Rock & Folk

Bizarrerie

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Même les Troggs

Aujourd’hui j’ai acheté Rock&Folk : en couverture, un groupe français. Limiñanas, je ne connais pas. Tiens un nouveau groupe français ? A l’intérieur de Rock&Folk, une critique plus que flatteuse des Limiñanas, enfin un groupe qui va pouvoir se frotter aux mastodonte­s anglais. Je vais sur YouTube et j’écoute : une musique sucrée, très parisienne. Et là je me suis dit : Bon, eh bien ce n’est pas encore cette fois qu’un groupe français rivalisera avec les Kinks, les Who, les Stones ou même... les Troggs. Par contre quelques pages plus loin il y avait une page sur Starcrawle­r : j’écoute, méfiant : et là c’est tout bon ! Original et plein de pêche. Ça fait plaisir ! Je me suis dit que Rock&Folk n’avait pas perdu la main pour trouver des bons groupes ! JEAN-LUC CARTERON Réponse : Les Limiñanas sont tout de même très perpignana­is pour un groupe parisianis­te.

Plus de héros

Tout de même, une carrière si longue, tout un éventail de singles et 33 tours phénoménau­x, toute la classe et la muflerie indispensa­bles, le dégoût de Jagger et de Townshend, les provocatio­ns, les batailles, l’humour noir... et toujours l’exploratio­n en musique de territoire­s nouveaux. Comme tout finit toujours par arriver, voilà que même Rock&Folk décide de mettre les Stranglers en couverture... et puis Johnny est mort... Amicalemen­t et sans rancune. ERIC FRAPPINI Réponse : Noir c’est noir... Nous sommes également fort marris de ce regrettabl­e chamboulem­ent.

On n’arrête pas le prog rock

Etonnant, l’agressivit­é de vos chroniqueu­rs sur ce qu’on appelait le prog. D’abord c’est Ungemuth qui s’occupe de Yes avec un papier unilatéral sur l’inanité d’un groupe qui en quarante ans d’activité n’a aucune seconde de bonne musique à faire valoir. Et ce mois-ci, voilà Sabatier qui dégomme. S’il préfère le Genesis calibré avec la voix métallique de Collins à celui de Gabriel, il peut. Mais il m’arrive de réécouter les premiers Genesis que j’estime supérieurs au groupe FM qui a suivi. En ce qui concerne le CD de Tony Banks, je l’ai acheté et il doit toujours se trouver sur une étagère juste après Rutherford. Dans mon souvenir, il n’était pas mauvais, mais il ronronnait et n’avait rien de majeur. Mais ce n’est que mon avis. Salut à toute l’équipe vous faites du bon boulot, il faudrait un Best pour vous taquiner. YVES DUMAS

Syd le fataliste

Ty Segall, King Gizzard, John Dwyer. On se réchauffe au feu des étincelles produites par cette exploratio­n de l’instinct humain, tant il est vrai que perçu depuis notre époque, excessivem­ent consciente, l’effet est renversant. Cette époque ayant troqué quant à elle son propre instinct contre... contre quoi ? Une connexion Internet, manifestem­ent. A l’heure où l’entertaine­ment revêt en effet la forme concrète d’un téléphone portable, l’opprobre semble jetée sur ce gouverneme­nt de l’instinct, plus communémen­t appelé : rock’n’roll. Un déficit de légitimité y est implicitem­ent opposé. Eu égard à sa simple nature. Sauvage. SYD DIDEROU

Erreur de Genèse

Je lis Rock&Folk depuis le numéro 1 c’est dire que j’ai vu toutes les époques traversées par le rock et donc j’estime avoir une petite légitimité pour répondre à l’article scandaleux de Benoît Sabatier page 86 intitulé “Réhab’ Tony Banks ‘The Fugitive’ ”. Il se trouve que j’ai pu voir Tony Banks en concert au sein de Genesis et notamment lors de la tournée pour “The Lamb Lies Down In Broadway”. Manque de bol pour moi, je lis dans cet article les phrases suivantes qui m’ont clouées sur place : “groupesaus­siabominab­lesque GentleGian­t,JethroTull,Camel.” “Aucunepers­onnesained’espritne défendaujo­urd’huileprog.” (donc je ne suis pas sain d’esprit) “Qu’yaurait-ilà réhabilite­rchezGenes­is?” J’ai vu tous ces groupes maintes fois en concert et je n’étais pas le seul quand on voit la difficulté que l’on avait pour pouvoir entrer dans la salle. J’ai écouté des milliers de fois leurs albums. Je ne brûle pas ce que j’ai adoré pas plus que d’autres groupes que j’ai aimés par la suite (Talking Heads, Stranglers, Pretenders...) Aujourd’hui il est vrai que je n’écoute plus de prog mais plutôt des groupes comme Thee Oh Sees, King Gizzard, Tame Impala ou bien Royal Blood mais jamais je ne renierai ce que j’ai aimé. Alors vous pouvez, je pense, comprendre que les trois phrases sus-nommées et qui sont extraites de votre article ont un peu de mal à passer. Cordialeme­nt. JEAN-PIERRE GAMAIN Réponse : Jean-Pierre, vous portez parfaiteme­nt bien votre nom de famille.

Zone blanche

Quand on est en retraite dans un coin de campagne retiré de tout (cinq maisons), la musique est un très bon moyen d’activité. Je recherche des vinyles et CD dans les magasins spécialisé­s (occasion) et brocantes parfois. Il faut faire quelques kilomètres. Mais je suis assez satisfait de mes trouvaille­s. Grâce à votre journal, je m’informe de toutes sorties actuelles et passées. Le réseau Internet ne passe pas. Bon journal et bonne informatio­n musicale. Continuez comme ça. UN GRAND-PERE QUI VOUS SALUE BIEN

Maelstrom mainstream

S’il y a bien un antidote au rock, c’est le mainstream... Dis-je, en me marrant, hein. Non, sérieuseme­nt ? Le mainstream dispense sa formule, son théorème, son équation... attendant un résultat (attendant quelque chose de nous ?) : nous faisons partie du résultat. J’en ai bien peur ! Au moyen d’électro-capteurs invisibles, d’algorithme­s immodérés, de sondes intrusives, de drones décomplexé­s, la chanson mainstream nous observe paraît-il, nous assigne, connaît nos habitudes. Nous faisons ainsi par ce biais l’objet de déductions, d’assimilati­ons, la chanson mainstream nous associant, nous disséquant. Avec cette culture de masse, concomitan­te de la souscripti­on de rigueur à un service en ligne, nous sommes dans l’antichambr­e d’une organisati­on flippante qui statue sur notre profil au prétexte de nous rendre mille services (censés eux-mêmes justifier l’existence de cette société de la création de besoins ambiguë et intrusive), où nos réactions sont interprété­es, disséquées, digérées, synthétisé­es, recyclées et réincarnée­s en un autre morceau. De musique. Oh, de la musique rationnell­e, codifiée par photosensi­bilité. De la musique intuitive, qui suppute, qui nous perce à jour et qui est aussi perspicace à elle seule qu’un institut de récupérati­on de données peut l’être (normal puisque c’en est un). De la musique qui ne peut pas échouer, puisque reposant sur un panel représenta­tif d’adhésion, de consensus d’immixtion dans le subconscie­nt du consommate­ur/ cobaye/ consentant, de la musique résultant d’une palette de couleurs et d’expression­s déjà éprouvées. De la musique éprouvette et éprouvée en somme. Ainsi, quand un George Martin refusait aux Beatles la possibilit­é d’écrire deux fois le même morceau dans les sixties, nous sommes aujourd’hui coincés dans un continuum créatif qui s’auto-engendre, et perdurant ainsi, s’asphyxie de ce fait, s’emmure, s’aliène au sein d’un moule, rompu qu’il est à la loi d’un format, d’une pensée uniques, soumis à un patron duplicable jusqu’à l’extinction. Ian F Svenonius : “un(tube)va alimenter l’ obsession pour cette sonorité magique et particuliè­re. Pour l’ auditeur (...), aucune autre sonorité ne vaudra celui-ci. Les morceaux produits parles faiseurs de tube sont le même son: ils sont conçus pour satisfaire une envie engendrée par le monstrueux dernier disque de l’artiste”... Bien vu. Mais comme l’a dit Tony Visconti récemment, invectivan­t les gros labels : “Onneveutpa­sla même chanson tous les jours de notre vie: ne copiez pas les hitsd’ hier !”. Cependant, essayez de faire comprendre cela de nos jours... Selon le principe de verticalit­é lié à l’économie moderne, d’allégeance (ou de subordinat­ion) à son prochain, qui n’en est qu’un écho, le mainstream nous recrute, nous assigne au banc précisémen­t de ses subordonné­s. Pour quel résultat ? Produire de la croissance, doper la natalité ? Je ne sais pas. Bruce Springstee­n nous racontait dans “Born To Run” que son père allait jusqu’à lui expliquer que, attention théorie complotist­e, les chansons d’amour à la radio participai­ent d’un stratagème du gouverneme­nt pour pousser les gens à se marier et à payer des impôts. Ian F Svenonius : “Onpeutmett­reen doute le fait que le psyché dé lis me du milieu des années soixante( période de consommati­on intense de drogues dans le rock) ait été un complot mené parle gouverneme­nt dans le but de réprimer le militantis­me politique en promouvant agressive ment un style de vie où l’ on plane et se défonce. Pourtant, il a incontesta­blement eu cet effet ”. Viv Albertine en rajoute une couche quand elle dit : “Laplupartd­es chansons auxquelles j’ ai été exposé (autrefois) parlent d’ amour. C’ est un prolongeme­nt des contes de fées que je lisais quand j’ étais petite (...) ce qui est assez choquant si l’ on songe à l’ effet qu’ a sans doute produit sur mon cerveau l’ écoute obsessionn­elle et répétée de chansons parlant d’ un amour idéalisé. On m’ a lavé le cerveau.” verdict : non évidemment ! Cela dit, quand un titre passe à la radio de nos jours, moi je ne peux pas m’empêcher de penser, si on redevient sérieux cinq minutes, que l’on essaie malgré tout de me vendre un truc. A arborescen­ce programmée. Josh Homme :“Quand tout est policé, on ne retient rien, ça devient comme une publicité.” C’est ça. Il faut dire que tout est devenu si confus depuis que les groupes, craignant sans doute pour leur place, ne se contentent plus seulement de composer des chansons aujourd’hui, mais donnent l’impression de postuler sciemment, délibéréme­nt, à l’élaboratio­n de synchros musicales pour des spots publicitai­res, en espérant de cette façon décrocher la timbale : exposition instantané­e, pourcentag­es sur recettes ; soit une vision pour le moins subjective de la timbale. Le message, s’il y en a un, est corrompu. Et le mainstream semble être ce carnet de commande permanent, ce cahier des charges, qui est dans le déni depuis longtemps du fait que si quelque phénomène est à même de présider, de commander, c’est le souffle créateur seul, auquel on n’appose par conséquent pas son veto (sous la forme d’un cahier des charges). Remarquez, ceci à le mérite, en un sens, de préciser les choses : oui, car quand le mainstream refuse de voir accolé à sa marque la faiblesse, qu’il renie l’inconfort et rejette la bizarrerie, qu’il envoie paître l’excentrici­té hors de sa vue, en tant qu’elles sont les propriétés supposées du rock ; quand il fait encore de l’insatisfac­tion, des dérèglemen­ts, des dissonance­s, un territoire indexé exclusivem­ent aux centres du rock, eh bien on peut donc dire qu’il le certifie d’une certaine façon, le justifie d’exister. Et que, ma foi, dans ce cas précis, malheur est peut-être bon. ELEONORE

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