Roxy Music
“ROXY MUSIC : 45TH ANNIVERSARY DELUXE EDITION”
Universal On aurait tant aimé être là en juin 1972 lorsqu’est sorti cet album, pour comprendre le choc, qu’on ne peut qu’imaginer (hélas, on jouait encore aux Action Joe cette année-là)... Quarante-cinq ans et des poussières plus tard, en l’écoutant fort comme il se doit, le premier album de Roxy Music sonne toujours comme un ovni, surtout au regard de ce qui se pratiquait à l’époque. David Bowie sortait “The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars”, les Stones “Exile...”, T Rex “The Slider”, Led Zeppelin avait sorti un an plus tôt “Led Zeppelin IV” et les Stooges sortiraient un peu plus tard “Raw Power”. Tous ces gens avaient certes leur particularité, mais aussi un point commun : ils faisaient du rock somme toute classique, traditionnel. Tout cela a volé en éclats avec le premier Roxy. Durant une interview, Bryan Ferry nous avait dit à quel point il n’avait jamais compris pourquoi son groupe avait été associé à l’éphémère mode glam rock. Roxy n’avait rien en commun avec les albums de Bowie, de T Rex, sans parler des autres (Slade, Sweet, Gary Glitter etc.). Eux faisaient partie de ce qu’ils nommaient, à l’époque, l’art rock. Mais glamour, de fait, et quoiqu’il en dise, ils l’étaient. Plumes, froufrous, costumes néorétro, mannequins à volonté plus ou moins habillées sur les pochettes de leurs disques, et dès leur premier, oui, Roxy était glamour, à défaut d’être glam rock. D’un point de vue strictement sonore, “Roxy Music” était totalement nouveau. Le chanteur bellâtre et sans coffre chevrotait comme un vieil homme, le saxophone évitait soigneusement tous les clichés de l’instrument appliqué au rock, le guitariste était exceptionnellement discret en cette époque où les solos tombaient comme la mousson, et puis, il y avait ces bruits bizarres. Les fameux traitements d’Eno, occupé à mâter ses synthétiseurs préhistoriques (“2 HB”). Eno étant Eno, il en faisait un autre emploi que ses nombreux collègues du rock progressif ou planant qui sortaient à chaque fois les grandes orgues en grande pompe. Eno était minimaliste, discret, peintre, décorateur. Enfin, il y a les compositions, qui ne ressemblent à rien : c’est comme si le groupe n’avait été influencé par personne. “Roxy Music” changea donc la face du rock : même Bowie fut très impressionné et un peu jaloux (il saura plus tard utiliser les talents du claviériste pour en tirer des choses inouïes), et les futurs punks anglais, encore jeunots, n’en crurent pas leurs oreilles. De Steve Jones à Siouxsie Sioux en passant par Billy Idol, ils furent tous extrêmement marqués par les deux premiers Roxy. Le deuxième, d’ailleurs, est encore meilleur que celui-ci, espérons qu’il aura le même traitement que le premier. Car pour cette édition anniversaire (qui inclut le monstrueux single “Virginia Plain”, introuvable sur l’édition anglaise originale, c’est une bonne idée), on n’a pas lésiné : trois CD et un DVD empilent