Re-mecs / re-modèles
L’époque est morose. Partout, les consultants et les spécialistes, ces nouveaux oracles, le constatent, l’analysent et le commentent. Ad nauseam. Réchauffement climatique. Trump. Manque de liberté. Poutine. Ségrégation. Crue. Neige. Volkgwagen qui teste ses produits sur des singes. Rumeurs. Lait empoisonné. Fillon qui aime l’argent. Quoi ? Viol. Un type étrangle sa femme par accident. Chômage qui ne recule pas. Weinstein. Harcèlement. Violence. Menace nucléaire. Hulot. Théorie du complot. Du sucre dans le sel. Kim Jong Un. Précarité. Migrants. Un milliard d’ailes de poulet consommé le soir du Super Bowl. Les émeutes Nutella... Et du coup, irrémédiablement c’est la cold, voire la dark wave, voire l’indus qui redébarquent. C’est pourquoi, on propose ici de rallumer les stroboscopes avec Roxy Music, dont on réédite le premier album. 45 ans après. Bizarre anniversaire... Pourquoi pas les demis et la petite souris tant qu’on y est. Même si la dernière collection Homme Gucci propose combinaisons glitter, chaussures à talons silver et socquettes à brocards, disons-le, personne ne s’habille plus trop comme ça. Ni dans la vraie vie, ni dans le rock. Nous parlons ici de sophistication, de travestissement. De plumes et de paillettes. Mecs et modèles en imprimés zèbre ou panthère. On n’est pas chez les Tuche. Mais on ne parle pas pour autant d’ambiguïté sexuelle. Roxy Music, dans cette démarche artistique glamour — que Bryan Ferry abandonnera très vite pour entamer une carrière de crooner en tuxedo blanc et piquer Jerry Hall à Mick Jagger — prône, dans ces années 70 naissantes, rien moins que l’émancipation de l’homme vis-a-vis de sa culture, son milieu et son daron en imper qui apprécie toujours autant Raymond Marcelin. L’homme travesti mais barbu. Bon Scott, Kurt Cobain, Evan Dando le feront. Dans la tradition somme toute de “Certains L’Aiment Chaud”. Et, à y bien regarder, Bryan Ferry est plus flippant en chemise militaire, portant la moustache et les yeux faits. Roxy Music, donc. Proche et distant. Dont on aime ne pas tout aimer mais qui attire fatalement vers ces pistes de danse qui n’existent plus tellement, rejoindre des filles en robe imprimées Leonard ou Pucci. Revivre cette première fois et continuer de penser que la musique pop sera pour toujours cette dérobade, cet éxutoire salvateur qui fait vieillir moins vite que l’accordéon et le rock festif. Et de garder au milieu d’un visage abîmé l’impertinence du regard, la candeur intacte. Et le portrait qui vieillit dans le grenier. Mark E Smith incarnait cela. L’époque, tu l’aimes ou tu la quittes, en quelque sorte. Enfin, parmi de nombreux autres, Paul Bocuse est mort. Il mange désormais les pissenlits (qu’il cuisinait sans doute divinement) par la racine. Célèbre pour sa soupe VGE, on a entendu ça : “La gastronomie a perdu son Johnny Hallyday”. Encore une fois, le rock est partout ! Même dans les assiettes à potage des trois étoiles Michelin…