre anniversaire du moment, c’est aussi celui des 40 ans de la disparition
d’Elvis Presley, célébré par un flot de rééditions plus ou moins opportunistes. Le seul véritable disque indispensable publié cet été est indiscutablement ce “A Boy From Tupelo”, qui réussit la performance de réunir pour la première fois en vinyle l’intégralité des morceaux publiés par Elvis chez Sun Records entre 1953 et 1955. Soit 17 morceaux immortels remasterisés (de “That’s All Right” à “Mystery Train”, en passant par “Blue Moon Of Kentucky”).
FJ McMahon “Spirit Of The Golden Juice”
Kemado Attention disque culte : le premier et (évidemment) unique album de FJ McMahon est disponible pour la première fois en vinyle depuis sa sortie originale en 1969, où il n’avait rencontré absolument aucun succès. Pas étonnant pour un disque de folk hanté par la guerre du Vietnam — à laquelle son auteur avait participé — empli de chansons tragiques (“The Road Back Home” qui évoque le retour difficile du soldat, “Black Night Woman” qui évoque le suicide de la femme d’un GI). On pense à Sixto Rodriguez, Fred Neil et tous ces poètes folk à la plume mélancolique. Voici un disque qui n’a pas volé sa réputation de chef-d’oeuvre.
Jerry Lee Lewis “In The Beginning”
Bear Family En 2015, le label Bear Family s’était lancé dans une entreprise pharaonique en rééditant l’intégralité des enregistrements de Jerry Lee Lewis effectués entre 1956 et 1963 chez Sun Records (“Jerry Lee Lewis At Sun Records — The Collected Works”). Soit 623 morceaux réunis en 18 CD. Une folie qui a permis aux furieux de chez Bear Family de se familiariser comme personne avec le catalogue Sun du Killer et d’en extraire les plus belles pépites. “In The Beginning” rassemble ainsi les versions alternatives les plus étonnantes des standards du pianiste (à l’image de la troisième prise de “It’ll Be Me”, où le morceau est méconnaissable) et devrait réjouir les fans qui n’ont pas le temps, l’argent ou la folie d’investir dans le coffret.
Les Rallizes Dénudés “Live 77 Tachikawa”
Mono-tone De tous les groupes psychédéliques japonais, Les Rallizes Dénudés est indiscutablement le plus mystérieux et impénétrable. Formé autour d’un collectif d’extrême-gauche au milieu des années 60, le groupe est réputé pour ses expérimentations avant-gardistes autour du feedback et pour son refus absolu d’enregistrer en studio. Il en résulte une discographie étrange, faite d’innombrables pirates enregistrés par des spectateurs reconvertis archivistes. Le plus emblématique d’entre eux est ce concert enregistré en 1977 à Tachikawa qui montre le groupe dans toute sa splendeur psychédélique, oscillant entre rythmes hypnotiques (“Night Of The Assassins”) et déluge de guitares saturées jusqu’à l’extrême.
Nouveautés The Purple Lords “Concrete Lust”
The Purple Lords Depuis le temps qu’ils arpentent la scène garage lyonnaise, il était grand temps que les Purple Lords publient un album sur support vinyle (après plusieurs CD autoproduits qu’on recommande). Dynamique quatuor rock’n’roll malheureusement trop rare sur scène, le groupe propose ici six morceaux élégants qui puisent autant dans le garage sixties (“Freezin’ Tongue”) que la power pop de Reigning Sound (“Blowing Up”) et qui témoignent que le groupe n’a rien perdu de sa fougue.
45 tours Big Mountain County/ Lame “Fun Fun Boogie”
Annibale Ils ont fait sensation à Binic avec leur concert débraillé et leur rock psychédélique nonchalant. Les italiens Big Moutain County ont sorti en début d’année un split avec leurs compatriotes de Lame qui vient enfin d’arriver dans nos contrées. Le morceau “Fun Fun Boogie” est un exemple irrésistible de la classe de ce groupe plein de promesses, et pour qui tout semble facile.
The Doors “Light My Fire”
Elektra/ Rhino De toutes les rééditions de disques ayant trait à l’année 1967, c’est sans doute la plus intrigante : pour fêter les 50 ans de la publication de cet hymne classicrock, Elektra propose une réédition de la version japonaise du single “Light My Fire” (avec “Crystal Ship” en face B). Le tout en mono, en version radio (courte) et sous une pochette joyeusement kitsch. C’est amusant, certes, mais un peu vain, et on s’interroge : ce genre de disque exotique est-il l’avenir des rééditions vinyles ?