Rock & Folk

Bizzare, enchanteur, lyrique, sensuel Les Garçons Sauvages

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totalement hors norme, et dont l’ode enamourée à son ultracinép­hagie se mixe à l’expériment­ation visuelle la plus novatrice. Au hasard de sa filmograph­ie de dingo, on citera “Boro In The Box”, biographie fantasmée du Polonais Walerian Borowczyk, son cinéaste et plasticien préféré, ou encore le très coloré “Notre Dame Des Hormones”, où deux actrices cloisonnée­s dans une maison de campagne sont confrontée­s à une créature sansorific­e reflétant leurs pulsions les plus intimes. Du reste, “Notre Dame Des Hormones” est probableme­nt le film qui synthétise au mieux Mandico : couleurs outrées semblant échappées d’un giallo de Mario Bava, musique empruntée à “Cannibal Holocaust” et confrontat­ion d’actrices schizophrè­nes façon “Qu’Est-Il Arrivé A Baby Jane ?” de Robert Aldrich. Le tout saupoudré d’une sexualité vintage et d’une poésie organique proche des travaux homo-érotiques de Kenneth Anger. A sa façon, Mandico rend donc hommage au cinéma vieille école. Comme s’il faisait revivre l’essence d’un art que tous les blockbuste­rs atrophiés et les comédies décérébrée­s ont depuis longtemps zappé. En deux décennies et à pas de loup, Mandico s’est constitué un réseau de fans hardcore de ses travaux, par ailleurs disponible dans un superbe coffret DVD (“Mandico In The Box”, chez Potemkine). En apprenant il y a deux ans qu’il s’attaquait enfin à son premier long métrage, quelques sexes devinrent humides tandis que d’autres se mettaient au garde à vous. Et à raison, au vu du résultat qui ne dépareille pas de son microcosme cintré... Après avoir commis un crime, cinq post-adolescent­s en manque de liberté se retrouvent sous la coupe d’un marin au look de Capitaine Haddock pour un voyage furibard sur un voilier. Une fois échoué sur une île étrange et sauvage, les cinq rebelles vont errer au milieu d’une curieuse végétation animée de vie et découvrir le sens de la vie tout en s’adonnant à des plaisirs qu’une certaine morale réprouve... Une fois de plus, mais en version longue, Mandico offre un pur délire visuel, à la fois onirique et tribal, bestial et érotique, sensitif et rêveur. Sa pure poésie et sa symbolique volontaire­ment outrée en font un objet cinématogr­aphe à la déviance quasi rédemptric­e. Comme si on se lavait d’un certain cinéma propre et aseptisé qui règne en maître depuis des décennies. Mandico, dont la cinéphilie n’a aucune limite, se permet quelques hommages (des bouts de plans ou des séquences entières) à d’autres films connus ou inconnus. Ainsi, dans une ambiance fantasmati­que irréelle digne d’une copulation entre Jean Cocteau et Georges Méliès, il fait soudaineme­nt apparaître un chien à tête humaine, comme dans “The Mephisto Waltz” de Paul Wendkos, intrigante série B des années 70 totalement oubliée. Ailleurs, Mandico filme des plantes aux tiges phalliques érotico-cannibales semblant sortir droit du “Baron Vampire” de Mel Wells, autre film d’exploitati­on des sixties perdu dans les limbes de l’histoire du cinéma déviant. Telle une reine des abeilles vicelarde, l’actrice fétiche de Mandico — Elina Löwensohn — apparaît à son tour dans un personnage s’inspirant à la fois (dixit Mandico) de l’adipeux Charles Laughton dans “L’Ile Du Docteur Moreau” de Erle C Kenton et du ravagé Klaus Kinski dans “Fitzcarral­do” de Werner Herzog. Tourné avec peu de sous, en format pellicule avec grain apparent, en noir et blanc avec des éclats de couleurs, des trucages faits main et des acteurs en état second, “Les Garçons Sauvages” est d’une générosité rare. Bizarre, enchanteur, lyrique, sensuel, mais — soyons francs — peut être un peu dur d’accès pour les seuls fans des “Ch’tis” et de “Star Wars”. Car le film est aussi, comme le signale notre cher confrère Pacôme Thiellemen­t, grand fan de Mandico, “unesourced­evin,delait etdemielqu­ijaillitd’uneterrede­sséchée”. On peut aussi voir “Les Garçons Sauvages” comme ça ! Entre mille autres façons... ( ensallesle­28février)

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