Rock & Folk

Ceux que Bono agace

- PAR JEROME SOLIGNY

U2 “THE JOSHUA TREE” Eagle Vision

“On nous a proposé de participer à la tournée Conspiracy Of Hope, au profit d’ Amnesty Internatio­nal, alors que nous étions sur le point d’ entrer à nouveau en studio avec Brian Eno et Daniel L an ois. On avait promis, il était hors de question de se défiler. On est donc partis sur la route avec Lou Reed, Peter Gab riel, les Ne ville Brothers et Sting. Lorsqu’ on s’ est finalement retrouvés en studio à Dublin, on débordait d’ énergie. Le périple américain avait été riche en expérience­s et Bo no avait ensuite passé un peu de temps en Amérique du Sud, au Nicaragua et au Salvador. Sur ‘The Joshua Tree’ ,nous vou lions mettre en avant le contraste entre les deux Amérique et ça a déclenché quelquecho­se chez Bo no en tant qu’ auteur. Ses texte sont pris de l’ ampleur comme e nattes tent ‘Where The Streets Have No Na me’ ou‘ Bull et The Blue Sky ’. Personnell­ement, j’ ai pu élaborer ce que j’ appelle aujourd’ hui de la guitare ambient. O na également constaté, avec ‘WithOrWith out Y ou’ ou‘ Where The Streets Have No Name’, qu’ on était capables d’ avoir un succès planétaire en développan­t un style initié par S te ve Lillywhite .” A in sis’ exprimait The Edge, à propos du cinquième album (et objet de ce documentai­re) de U2, au micro de Rock&Folk en 2000. Cette année-là, la parution de “All That You Can’t Leave Behind” avait donné lieu à un Discorama au cours duquel Bono et son guitariste, pour ne citer que les fers de lance, s’étaient épanchés sans compter. C’était il y a dix-sept ans et ça ne s’est pas reproduit depuis. Actuelleme­nt, la gigabig formation est sur la route pour commémorer les trente ans du disque en question. On n’imagine pas un seul instant que les motivation­s d’une telle entreprise ne soient pas d’abord commercial­es (tout augmente, même les impôts locaux dans le sud de la France), mais à en croire les musiciens, cette tournée a également été enclenchée parce que les thèmes abordés dans les chansons, il y a trois décennies, n’ont pas pris une ridule. Certains textes avaient été écrits pour dénoncer les conflits guerriers de l’époque et d’autres en réaction à la politique brutale menée par des dirigeants occidentau­x. De Reagan à Trump, de Thatcher à May, il y a moins de pas qu’on le croit... Déplorant, certaineme­nt, que ses paroles soient restées à ce point d’actualité, U2 a laissé Universal publier de belles rééditions de l’album (coffret CD ou vinyle — à noter que le disque avait déjà été réédité il y a dix ans) et, dans la série Classic Albums qui a amplement contribué à la réputation de cette compagnie (désormais distribuée par Universal), Eagle ressort son DVD de 1999, sans améliorati­on ou bonus. Qu’on soit fan de U2 (un truc pas très avouable dans le milieu de la critique rock) ou pas, ce décorticag­e chanson par chanson (les séquences en studio sont les plus édifiantes) vaut le coup d’oeil. D’abord parce que Brian Eno (généraleme­nt adulé par ceux qui détestent U2...), pas le plus causant des collaborat­eurs, et aussi Daniel Lanois et Steve Lillywhite s’y expriment de manière pertinente à propos de leur travail de producteur, et aussi parce que c’est toujours un plaisir que d’écouter Elvis Costello parler. Quant à ceux que Bono agace, ils en auront aussi pour leur argent.

Paul Simon “THE CONCERT IN HYDE PARK” Sony Music

Filmé par Matthew Amos à Londres en 2012 dans le cadre du festival Hard Rock Calling (!), ce concert marathon — commercial­isé en digipak 2 CD + Blu-ray ou 2 CD + DVD — a l’allure d’un best of live, mais est bien plus que ça. D’abord, parce que les musiciens rassemblés sur cette scène étaient extraordin­aires et aussi parce que Paul Simon en a invité certains qui ont joué sur le très métissé “Graceland”, un des premiers albums à avoir combiné en 1989, avec tact et élégance, la pop et la world music. Ils ont eu beau passer malheureus­ement inaperçus dans notre formidable pays, les deux derniers albums studio de Simon étaient de pures merveilles, comme le rappelle “Dazzling Blue”, en troisième position de la set-list, qui illuminait son “So Beautiful Or So What” de 2011. Considéran­t qu’une fête n’est réussie qu’avec de vrais amis, Paul Simon a aussi eu le bon goût d’inviter Jimmy Cliff à ce concert, et il se fend de trois titres : deux tubes (absents du CD) qu’on ne présente plus et “Vietnam”, la chanson qui lie les deux hommes. Parce que Simon aime transforme­r les circonstan­ces en prétextes, il puise ici dans toutes les racines de la musique américaine qui ont enrichi son art et revisite, au cours d’un medley festif, ce “Mystery Train” (de Junior Parker) dont la version d’Elvis Presley est certaineme­nt la plus connue. “The Boxer” est un des deux seuls emprunts de Simon au catalogue commun avec Art Garfunkel, et l’autre, livré guitare-voix, résonne mieux que jamais en 2017. Sous prétexte que certaines vérités ne sont pas bonnes à dire, d’aucuns préfèrent le “sondu silence”. Qu’importe, il est au bout du compte bien plus assourdiss­ant.

Alice Cooper “WELCOME TO MY NIGHTMARE” Eagle Vision

Attention, il arrive ! Pas au moment où on s’y attend le moins, mais pas loin. Alice Cooper sera en France en décembre pour trois concerts dont “Paranormal”, son dernier album paru cet été, annonçait les deux couleurs dominantes : rouge et noir. Pour l’heure, Eagle réédite le fameux film de concert “Welcome To My Nightmare”. Capté en 1975 à Wembley (Londres) lors de la tournée qui a suivi la parution de son premier album solo. Il montre le Coop tenant le rôle principal d’un véritable show théâtral scénarisé par Alan Rudolph et réalisé (et chorégraph­ié) par David Winters (touche-à-tout génial qui a fait danser Presley dans plusieurs films et dirigé le cultissime “Thrashin’ ” en 1986), un genre de comédie musicale horrifique. Exploitée au cinéma l’année suivante, elle a moyennemen­t marché mais a cartonné lors de ses parutions en VHS puis DVD. Les chansons, proposées dans un ordre différent de celui des concerts, proviennen­t principale­ment de l’album du même nom et quelques tubes du Alice Cooper Group (“I’m Eighteen”, “Billion Dollar Babies”, “School’s Out”) sont astucieuse­ment disséminés dans la playlist. Le film n’a pas été remasteris­é depuis le début des années 2000 et révèle ses faiblesses sur grand écran mais reste le parfait exemple du rockshow théâtral. En 1974, David Bowie avait montré la voie, une partie de l’année, avec son Diamond Dogs Tour, mais aucun film de ce spectacle dans sa continuité — on en aperçoit des bribes dans “Cracked Actor” d’Alan Yentob — n’est à ce jour paru. Pas rat, Eagle y va d’un chouette bonus : “Alice Cooper, The Nightmare”, un show télévisé d’une heure diffusé sur ABC en 1975 (avec Vincent Price dans le rôle du faire-valoir) qui, pour le coup, n’avait jamais été officielle­ment commercial­isé en DVD.

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